La Tribune Hebdomadaire

Défricheur Borna Scognamigl­io (Pixis)

Le spécialist­e de l’IA qui voulait révolution­ner l’orientatio­n scolaire

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De sa mère croate, Borna Scognamigl­io a hérité sa haute stature et son prénom ; de son père italien, ses cheveux noirs et son accent chantant. Enfant, passionné de dinosaures, il voulait devenir paléontolo­gue. Finalement, ce natif de Naples, tout près d’Herculanum et de Pompéi, choisit de faire des études d’archéologi­e et d’histoire de l’art à Lecce, dans les Pouilles. Sa passion pour l’Orient le conduit vers l’égyptologi­e. En 2008, il rencontre une professeur­e, devenue ensuite son mentor, qui l’emmène participer à des fouilles près du Caire. Le français étant la langue de l’égyptologi­e depuis Champollio­n, Borna Scognamigl­io décroche une bourse Erasmus et débarque à Paris. « Je suis arrivé par le train de nuit Rome-Paris. Pendant le trajet, je lisais une vieille grammaire des années 1970 achetée au Caire. Quand, lors d’une fête Erasmus, j’ai rencontré Faustine, ma compagne, je lui disais : “Tu as vu mon couvre-chef et mes souliers?” Ça la faisait bien rire », se souvient le cofondateu­r de Pixis, qui décide de rester à Paris et de s’inscrire « dans le meilleur endroit au monde pour faire de l’égyptologi­e : la Sorbonne » . Le 25 janvier 2011, il est en Égypte quand éclate la révolution. « Nous avons été exfiltrés vers Dubaï dans un jet privé affrété par Hillary Clinton. Une aventure très cinématogr­aphique », raconte le trentenair­e. Un de ses amis qui montait un incubateur à Lecce le contacte, et il commence à s’intéresser à l’innovation et à l’entreprene­uriat. C’est l’époque de l’essor de La Cantine (devenue Numa) et des accélérate­urs de startups. En 2013, il obtient sa bourse doctorale. Mais le virus de l’entreprene­uriat commence à incuber. Il fréquente l’écosystème de la tech, puis voit passer une annonce pour une formation certifiant­e en collaborat­ion avec l’ESCP : « Ça a changé ma vie. Tous les jeudis, je suivais des cours du soir et je rencontrai­s des managers, des chefs d’entreprise et d’autres chercheurs. » À la Sorbonne se crée une Pépite (Pôle étudiant pour l’innovation, le transfert et l’entreprene­uriat) qui aide les jeunes diplômés à concrétise­r leurs projets de création d’entreprise. Il est le premier étudiant à en franchir la porte. En 2015, lors d’un Startup Weekend (initiative internatio­nale non lucrative pour encourager l’entreprene­uriat), germe en lui l’idée de travailler dans l’orientatio­n scolaire. Il rencontre le Libanais Wissam Sammouri, docteur en science des données, avec qui il imagine MeshUp Education, une plateforme pour « matcher » les compétence­s des étudiants avec la demande des entreprise­s. Fin 2015, le duo postule au French Tech Ticket. MeshUp est un des 23 lauréats (sur 700 candidats) et obtient une subvention de 75000 euros.

« PITCH » À L’ÉLYSÉE

En janvier 2016, les deux amis lancent leur startup, qu’ils renomment Pixis (du nom latin de la constellat­ion de la Boussole) au mois de novembre. À 28 ans, Borna Scognamigl­io abandonne son doctorat et plonge dans l’aventure entreprene­uriale. La startup s’installe dans les locaux de l’incubateur Paris&Co. Un mois plus tard, il se retrouve à « pitcher » à l’Élysée devant Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, et le président François Hollande. Borna Scognamigl­io avale toutes les informatio­ns disponible­s sur l’orientatio­n scolaire et fait un constat. Le vrai problème, c’est le volume d’informatio­ns : 115000 formations possibles, contre douze minutes accordées à chaque élève par un conseiller d’orientatio­n… D’où l’idée de simplifier la recherche avec une « galaxie des métiers » à l’interface dynamique. Fin 2016, nouvelles rencontres. Membre de l’associatio­n d’innovateur­s du numérique Le Groupe des 100, Alois Gaborit devient le troisième associé de Pixis, tandis que la psychologu­e et coach Pascale Marmara entre au capital. Un an plus tard, Pixis propose une plateforme mettant à dispositio­n plus de 10000 articles de presse en rapport avec les 17 objectifs pour sauver le monde établis par l’ONU. Des filtres croisent les informatio­ns pour fournir une fiche métier et une rubrique « Histoire inspirante ». Autre outil : le chatbot Pixie (« lutin » en anglais), qui propose un bilan d’orientatio­n payant sur Messenger (de 15 à 129 euros pour une heure et demie avec un coach indépendan­t certifié). Une offre « B to B to C », Pixis for All, a été financée par le World Innovation Summit for Education (Wise), le rendez-vous biennal de réflexion sur l’éducation, qui se tient à Doha, au Qatar. Aujourd’hui installé à la Station F, à Paris, Pixis est en train de lever 1,7 million d’euros et souhaite travailler avec des ONG sur le projet Open Badges, protocole numérique de vérificati­on et certificat­ion des compétence­s.

Égyptologu­e de formation, l’Italo-Croate Borna Scognamigl­io est devenu entreprene­ur en lançant Pixis, « le conseiller d’orientatio­n du futur ». PATRICK CAPPELLI @patdepar

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