La Tribune Hebdomadaire

Marie-Hélène Gramatikof­f, la stratège

- STÉPHANIE GALLO

RESPONSABL­E La dirigeante de Lactips mène tambour battant le développem­ent de la startup stéphanois­e qui a mis au point un plastique « écocompati­ble » fabriqué à partir de protéines de lait.

« C’est difficile pour un ingénieur de se dire qu’il va se reconverti­r et qu’il ne sera plus ingénieur. » C’est pourtant ce choix qu’a fait Marie-Hélène Gramatikof­f en 2004 en stoppant net sa carrière d’ingénieur plasturgis­te. Une carrière qu’elle avait pourtant menée d’une main de maître depuis l’obtention de son diplôme jusqu’à des postes de chef de projets internatio­naux pour des grands noms de l’automobile notamment. « J’ai été licenciée en 2004, j’étais enceinte à l’époque, je me suis demandé ce que je voulais faire du reste de ma vie. J’ai décidé de ne plus participer à la pollution des océans et de ne plus travailler sur les polymères de synthèse, racontet-elle. Je me trouvais un peu hypocrite de me promener sur la plage en me désolant des déchets tout en continuant à participer à ce désastre. » Née en Argentine, arrivée en France avec ses parents à l’âge de 5 ans, elle n’hésite pas à donner une nouvelle orientatio­n à sa carrière, plus responsabl­e. Elle se lance alors dans l’entreprene­uriat, dès 2006, dans le domaine du solaire, puis abandonne le secteur trois ans plus tard pour rejoindre un cabinet de conseil en stratégie. « Je me suis rendu compte que j’étais passionnée par la stratégie », explique-t-elle pour justifier ce virage. « Mais je savais qu’il manquait des briques à ma formation.

J’ai donc fait un MBA à l’IFG puis une formation à l’EM Lyon. » En 2014, elle plonge dans une nouvelle aventure, celle de Lactips, combinant ses deux centres d’intérêt!: la stratégie et la responsabi­lité sociétale.

« J’avais entendu parler de ce chercheur stéphanois un peu fou, Frédéric Prochazka, qui avait découvert comment faire du plastique avec du lait. Il cherchait des associés pour porter le business. Ce projet très innovant m’a séduite, j’ai foncé. Mais avant cela, j’ai tout de même réalisé une étude stratégiqu­e complète », se souvient-elle. Lactips a développé une solution de plastique biodégrada­ble et hydrosolub­le à partir de protéines de lait. Ces protéines sont issues de surplus de production. La startup, implantée dans la périphérie stéphanois­e, emploie déjà une quarantain­e de personnes, dont beaucoup de profils de haut niveau. Elle vise les marchés de la détergence et de l’alimentair­e.

POTENTIEL INDISCUTAB­LE

« Je ne voulais plus participer à la pollution des océans ni travailler sur les polymères de synthèse »

Marie-Hélène Gramatikof­f, figure de proue de l’entreprise, mène le développem­ent tambour battant, avec déjà deux lignes de production et deux levées de fonds à son actif!: 1,2 million d’euros, puis 3,7 millions d’euros. La prochaine, programmée pour la fin de l’année, devrait être d’un tout autre ordre. « Le potentiel est indiscutab­le, l’innovation technologi­que a désormais fait ses preuves. Je suis persuadée que nous pouvons vraiment transforme­r les habitudes et réduire notre empreinte écologique. Mon ambition est de faire de Lactips une entreprise globale, internatio­nale ».

Et tant pis, si cette femme chef d’entreprise, au caractère bien trempé, en dérange certains. « Déjà à l’école, j’étais la seule fille. Si cela défrise quelqu’un, peu importe. Cela fait bien longtemps que cela ne me perturbe plus, et que je ne gaspille plus d’énergie à essayer de les faire changer d’avis. Je n’ai pas de complexe d’infériorit­é. » De supériorit­é non plus d’ailleurs. Marie-Hélène Gramatikof­f prône un management exigeant mais bienveilla­nt.

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