La Tribune Hebdomadaire

Parce que c’est « notre » Dame!!

- PHILIPPE MABILLE DIRECTEUR DE LA RÉDACTION

Il est parfois des événements qui, sans qu’on en prenne immédiatem­ent conscience, changent le cours de l’histoire telle qu’elle aurait pu se dérouler s’ils ne s’étaient pas produits. Le dramatique incendie qui a ravagé le lundi soir de la semaine sainte la cathédrale Notre-Dame de Paris pourrait faire partie de ces moments qui ont transformé la France. Emmanuel Macron ne s’est pas trompé sur le symbole!: il a immédiatem­ent compris que le discours qu’il devait prononcer pour donner la feuille de route de sortie du Grand débat était désormais hors-sol et caduc, que cet événement effaçait tout, au moins pour quelques jours. Le chef de l’État a su saisir l’émotion qui a étreint, au-delà des catholique­s, tout le peuple français, saisi de compassion devant le martyr de ce monument de notre patrimoine, religieux certes, mais bâti par la sueur et le génie des hommes. Et, après l’effondreme­nt sous les yeux sidérés du monde entier de la flèche en flamme de Viollet-Le-Duc, il n’a pas lésiné sur la métaphore en invoquant un « peuple de bâtisseurs » pour qui « rien n’est indestruct­ible » . En ayant retrouvé le coq de la flèche presque intact dans les décombres, un quidam lui donnerait presque raison. Finalement, pour Emmanuel Macron, le hasard de cet incendie sera peut-être sa chance. On peut penser, sans grand risque de se tromper, que le catalogue de mesures qu’il s’apprêtait à annoncer lundi allait provoquer plus de déceptions que de félicitati­ons. Les plus irréductib­les des « gilets jaunes » annonçaien­t déjà un nouveau samedi de mobilisati­on et de violences, le 23e depuis le 17 novembre, pour dire que le compte n’y est pas, sans même connaître le contenu des annonces présidenti­elles… À la vérité, le compte n’y sera jamais, tant il semble impossible de satisfaire chaque catégorie de revendicat­ions individuel­les. Bien sûr, pour reprendre certaines des mesures qui ont été dévoilées, ce n’est pas avec 5 milliards d’euros de baisse de l’impôt sur le revenu des classes moyennes, avec la suppressio­n, un brin populiste, de l’ENA et de l’École nationale de la magistratu­re, avec un zeste de proportion­nelle et avec un soupçon de référendum local, que la colère des ronds-points va s’apaiser. Emmanuel Macron le savait. Mais l’élan de solidarité en faveur de la reconstruc­tion de NotreDame change la donne, en forçant chacun à prendre de la hauteur. « Nous avons tant à reconstrui­re » , a dit Emmanuel Macron. Reste au président à convaincre les Français d’être patients, et que l’Acte II du quinquenna­t qui va s’ouvrir en mai sera à la hauteur de « l’espérance » qu’il a voulu susciter en promettant qu’il est possible de rebâtir une cathédrale « plus belle encore » en cinq ans. En 2017, il avait soulevé l’énergie des foules en s’écriant à s’en casser la voix son fameux « parce que c’est notre PROJET » . Deux ans plus tard, c’est « notre » Dame qui lui offre une seconde chance de montrer au pays ce dont il est capable.

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