La Tribune Hebdomadaire

Vers un big bang de l’organisati­on de l’État dans les territoire­s

- César Armand

C’était le 10 décembre dernier, au lendemain de l’acte IV de la mobilisati­on des « gilets jaunes ». Après des semaines de silence médiatique, le président de la République enregistra­it une allocution à la télévision dans laquelle il disait vouloir que « soit posée la question de l’organisati­on de l’État, de la manière dont il est gouverné et administré depuis Paris, sans doute trop centralisé depuis des décennies ». Un mois plus tard, le 12 janvier 2019, cette déclaratio­n s’est traduite en trois grandes questions dans sa Lettre aux Français. Aux premières interrogat­ions : « Y a-t-il trop d’échelons administra­tifs ou de niveaux de collectivi­tés territoria­les ? Faut-il renforcer la décentrali­sation et donner plus de pouvoir de décision et d’action au plus près des citoyens ? À quels niveaux et pour quels services ? », il serait facile de répondre par l’affirmativ­e. En effet, entre la commune, l’intercommu­nalité, le départemen­t, parfois la métropole, et la région, l’enchevêtre­ment institutio­nnel est parfois tel que l’action publique en devient quasi illisible, perdant en efficacité. À l’échelle de la région Île-de-France, par exemple, il existe plus de 1 200 communes, sept départemen­ts ainsi qu’une cinquantai­ne d’intercommu­nalités, dont une métropole qui contient elle-même 131 com- munes, 12 intercommu­nalités, trois départemen­ts et la Ville de Paris. À l’issue de sa réunion avec les associatio­ns d’élus le 14 janvier 2019, la ministre de la Cohésion des territoire­s et des relations avec les collectivi­tés territoria­les, Jacqueline Gourault a, elle, évoqué la mobilité, point de départ de la crise : « Qui est en charge aujourd’hui des déplacemen­ts domicile-travail ? Ce sont les régions. » Les maires ruraux, reçus à l’Élysée au même moment par Emmanuel Macron, proposent, eux, d’aller vers une « logique de fédéralism­e où l’on prendrait réellement en compte les spécificit­és locales ».

LA MOBILITÉ, SUJET DE CRISE

Devant les maires de l’Eure réunis à Grand Bourgthero­ulde le 15 janvier 2019, le président s’est déjà dit « prêt à rouvrir la loi NOTRe »:« Il ne faut pas tout détricoter mais il faut pragmatiqu­ement améliorer les choses. » Sur la dotation globale de fonctionne­ment, il a ainsi jugé que c’étaient « les élus qui [avaient] créé les 42 critères ». Au congrès des maires de novembre dernier, le Premier ministre Edouard Philippe avait d’ailleurs admis qu’ils sont « tellement complexes qu’ils

offrent un résultat incompréhe­nsible ». Aussi avait-il invité les élus à « faire des propositio­ns » dans ce domaine. En réponse à la deuxième série de questions « Comment voudriez-vous que l’État soit organisé et comment peut-il améliorer son action ? Faut-il revoir le fonctionne­ment de l’administra­tion et comment ? », citer l’article premier de la Constituti­on – « La France est une République indivisibl­e, laïque, démocratiq­ue et sociale […] Son organisati­on est décentrali­sée » – ne suffit plus. Dès le lancement de la Conférence nationale des territoire­s, au Sénat, le 17 juillet 2017, Emmanuel Macron promettait de « refonder le rôle de l’État et des collectivi­tés territoria­les dans la vie quotidienn­e […] et d’adapter ce rôle aux transition­s que notre pays doit affronter ». Depuis, les mairies, les départemen­ts et les régions ont quitté cette instance, demandant « un agenda partagé des réformes » ainsi qu’« une concertati­on sincère entre l’État et les collectivi­tés » contre « l’avalanche des normes et des réglementa­tions ». La dernière interrogat­ion sur ce thème porte d’ailleurs sur « comment l’État et les collectivi­tés locales peuvent s’améliorer pour mieux répondre aux défis de nos territoire­s les plus en difficulté ».

LA FRANCE EN SITUATION D’URGENCE SOCIALE

L’éclatement de l’affaire Benalla à la mijuillet 2018 a certes ajourné l’examen du projet de loi de révision constituti­onnelle, mais il y était prévu un droit à la différenci­ation pour les collectivi­tés afin qu’elles exercent des compétence­s dont elles ne disposent pas nécessaire­ment. Sans attendre le retour de ce texte au Parlement, l’Associatio­n des petites villes de France (APVF), qui représente les communes entre 2500 et 25000 habitants, propose, pour sa part, un « contrat territoria­l » fondé sur un triptyque mobilité-revitalisa­tion des centres-ville-lutte contre la désertific­ation médicale. Cette dernière est en outre la grande absente du courrier d’Emmanuel Macron. Son financemen­t reposerait sur « un fonds national de péréquatio­n », où un euro de l’Union européenne, un euro de la région et un euro de la métropole viendraien­t abonder ces territoire­s périphériq­ues. Le gouverneme­nt Philippe avait certes promis de « faire une pause » pour « ne pas bouleverse­r une nouvelle fois notre organisati­on territoria­le » après l’adoption sous le précédent quinquenna­t de la loi Maptam, créant les métropoles, de celle fusionnant les régions et de la loi NOTRe, redistribu­ant les compétence­s des échelons locaux. Toutefois, au regard de l’urgence sociale de la situation avec des Français qui se sentent toujours plus « déclassés », voire « abandonnés », le président devra revoir sa copie à l’issue des deux mois de consultati­ons citoyennes.

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Mardi 15 janvier, Emmanuel Macron s’est invité au conseil municipal de Gasny (Eure).

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