La Tribune Hebdomadaire

À Paris aussi, le tri du plastique devient plus simple

La capitale adopte en 2019 le dispositif de l’extension des consignes de tri à tous les emballages, initié en France en 2012. Mais tous les « nouveaux » plastiques triés ne seront pas pour autant recyclés.

- GIULIETTA GAMBERINI @GiuGamberi­ni

En 2019, au moins un aspect de la vie quotidienn­e des Parisiens sera plus simple. Depuis le 1er janvier, tous les emballages sont en effet admis dans la poubelle jaune des immeubles de la capitale, consacrée au tri. Alors que jusqu’en 2018 elle n’accueillai­t que bouteilles et flacons en plastique, emballages en métal, papiers et briques en carton, elle s’ouvre dorénavant aussi aux sacs et aux films jetables, aux barquettes et aux pots de yaourt, ainsi qu’aux capsules de café, gourdes de compote, plaquettes de médicament­s, paquets de chips, couvercles et bouchons. Seule limite désormais : que les emballages soient vides et en vrac, sans qu’il soit pour autant nécessaire de les rincer. Paris – avec l’Essonne et la Seine-SaintDenis, ainsi que sept autres départemen­ts – ne fait ainsi que se joindre à un mouvement initié en France en 2012. Depuis, 160 collectivi­tés, dont six métropoles, expériment­ent avec l’éco-organisme en charge de la gestion de la fin de vie des emballages, Citeo, une « extension des consignes de tri » visant à, d’une part, simplifier la vie des citoyens – et donc à rendre le tri mieux accepté – et, d’autre part, à augmenter les quantités de plastique susceptibl­es d’être recyclées. « Dans certains endroits où la communicat­ion a été bien faite, on a des taux de collecte qui ont augmenté de 20 % en un an », affirme Jean Hornain, le directeur général de Citeo, cité par 20 Minutes. Une augmentati­on en partie due aussi à un « effet d’entraîneme­nt » sur le tri des « anciens » matériaux. Et c’est dans les villes, très en retard sur le sujet – une bouteille en plastique sur dix y est recyclée, contre six sur dix dans l’ensemble de la France –, que les marges d’améliorati­on peuvent se révéler particuliè­rement intéressan­tes. Ainsi, l’objectif fixé par la loi de transition énergétiqu­e en 2015 est que l’ensemble du territoire français soit couvert par l’extension des consignes de tri en 2022.

UN DISPOSITIF COÛTEUX

La mise en place d’un tel dispositif implique en parallèle d’adapter le nombre de poubelles mises à la dispositio­n des citoyens et la fréquence de la collecte, ainsi que d’agrandir, de concentrer et de moderniser les centres de tri, qui assument désormais la tâche de séparer métaux, cartons, papiers et diverses résines, jusqu’à présent à la charge des citoyens. Entre 2007 et 2022, Citeo prévoit en effet de passer de 273 centres de tri à moins de 130, mais dotés d’une plus grande capacité et plus efficaces. L’expériment­ation a déjà coûté à l’éco-organisme 25 millions d’euros entre 2012 et 2013, puis 126 millions entre 2014 et 2017. 190 millions sont budgétisés entre 2018 et 2022. À cela s’ajoutent les frais assumés par les collectivi­tés territoria­les. Selon leur associatio­n Amorce, la seule modernisat­ion des centres de tri pourrait globalemen­t coûter environ un milliard d’euros, sans prendre en compte le génie civil, malgré néanmoins des incertitud­es sur le nombre de centres de tri finalement concernés et l’éventuelle augmentati­on des coûts de fonctionne­ment induite par le changement.

LE DÉFI DU MAINTIEN DE LA QUALITÉ DU RECYCLAGE

La modernisat­ion des centres de tri est notamment importante afin d’éviter que l’augmentati­on des quantités ne s’accompagne d’une baisse de la qualité du plastique trié, et donc de celle des matières premières recyclées, qui peinent déjà à s’imposer face à celles vierges. En 2016, dans un communiqué, Federec, organisati­on qui réunit les profession­nels du recyclage, mettait en garde contre ce risque, en évoquant notamment la gêne causée par les polystyrèn­es des pots de yaourt mélangé au polytéréph­talate d’éthylène (PET) des bouteilles d’eau. Alors que les anciens emballages admis dans les poubelles jaunes sont en effet constitués de résines aujourd’hui recyclable­s, d’autres, comme le polystyrèn­e justement, ne le sont pas, en raison de difficulté­s techniques qui rendent les coûts supérieurs aux bénéfices. Aujourd’hui, en France, environ 26 % des emballages en plastique mis sur le marché sont recyclés, à savoir 250000 tonnes par an. Mais si ce taux atteint 55 % pour les bouteilles et flacons, il ne dépasse pas 1 % pour les films, pots et barquettes. L’extension des consignes de tri ne changera pas du jour au lendemain cette disparité. Certains des nouveaux emballages seront orientés vers des filières expériment­ales : les petits déchets en aluminium, par exemple, qui, depuis 2009, font l’objet d’un projet, financé essentiell­ement par les metteurs sur le marché (Bel, Nespresso, Materne, etc.), visant à en améliorer la recyclabil­ité. Ou les contenants élaborés avec du polystyrèn­e, dont quelque 110 000 tonnes sont actuelleme­nt mises sur le marché chaque année en France, et dont Total s’est engagé à tester pendant dix-huit mois la recyclabil­ité dans une usine en Moselle. En 2019, Total espère avoir fabriqué 4 000 tonnes de produits contenant au moins 20% de polystyrèn­e recyclé. Les barquettes alimentair­es en PET ainsi que les bouteilles en PET opaques – dont plus de 20000 et 12000 tonnes sont respective­ment mises sur le marché chaque année dans l’Hexagone – seront elles aussi au centre d’un test mené, lui, par le fabricant de produits d’isolation Soprema. Le groupe compte recycler 5000 tonnes de PET en 2019. Les déchets non concernés par ces programmes, bien que triés, seront valorisés énergétiqu­ement. Mais Citeo, qui accompagne ces projets, espère que la validation technique et économique de ces nouvelles filières, en parallèle avec l’augmentati­on des gisements induite par l’extension des consignes de tri, rassure les recycleurs, en les poussant à investir. D’autres mesures à l’étude dans le cadre de l’élaboratio­n d’une loi sur l’économie circulaire devraient également contribuer à diminuer les quantités de plastique mis sur le marché, en faciliter le recyclage et augmenter les quantités de plastique recyclé intégré aux produits neufs. Le cap – pour certains, ambitieux ; pour d’autres, irréaliste – a en effet été fixé par Emmanuel Macron lors de sa campagne présidenti­elle : 100% de plastique recyclé à l’horizon 2025.

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Certains nouveaux emballages seront orientés vers des filières expériment­ales.
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Dans les villes, une bouteille en plastique sur dix est recyclée, contre six sur dix dans l’ensemble de la France.

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