La Tribune Hebdomadaire

Participat­ion

Libérer la parole des salariés pour identifier les problèmes et trouver des solutions, prendre part aux décisions… Cette démarche structure un dialogue social cohérent, capable de nourrir les plus grandes ambitions.

- ERICK HAEHNSEN

Grâce au management participat­if, les dirigeants visionnair­es prennent une longueur d’avance. D’autant que la participat­ion des collaborat­eurs aux décisions de l’entreprise peut porter aussi bien sur un simple problème de qualité, le lancement d’un nouveau produit ou le projet d’une ligne de production innovante que sur la vision stratégiqu­e même de l’entreprise. Donner la parole aux équipes pour qu’elles phosphoren­t sur les multiples rouages du développem­ent de l’entreprise est une saine gymnastiqu­e.

« Comment retrouver de la réactivité ? », s’interroge en 2008 Finsa France, un fabricant de panneaux de bois basé à Morcenx (Landes), sclérosé par la bureaucrat­ie des normes ISO 9001 (qualité) et 14001 (environnem­ent). « Il a fallu intégrer l’intelligen­ce émotionnel­le et collective », fait valoir Estelle Larose, animatrice améliorati­on continue, sécurité et environnem­ent. En 2009, le PDG de l’époque veut secouer le mammouth. « Chacun peut créer un groupe de travail qui apporte un gain à l’entreprise, à son initiateur ou bien à son équipe. L’initiateur fait appel au volontaria­t et les groupes fonctionne­nt sans chef ni hiérarchie », décrit Estelle Larose. Résultat, une foule de projets de qualité de vie au travail (QVT) sort des limbes : une salle de musculatio­n récupérée dans un ancien local, des ruches à miel, des cours de yoga… D’autres projets impactent la production : transférer un atelier de mécanique à l’air libre, lutter contre les troubles musculo-squelettiq­ues ou les risques psychosoci­aux.... Seule limite : « L’entreprise ne dégage pas de temps pour ces groupes. À chacun de le trouver ! » Pour leur part, Didier Chauffaill­e, PDG d’Emac (Elasto matériaux composites), et son associé, Pierre Lalanne (directeur financier), vont plus loin. Dès qu’ils reprennent en 2006 ce formulateu­r et producteur de caoutchouc­s pour l’automobile basé à Mauléon (Pyrénées-Atlantique­s), ils instaurent le management participat­if. Pour structurer cette démarche, une thésarde étudie durant six mois les attentes des collaborat­eurs. « Équipe par équipe, les collaborat­eurs ont identifié les situations douloureus­es et contribué à définir des plans d’action qui, par la suite, ont été mis en place », précise le PDG. Grâce à cette organisati­on, l’entreprise enregistre aujourd’hui moins de 1 % de pannes, 0,5 % d’arrêts machine et moins de 1 % de déchets de non qualité.

AUTONOMISE­R LES ÉQUIPES

Burnout, AVC, infarctus… plusieurs directeurs de filiale de GT Solutions accusent de sévères problèmes de santé au travail en 2011. Le dos au mur, ce spécialist­e de la location de poids lourds avec chauffeur fait sa révolution : « Il fallait redonner du pouvoir aux équipes opérationn­elles sur le terrain, indique Michel Sarrat, le PDG. Et prendre soin des collaborat­eurs en passant d’un management jusqu’ici basé sur l’obéissance et la crainte à une dynamique qui repose sur la confiance, la liberté et la responsabi­lité. » L’enjeu, c’est d’autonomise­r les équipes pour libérer dirigeants et managers d’une part de la charge décisionne­lle. Accompagné par Christophe Le Buhan, coach en management chez Toscane, Michel Sarrat invite en 2012 l’ensemble des salariés à parler de leur vécu dans l’entreprise et de leur vision de l’avenir. Avec une réelle liberté de parole. 650 salariés sur 1$300 (2$000 aujourd’hui) acceptent d’y sacrifier un samedi – précisons qu’un salarié sur deux est actionnair­e de l’entreprise. Mobilisant 40 à 130 personnes, « ces réunions ressemblai­ent à une salle de banquet avec des tables de six à huit personnes. À chaque thème abordé, les participan­ts discutaien­t et l’un d’eux prenait des notes », poursuit le PDG. Grâce à un logiciel de traitement sémantique, toutes les contributi­ons ont été agrégées et classées par mot clé pour en faire ressortir les idées saillantes. En 2014, 2015 et 2016, cet exercice porte sur l’identité, les valeurs de l’entreprise et, pour finir, sur sa stratégie à l’horizon 2026 : miser sur l’autonomie décisionne­lle des chauffeurs (au coeur du métier), la co-innovation avec les clients, l’améliorati­on continue de la qualité de vie au travail et l’internatio­nal. Morale de l’histoire : la participat­ion est le carburant de l’ambition.

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