Michel Lussault, l’animateur urbain
TERRITOIRES Géographe et fondateur de l’École urbaine de Lyon, Michel Lussault rêve de faire travailler ensemble tous les acteurs capables d’inventer l’urbanisme de demain.
Cetuniversitaireauraitpuresterdanssesrecherches qui l’ont amené à s’intéresser à l’urbanisation et au changement global. Mais Michel Lussault voit autrement son rôle d’universitaire, justement. « J’ai toujours été impliqué dans la vie des universités et des territoires sur lesquels elles étaient implantées », résume-t-il. Cet engagement s’est traduit par la présidence de l’université de Tours, avant d’arriver à Lyon et de prendre la présidence du Pôle de recherche et d’enseignement supérieur de Lyon – l’ancêtre de la ComUE (communauté d’universités et établissements) – puis de gagner un appel à projets qui lui permet de fonder l’École urbaine de Lyon, un lieu de recherche et de formation
doctorale. Celui-ci anime le débat public autour des questions
d’anthropocène, à travers « la façon dont l’urbanisation modifie les environnements et nous confronte à des enjeux inédits et colossaux », illustre-t-il.
Dans ce cadre, depuis fin 2017, Michel Lussault tente d’associer des partenaires « pour leur faire prendre conscience des contraintes et des opportunités actuelles de réinventer nos manières d’urbaniser, de produire de la valeur économique et de faire de la politique » . Pour lui, un universitaire entreprend quand il se met au service de l’intérêt général en faisant travailler ensemble des gens qui ne le feraient pas dans un autre contexte. « La présence d’un universitaire dans un projet permet la médiation entre des intérêts qui peuvent être divergents, explique-t-il. L’universitaire n’est pas partisan, il est donc capable de conserver les conditions du dialogue. »
ANIMATEUR DU DÉBAT PUBLIC
Le géographe ambitionne d’inventer des dispositifs permettant à des universitaires d’instruire un processus d’enquête collective, pouvant lancer un débat sur l’analyse de la situation. « En France, la plupart des grands projets urbains se réalisent encore dans le cercle fermé des acteurs politiques, de leurs relais techniques et des acteurs économiques. La participation citoyenne est encore perçue comme une entrave », regrette-t-il. Et d’insister": « Nous voyons dans la Métropole de Lyon de plus en plus de manifestations de tensions entre des pouvoirs publics qui promeuvent l’aménagement, des promoteurs immobiliers qui entendent les construire, et des riverains vent debout contre des projets qu’ils estiment mal ficelés, voire dévastateurs. »
Dans ce contexte particulièrement tendu, la contribution universitaire – parce qu’elle vient d’un acteur sans intérêt économique – consisterait à « contribuer à parvenir à des développements urbains mieux compris et plus adaptés aux enjeux du changement climatique, affirme-t-il. Aujourd’hui, nous en faisons trop peu pour que nos projets soient compatibles avec ce que nous devrons affronter dans les quarante prochaines années. »
En janvier, le festival « À l’École de l’anthropocène » – qu’il a créé – a accueilli 5"000 visiteurs, permettant à la jeune École urbaine de Lyon de dépasser son rôle d’éclaireur. « Nous sommes devenus animateurs du débat public, souligne-t-il. Le pas suivant serait de devenir un acteur de la transformation concrète#: pour cela, il faut que les collectivités et les acteurs économiques acceptent de se lancer dans les expérimentations que nous proposons. »