« Je n’ai pas envie de vivre dans une France malthusienne, rabougrie, repliée sur elle-même, hostile au progrès »
ment climatique et environnemental doit être menée sans idéologie ni fantasme, avec lucidité et cohérence. Je n’ai pas envie de vivre dans une France malthusienne, rabougrie, repliée sur elle-même, hostile au progrès.
Peut-être la réponse se niche-t-elle dans l’innovation. N’est-il pas l’heure de conférer « aux » innovations – scientifiques, technologiques, sociales, managériales – une finalité et un sens grâce auxquels, pour paraphraser le philosophe des sciences Étienne Klein, le Progrès peut recouvrer sa majuscule!?
Nous ne ferons certainement pas face aux enjeux environnementaux sans innovations technologiques profondes. Mais qu’est-ce que l’innovation!? La quête millénaire de l’homme pour faire mieux et faire nouveau. Or je constate que le contexte – auquel ce prisme écologique contribue et que consolide le principe de précaution – peut nourrir la peur du progrès, voire motiver le rejet du progrès. Or à quoi l’homme s’exposera-t-il s’il renonce à « oser » le progrès!? Tout simplement à remettre en question sa vocation ultime. Dans toute innovation existe une prise de risque. Mais la prise de risque n’est-elle pas partie prenante de l’existence!? Le risque doit être mesuré, raisonnable, réduit autant que possible mais ne peut être totalement éliminé sous peine de paralysie.
Politique, religieuse, sociale, économique, démographique, et donc climatique : la crise planétaire est protéiforme. Comment faire de ce magma de crises qu’il soit fécond, fondateur d’une nouvelle espérance civilisationnelle!? L’innovation fait-elle partie des solutions!?
J’ignore si l’innovation peut résoudre les crises de notre époque, mais elle peut y aider!; en revanche, j’affirme qu’il est vital pour l’humanité d’encourager par tous les moyens les femmes et les hommes à explorer des voies nouvelles et à rester fidèles à l’idée du progrès. Certes, et quel qu’il soit, tout mouvement perturbe son environnement. Il faut le mesurer et pallier les problèmes là où ils se posent!; mais cesser d’impulser le mouvement serait catastrophique. C’est pourquoi j’insiste sur la grande inquiétude que provoque chez moi cette tendance de fond à dissuader voire, dans certains cas, à interdire de chercher et d’innover.
La « raison d’être » des entreprises, examinée par Jean-Dominique Senard et Nicole Notat dans leur rapport remis à Emmanuel Macron au printemps 2018, doit-elle être questionnée pour contribuer à cette « cristallisation des crises »!?
L’initiative est intéressante. Déterminer « à quoi sert » une entreprise est utile, j’évoquais tout à l’heure ce besoin de sens. Carlos Tavares a d’ailleurs indiqué sa volonté d’engager PSA sur cette voie. Mais c’est après que le plus dur et le plus essentiel commence!: nourrir cette raison d’être, accomplir au quotidien l’exigence, faire la démonstration de son impact pour qu’elle ne soit pas réduite à un opportunisme marketing, une vitrine publicitaire. Les interrogations, suspicions, espérances et exigences que suscite le sujet rappellent celles qui accompagnèrent l’émergence de la RSE (responsabilité sociale et environnementale) il y a une dizaine d’années!; ce qui, au début, pouvait s’apparenter à un simple effet de manche a peu à peu pris de la substance sous la saine pression de l’opinion publique, des consommateurs, des salariés et désormais des investisseurs. Très vite des indicateurs factuels et des injonctions légales en termes de communication ont vu le jour, qui assurent un étalonnage à la fois stimulant et contraignant. En matière de parité hommes-femmes, par exemple, quelle entreprise peut aujourd’hui ne pas ambitionner une véritable égalité!? Il faut souhaiter à cette « raison d’être » des entreprises de suivre une trajectoire comparable. Elle en vaut la peine.
Vous êtes président de la Fédération des acteurs de la solidarité, le regroupement de 870 associations et structures qui luttent contre l’exclusion. Alain Mérieux, président de l’Institut éponyme, vient de lancer « L’entreprise des possibles », un mouvement visant à apporter leur concours à la crise des sans-abri. Ces deux types d’engagement incarnent-ils ce que doit être la « responsabilité politique » d’une entreprise ou d’un patron!?
Je salue l’initiative d’Alain Mérieux dont je connais les engagements. Pour ce qui me concerne, je trouve passionnant de voir « la » réalité de notre pays – celle des hommes, celle de la société et du monde – à travers différents prismes. J’ai la chance de bénéficier d’un triple regard, celui de la grande entreprise (PSA), celui d’un laboratoire d’idées sur l’Industrie (La Fabrique de l’industrie), celui de la Fédération des acteurs de la solidarité qui réunit des dizaines de milliers de salariés et de bénévoles qui travaillent au service des plus précaires (chômeurs de longue durée, sans domicile fixe, migrants etc.). Ce triple prisme donne du relief à ce que je vois!; cela crée parfois des turbulences, mais c’est un véritable enrichissement.