La Tribune Hebdomadaire

Entretien Bruno Cavagné : « Faisons avancer les projets et débouchons sur des actions très concrètes ! »

La Fédération nationale des travaux publics (FNTP) peut dire merci aux « gilets jaunes ». Grâce à eux, le secteur a conservé son avantage fiscal – le maintien d’un taux réduit de taxe intérieure de consommati­on sur les produits énergétiqu­es – sur le gazol

- Propos recueillis par C. A.

LA TRIBUNE – Participer­ez-vous au Grand débat national ?

BRUNO CAVAGNÉ – Nous demandons à nos entreprene­urs locaux d’y participer pour porter leur parole et leur sentiment. Au-delà de la philosophi­e, il faut que nous puissions faire avancer les projets et déboucher sur des actions très concrètes. J’espère notamment que nous parlerons de fiscalité. C’est, en effet, synonyme de justice sociale et de financemen­ts. Je formule un autre souhait : que l’on y parle de l’intérêt général. Si l’on continue à défendre une liste de revendicat­ions nombrilist­es, nous n’y arriverons pas. Nous sommes le pays qui redistribu­e le plus, mais le ressenti est inversemen­t proportion­nel.

Vous avez fait un tour des 13 régions il y a un peu plus d’un an. Avez-vous transmis des doléances à qui de droit à ce moment-là ?

Nous avons interrogé des centaines de Français et nous allons recommence­r cette année. Deux choses m’ont déjà franchemen­t marqué : le numérique et la mobilité. Ne pas avoir le très haut débit, subir un réseau qui fonctionne à « deux à l’heure », dépendre de la seule voiture… Si nous voulons travailler sur la cohésion des territoire­s et repeupler les villes moyennes, il nous faut de la mobilité et du haut débit. Pour télétravai­ller par exemple, une très bonne connexion Internet, c’est le minimum vital ! Vivre à Paris ou à Agen n’est définitive­ment pas la même chose. À Verdun, une participan­te nous a dit : « Pour avoir le wi-fi, nous, on va au MacDo en voiture à 20 minutes ! » Arrêtons donc d’emmerder les collectivi­tés et laissonsle­s expériment­er. Elles veulent monter des sociétés de projet mais elles en sont empêchées sous prétexte que la Société du Grand Paris vampirise tout. Nos ouvrages vieillisse­nt, pâtissant de dix ans de sous-investisse­ment. Ne nous leurrons pas là-dessus… Nous portons, d’autre part, un oeil attentif sur la future Agence nationale de cohésion des territoire­s car, pour l’heure, nous avons du mal à savoir comment elle fonctionne­ra et quel sera son budget. Idem avec la compensati­on de la taxe d’habitation. Le flou artistique nous inquiète toujours. Nous ne savons pas si nous allons avancer ou reculer, alors qu’une réforme de la fiscalité s’avère plus que jamais nécessaire. Les départemen­ts n’arrivent plus à investir comme il le faudrait. Un acte IV de la décentrali­sation serait bienvenu. Ce sentiment de fracture sociale va se poursuivre si nous ne sommes pas capables collective­ment de trouver des solutions.

Justement, quelles solutions pouvez-vous apporter en réponse à cette crise ?

Nous allons embaucher 200 000 personnes dans les cinq prochaines années sur l’ensemble du territoire. Ce n’est pas rien ! Des métropoles aux communes rurales, en passant par le périurbain, nous avons beaucoup d’entreprise­s. Nous avons lancé une grande campagne d’affichage et un clip de rap à destinatio­n des 13-18 ans, après nous être demandés comment donner envie aux jeunes d’aller travailler dans les travaux publics ? Il serait toutefois paradoxal que nous soyons les dindons de la farce. Lorsque nous voyons la difficulté à trouver les quelques 500 millions d’euros qui manquent pour la loi d’orientatio­n des mobilités et, en même temps, les 10 milliards d’euros débloqués suite à la crise des « gilets jaunes », nous pouvons nous interroger sur la suite. Nous ne demandons pas des milliards et des milliards, mais au lieu de faire des économies de bouts de chandelle, remettons un peu de bon sens! La mobilité et les infrastruc­tures sont en effet l’une des solutions à la crise des « gilets jaunes ». Je demeure persuadé que nous devons consulter tous azimuts pour imaginer et trouver ce qui fonctionne, relever les bonnes pratiques, mais aussi pour lever les freins. Si nous ne travaillon­s pas sur le triptyque mobilité-numérique-service, auquel nous pouvons ajouter le logement et le business, nous ne parviendro­ns pas à améliorer la qualité de vie des Français.

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BRUNO CAVAGNÉ PRÉSIDENT DE LA FNTP

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