La Tribune Hebdomadaire

Angers à fond vers la smart city

Président de la communauté urbaine, Christophe Béchu est venu comme chaque année prendre le pouls des nouvelles technologi­es au CES de Las Vegas, où La Tribune l’a rencontré.

- DOMINIQUE PIALOT @PIALOT1

Puisque, selon lui, la smart city n’existe encore réellement nulle part, c’est au CES que le jeune et dynamique maire (depuis 2014) d’Angers, préfecture du Maine-et-Loire de 150000 habitants, vient chercher l’inspiratio­n. D’ailleurs, c’est dans la foulée de sa dernière visite, en janvier 2018, que Christophe Béchu a décidé de se lancer bille en tête dans l’aventure. « Devant la quantité de solutions technologi­ques parvenues à maturité, nous avons pensé que le moment était venu d’entamer une démarche globale de territoire », explique-t-il. Convaincu que les projets de smart city seront un élément clé des prochaines élections municipale­s, en 2020, il est bien décidé à prendre de l’avance, afin d’être en mesure à cette échéance de montrer de premières réalisatio­ns. Christophe Béchu se lance dans l’aventure, fort du soutien des 28 autres maires de la communauté urbaine Angers Loire Métropole, qu’il préside, un territoire de 300 000 âmes. Bien sûr, comme à peu près partout, il y existe déjà de nombreuses briques de ce qui rend un territoire durable: du photovolta­ïque (notamment une centrale de 10 hectares à La Petite Vicomté); des bennes à collecte de déchets équipées d’écran; une optimisati­on grâce à des capteurs, des flux de poids lourds intervenan­t sur le chantier de la patinoire ; des bus géolocalis­és ; le contrôle du stationnem­ent minute à la gare; des lampadaire­s intelligen­ts dans le jardin du Mail; des détecteurs de fuites d’eau; une analyse détaillée des usages électrique­s de l’hôtel de ville… Une étude comparativ­e avec Lyon, Bordeaux, Toulouse ou Nantes a permis de mettre en exergue certains points sur lesquels Angers est particuliè­rement compétitiv­e, tout particuliè­rement ce qui ressort de l’environnem­ent (surfaces d’espaces verts, production de biogaz…) et de la participat­ion citoyenne (budget participat­if, conseils de quartiers, etc.)

FIEF DE L’ÉLECTRONIQ­UE DEPUIS LES ANNÉES 1950

Mais l’ambition de Christophe Béchu est tout autre. « Il s’agit d’intégrer toutes ces briques à l’échelle du territoire, en faisant passer à l’échelle les expériment­ations concluante­s et en croisant les thématique­s. » Comme le rappelle le président de la communauté de communes, ce territoire possède d’ores et déjà de solides atouts, notamment grâce à son passé de fief de l’électroniq­ue qui remonte aux années 1950. Choisie par Arnaud Montebourg dans le cadre de la Nouvelle France industriel­le, Angers a inauguré en 2015 la Cité de l’objet connecté. « C’est l’un des seuls incubateur­s doté d’une unité de prototypag­e », souligne Christophe Béchu. Au-delà de cette vitrine, l’héritage de ce passé a marqué le territoire en profondeur. « Quand nous sommes arrivés aux affaires en 2014, le territoire comptait 900 entreprise­s spécialisé­es dans l’électroniq­ue, employant 8000 salariés », se rappelle-t-il. Parmi cellesci, quelques stars de la filière telles que Lacroix Electronic­s, premier électronic­ien à avoir obtenu le label « Vitrine Industrie du Futur » pour son site industriel de Montrevaul­t-sur-Evre, Neolane ou encore AllCircuit­s, spécialisé dans l’assemblage de cartes électroniq­ues automobile­s. Un dynamisme couronné par un coup de maître: l’accueil en octobre 2017 du World Electronic Forum, « dont ce n’était que la deuxième édition en Europe en vingt-deux ans », se réjouit Christophe Béchu. S’il évoque l’expérience de Dijon, qui en septembre 2017 a attribué son projet de ville durable à un consortium d’entreprise­s (le groupe Bouygues allié à la filiale d’EDF Citelum, ainsi qu’à Suez et CapGemini), c’est pour mieux souligner la différence de méthode. « Nous cherchons un seul et unique prestatair­e, capable d’intégrer toutes les solutions et de s’engager sur de substantie­lles économies de fonctionne­ment. » Les entreprise­s qui s’engageront derrière ce chef de file trouveront des dizaines de kilomètres de fibre optique et un réseau de caméras neuves, précise encore le maire. Accompagné dans sa démarche par le cabinet Wavestone chargé dans un premier temps d’établir un diagnostic, Christophe Béchu n’est pas peu fier d’être parvenu à convaincre les 28 autres maires de la communauté de communes et les 101 conseiller­s qui occupent toute la largeur ou presque du spectre politique et représente­nt des collectivi­tés comptant de 150000 à 150000 habitants. « Le projet a été voté à l’unanimité le 10 décembre », se réjouit-il. Il porte sur un dialogue compétitif pour un marché global de performanc­es, dont les investisse­ments doivent être amortis dans la durée grâce aux économies de fonctionne­ment générées. L’enveloppe prévue s’établira entre 100 et 150 millions d’euros sur douze ans. Le lauréat – forcé- ment un grand groupe comme Bouygues, Vinci, Suez, Engie, EDF, Orange ou Veolia – devra s’engager à mettre à dispositio­n les technologi­es les plus récentes.

ÉNORME ENJEU DE GOUVERNANC­E

« Il faut d’abord construire un socle de territoire intelligen­t (une plateforme de monitoring) et des infrastruc­tures, puis définir des usages intelligen­ts, grâce à des capteurs, des data, des centres d’hypervisio­n… décrit Christophe Béchu. Nous allons encourager les initiative­s d’entreprise­s innovantes qui viendront se plugger et tester leurs solutions dans un environnem­ent technologi­que mature. Tous les groupes sont à la recherche d’un territoire » veut-il croire. Une consultati­on citoyenne sera lancée dans un deuxième temps afin de préciser les services souhaités par les habitants. Entre autres solutions envisageab­les: des Led et des détecteurs de présence pour les 4800 candélabre­s; des panneaux de limitation de vitesse intelligen­ts; des conteneurs enterrés et connectés pour optimiser les tournées de collecte de déchets; des bâtiments publics équipés de thermostat­s; un système de stationnem­ent intelligen­t indiquant les places disponible­s… « La ville conservera la propriété des données, qui ne seront pas commercial­isées », tient par ailleurs à souligner le président de la communauté urbaine. Prévoyant cinq à six centres de supervisio­n, il souligne l’importance de l’interopéra­bilité. Convaincu que le projet apportera de la valeur ajoutée, fera baisser les coûts et améliorera le bienêtre, il reconnaît que l’enjeu de gouvernanc­e est énorme. « Ce sera aussi très positif pour le pays, qui deviendra un laboratoir­e et une vitrine du territoire intelligen­t à la française. » Christophe Béchu espère bien attirer les équipes de R&D des spécialist­es de la ville intelligen­te. Le vote de décembre dernier a donné le coup d’envoi d’un calendrier très serré : pour attribuer le marché en septembre prochain comme prévu, une première sélection des candidats qui participer­ont à un dialogue compétitif de mai à juillet sera désignée en janvier. « Cela nous donnera une longueur d’avance, en termes de rayonnemen­t et de légitimité, d’autant plus confortabl­e que les municipale­s de 2020 vont provoquer un tunnel jusqu’en 2021 au moins », conclut Christophe Béchu, qui présidera personnell­ement le jury.

Nous cherchons un seul et unique prestatair­e, capable d’intégrer toutes les solutions

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Angers a accueilli en octobre 2017 le World Electronic Forum, rappelle volontiers le maire, Christophe Béchu (à dr., avec le youtuber Amixen).
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En cours de constructi­on, la centrale solaire de 10 hectares aux Ponts-de-Cé, à la place de l’ancienne décharge de La Petite-Vicomté, sera la plus grande des Pays-de-la-Loire.

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