« Sur la “blockchain”, beaucoup de projets commencent et s’arrêtent, ce qui est normal pour une technologie qui n’est pas encore mature »
disposerait d’une copie de toutes les transactions réalisées par les gestionnaires d’actifs, qui eux-mêmes pourraient vérifier leurs transactions. Nous avons travaillé avec la technologie opensource Tendermint, en utilisant le consensus de « preuve d’autorité » (algorithme basé sur la réputation), ce qui permet une communication sécurisée entre les parties. Et cela fonctionne"! Nous avons présenté la solution à l’AMF et à l’ESMA. Cela pourrait devenir un très beau projet de place et créerait un référentiel central européen, alors que les principaux Trade Repositories sont anglo-saxons [ICE, CME], au même titre que Liquidshare [une architecture blockchain de traitement post-marché des PME cotées peu liquides, ndlr], dont la Caisse des Dépôts est actionnaire. Avez-vous travaillé sur le volet cryptoactifs!? Nous avons travaillé sur un simulateur de création d’un fonds en cryptomonnaies, avec des bitcoins, des ethers et du cash. Nous avons enregistré une performance de 4"500 % en six mois, c’était avant la flambée de fin 2017"! Cela nous a permis également de traiter la question de la gestion du passif [le suivi des modifications du registre des investisseurs, entrées, sorties, nouvelles parts émises, etc] avec la startup Blockchain Solutions et les Amér i c a i n s d e BlockStream pour pouvoir tester leur technologie. Au LabChain, nous sommes agnostiques par rapport aux technologies, ce qui est important au vu de la maturité de ces dernières. Les standards de demain ne sont pas connus aujourd’hui, on se doit d’identifier les technologies les plus adaptées aux différents cas d’usages visés. Nous avons également présenté en février un retour d’expérience sur la « tokenisation » de l’euro. Nous avons testé la partie règlement du mécanisme de règlement-livraison (qui permet de transférer des titres après une transaction d’achat-vente). Ce PoC a été piloté par la Caisse des Dépôts. Société Générale, sa filiale SGSS, et Crédit Agricole CIB y ont participé. Nous avons créé un « token euro » (un jeton ou actif numérique représentant l’euro), une sorte de « stable coin » indexé sur l’euro, qui permet de réaliser des opérations de règlement-livraison de titres en blockchain. Nous avons dressé un benchmark, travaillé sur la gouvernance et développé un démonstrateur. Cela permet d’avancer, de voir ce qui fonctionne ou pas. L’idée n’est pas de créer un coin (monnaie digitale) qui prenne de la valeur et qui soit coté sur une plateforme, mais de créer un jeton d’échange interbancaire destiné à des investisseurs institutionnels. Je suis persuadée de l’intérêt de créer une monnaie interbancaire qui permette de faire le lien dans le cadre des technologies blockchain et de registre distribué. Ce n’est pas forcément de la monnaie électronique pour autant. L’étape d’après consiste à voir s'il y a des acteurs de place suffisamment mûrs pour se lancer. JP Morgan vient d’annoncer la création de son JPM Coin, le japonais Mizuho Bank a aussi annoncé son J-Coin. Il y a un vrai enjeu à l’échelle de la place de Paris, et plus largement concernant la souveraineté européenne. C’est aussi pour relever cedéfiquenousavonscrééLiquidshare dans les infrastructures de marchés. La chute des cours des cryptomonnaies a-t-elle freiné la dynamique des projets blockchain !? La partie cryptoactifs et blockchain publique connaît en effet une sorte d’hiver avec la chute des cours. Des questions ont é me r g é s u r la confiance et l a concentration aux mains de quelques acteurs détenant une bonne partie du jeu"; elles se posent aussi concernant les sous-jacents potentiels pour la « tokenisation » de l’écon o mi e . Il y a quelques mois, la mode, poussée par toute une série d’intermédiaires, était de dire que tous les acteurs du CAC 40 allaient émettre leur « token ». Finalement, il ne s’est rien passé. Il y a toutefois des modèles pertinents, à l’image de ce que fait BTU Protocol dans la réservation hôtelière. Au niveau mondial, créer des actifs monétaires de ce type peut avoir du sens dans certains pays, pour apporter de la transparence, gérer des allocations dans une logique d’inclusion financière. Sur la partie infrastructures, le sujet gagne en maturité et n’est pas atteint par la chute des cours des cryptoactifs. Certains projets sont entrés en production ou sont en phase de l’être, comme Liquidshare et la plateforme Iznes dans la gestion d’actifs. Au LabChain, nous avons connu des moments de doute, d’autres moments où les choses avancent. Il est certain que la blockchain ne sert pas à tout faire. Il faut plus de sélectivité sur les projets et s’attacher à résoudre les problèmes de gouvernance et de décentralisation.