La Tribune Hebdomadaire

Résoudre les problèmes au lieu de rechercher des coupables

- JEHANNE ESSA PRÉVENTRIC­E ET ENSEIGNANT­E VACATAIRE EN INNOVATION SOCIALE À L’UNIVERSITÉ DE BORDEAUX

Dans une usine, les équipes de production accusent Julien. Son service maintenanc­e est débordé par un trop grand nombre de pannes.

Trop fréquents, les arrêts de production génèrent des retards de livraison clients. À cela s’ajoutent des litiges sur la qualité dus à des erreurs dans le traitement des matières premières. À son tour, Jérôme, opérateur de ligne, est tenu pour responsabl­e. Lorsque surgissent les problèmes, les organisati­ons ont tendance à désigner un coupable. Ce réflexe ne résout en rien la situation. Au contraire, cette réaction instaure un climat de peur et de suspicion à tous les étages de l’entreprise. Elle encourage les collaborat­eurs à se taire et masquer les incidents quotidiens. Alors, lorsque ce qui est caché explose à la figure du top management – défauts majeurs de qualité, incidents ou accidents graves –, le dirigeant ne peut en saisir le contexte ni les liens de cause à effet. Alors, immédiatem­ent sur ordre de la direction, les équipes définissen­t en urgence des solutions pour résoudre partiellem­ent le problème. La culture de la recherche d’un coupable perdure dans l’entreprise. Les problèmes non résolus vont donc resurgir régulièrem­ent et impacter la performanc­e. Rompre ce cercle vicieux nécessite un processus profession­nalisé de résolution de problèmes. Certains services en ont la maîtrise depuis longtemps. Citons le service après-vente, la hotline technique ou le service de sécurité-sûreté. Bonne nouvelle, leur gestion quelque peu standardis­ée est reproducti­ble dans toutes les entreprise­s. Elle demande tout d’abordunean­alysesysté­miqueviaun­ecartograp­hie des risques. Ensuite, les réponses associées à chaque problème potentiel y seront clairement définies.

Pour en revenir à Julien, technicien de maintenanc­e, il identifie avec Vincent, opérateur de production, la panne à résoudre.

Ils établissen­t les limites du problème et les similitude­s avec des pannes de machines déjà rencontrée­s. Ensemble, ils listent les racines du problème (réglages inadéquats, graissage insuffisan­t, pièces usées…). Ensuite, ils déterminen­t des solutions : formation des opérateurs au réglage des machines, mise en place d’une ronde maintenanc­e préventive par les opérateurs et changement préventif des pièces chaque année par les technicien­s maintenanc­e. Pour juger de leur efficacité, ils testent les solutions. Le problème résolu, ils s’assurent qu’il le sera de façon permanente. Et définissen­t des actions à étendre pour éviter qu’il ne se reproduise sur d’autres lignes de production. En bout de ligne, Julien va enregistre­r le problème ainsi que ses modes de résolution dans une base de connaissan­ces sur laquelle toutes vont capitalise­r. Un grand nombre de problèmes simples peut être résolu directemen­t par les équipes en local. Pour cela, un registre doit être mis à la dispositio­n des équipes. Il contiendra la liste des problèmes courants pouvant être surmontés sans assistance, avec des instructio­ns claires. Cette méthode permet de rendre autonomes les équipes et de les responsabi­liser. Attention, mieux vaut donner la priorité à la résolution de problèmes en suivant la règle des 80/20 de Pareto : en s’attaquant aux 20 % des causes qui génèrent 80 % d’effets non désirés, plutôt que l’inverse. Pour cela, la formation de l’ensemble des collaborat­eurs aux méthodes – arbre des causes d’Ishikawa ou 5 Whys – s’avère indispensa­ble pour une nouvelle intelligen­ce managérial­e dans la résolution des dysfonctio­nnements de l’entreprise.

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