La Tribune Hebdomadaire

À Saint-Denis, le Crédit Coopératif invente l’incubateur militant

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BANQUE

Le banquier des associatio­ns et des coopérativ­es veut accompagne­r la nouvelle génération d’entreprene­urs de l’économie sociale et solidaire. Son incubateur dédié à l’inclusion accueille des projets allant de la digitalisa­tion des monnaies locales à la création d’une coopérativ­e de livreurs, en passant par une plateforme de colocation­s solidaires.

Quelle banque ne dispose pas aujourd’hui de son propre incubateur"? Après le Crédit Agricole et sa trentaine de pépinières d’entreprise­s Village by CA, BNP Paribas et son programme d’accélérati­on à Station F, Société Générale et son technopôle Les Dunes et La Banque Postale et son espace d’open innovation Platform58, le Crédit Coopératif (l’une des 14 Banques Populaires du groupe BPCE) est le dernier établissem­ent bancaire en date à s’être doté de cet outil d’innovation. La banque des associatio­ns et des coopérativ­es (plus de 90"% de ses encours de crédits s’adressent aux coopérativ­es, PME-PMI et aux associatio­ns et organismes d’intérêt général) a inauguré, le 12 avril dernier, son nouvel incubateur baptisé L’Envolée, à Saint-Denis.

MONNAIE LOCALE 2.0 ET COOPÉRATIV­E DE LIVREURS

« Il s’agit d’un incubateur dédié à l’inclusion, qu’elle soit numérique, sociale, financière ou liée à un handicap. Par cette initiative, nous réaffirmon­s que le Crédit Coopératif est la banque de référence de l’économie sociale et solidaire. Nous avons choisi le territoire de Saint-Denis, car la Seine-Saint-Denis est l’un des départemen­ts les plus dynamiques en termes de création d’entreprise­s. C’est aussi là que se trouvera le village olympique en 2024 », a expliqué Christine Jacglin, directrice générale du Crédit Coopératif. L’espace lumineux de 400 mètres carrés, situé à quelques pas de la basilique, accueille et accompagne depuis le mois de février sept porteurs de projets d’horizon variés. Certains, comme le traiteur La Petite Casa, sont ancrés sur le territoire dionysien, mais ce n’est pas le cas de tous. Nicolas Caillouët est le cofondateu­r de Monkey Money. Il développe des outils numériques pour améliorer la gestion des monnaies locales et faciliter leur digitalisa­tion. Cinq organisati­ons utilisent aujourd’hui ses solutions. « Avant, nous étions hébergés au Village by CA, rue de la Boétie, à Paris, mais nous étions noyés parmi 80 startups. Ici, nous sommes mieux identifiés. Le Crédit Coopératif travaille, par ailleurs, depuis longtemps sur les questions de monnaie locale et connaît bien ce marché », explique-t-il. Quelques bureaux plus loin, Mamadou Marciset, de l’associatio­n Coïncide, développe Riders Social Club, un projet de coopérativ­e de livreurs. « Dans le cadre de notre associatio­n, nous en avions marre d’aider les jeunes à créer des statuts d’autoentrep­reneur pour travailler chez Uber. Nous souhaitons remettre les droits sociaux au coeur de l ’ acti vi t é é c onomique » , explique son coéquipier. Manon Grard-Manoukian, elle, est à l’origine de Caracol, qui crée des colocation­s mixtes et solidaires, en rapprochan­t réfugiés et Français, dans des logements laissés vacants. « La première colocation mixte et solidaire a vu le jour au Perreux-sur-Marne. Cinq personnes y vivent. Elles viennent de Somalie, du Soudan, d’Afghanista­n, de Paris et de Bretagne », se réjouit-elle. « Le monde des incubateur­s est prolifique. Nous ne voulons pas nous poser comme concurrent­s, mais montrer que l’innovation sociale est stratégiqu­e. Aujourd’hui, on réduit encore trop les questions d’innovation à la technologi­e », commente Jean-Louis Bancel, président du Crédit Coopératif.

UN INVESTISSE­MENT DE 245$000 EUROS

Les porteurs de projets bénéficien­t d’un accompagne­ment collectif et personnali­sé sur une période d’un an. « Des ateliers sur les questions de financemen­t, de communicat­ion et de marketing sont organisés. Chaque porteur de projet est accompagné par un mentor [membre du comité exécutif de l’établissem­ent bancaire, ndlr] et nous mettons à dispositio­n notre réseau de partenaire­s – comme l’Associatio­n pour le droit à l’initiative économique (Adie), l’agence d’ingénierie Avise, le mouvement des entreprene­urs engagés France Active, le think tank Le Labo de l’ESS…– pour les aider à croître », détaille AnneLaure Reynier, chargée de L’Envolée.

En échange, les porteurs de projets doivent s’acquitter d’un loyer de 250 euros par mois pour un poste de travail, puis de 100 euros pour le deuxième. Le Crédit Coopératif n’entre pas au capital et reconnaît ne pas avoir encore statué sur le modèle économique du dispositif, dont le déficit annuel est estimé à 150"000 euros.

« Nous avons choisi le territoire de SaintDenis, car la SeineSaint-Denis est l’un des départemen­ts les plus dynamiques en termes de création d’entreprise­s. »

CHRISTINE JACGLIN,

DG DU CRÉDIT COOPÉRATIF

« L’Envolée représente un investisse­ment de 245"000 euros et nous avons reçu une subvention de fonctionne­ment pour l’année de lancement de 45"000 euros de la part de la Région Île-de-France », précise Christine Jacglin.

« L’Envolée s’inscrit dans notre plan stratégiqu­e “Nouvelles frontières”. Le monde de la banque évolue et nous devons conquérir de nouveaux territoire­s. Celui de la marque Crédit Coopératif ne sera pas exclusivem­ent financier. Nous ne sommes pas voués à ne faire que du crédit aux entreprene­urs de l’économie sociale et solidaire. Nous pouvons les a c c o mpagne r d ’ u n e a u t r e manière, comme ici », conclut Jean-Louis Bancel.

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