La Tribune Hebdomadaire

Venue du secteur du parfum, Marie Grasse dirige le Musée national du sport, installé à Nice depuis cinq ans.

- GAËLLE CLOAREC

NICE Marie Grasse s’est d’abord intéressée aux effluves des parfumeurs de Grasse avant de chausser les crampons du Musée national du sport qu’elle a accompagné de Paris à Nice, sa terre d’adoption depuis cinq ans. À quelques semaines de la Coupe du monde féminine de football, rencontre avec une conservatr­ice pas tout à fait comme les autres…

Dans le hall d’entrée du Musée national du sport, à Nice, un athlète grec figé dans son élan accueille les visiteurs, des enfants réunis en ateliers dont les rires résonnent dans les allées où déambulent quelques couples, cheveux gris, les yeux rivés sur ces maillots jaunes qui ont fait et défait les héros du Tour de France. Le calme observé en cette matinée ensoleillé­e de printemps tranche avec l’effervesce­nce qui y régnait quelques semaines plus tôt. Ce soir-là, le champion du monde 1997 du 400 mètres haies, Stéphane Diagana, remettait les insignes de chevalier de l’Ordre national du mérite à Marie Grasse, directrice et conservatr­ice en chef de ce temple patrimonia­l de 5"000 mètres carrés qu’elle qualifie volontiers, sourire en coin, de « plus beau musée du monde ». Sous son verbe, au débit accéléré, le stade Allianz Riviera où il s’est implanté en 2013 devient « l’écrin » d’une collection unique en France, regroupant 65"000 objets et 400"000 documents, dont 80 % sont issus de dons ou de mises en dépôt. « Nous sommes le reliquaire d’épopées familiales qui dépassent souvent le cadre de l’objet. Ici, on est aussi dans l’humain. »

Pour cette Franco-Italienne, titulaire, entre autres, d’une double formation en histoire et en histoire de l’art, il est des musées qui s’intéressen­t aux génies humains, et d’autres qui reflètent la société, donc l’homme. Le Musée national du sport, comme celui de la parfumerie de Grasse où elle a commencé sa carrière – cela ne s’invente pas ! –, sont de ceux-là. « Ce qui intéresse les gens finalement, ce n’est pas tant le parfum ou le sport chez les Grecs, mais ce qui se passe là, maintenant. Ce sont des musées de société, vus par le prisme de la parfumerie pour l’un, de l’activité sportive pour l’autre. Car derrière les reliques, il y a des pratiques, des savoir-faire, des phénomènes historique­s, économique­s et sociétaux. C’est ce rapport au contempora­in qui me parle. » Elle se dit « curieuse » et « passionnée », prête à relever les challenges. Comme celui d’installer durablemen­t le Musée, fréquenté par 63"000 visiteurs en 2018, sur la carte culturelle hexagonale et d’en faire « un musée phare pour les Jeux olympiques de 2024 ». Certes, le sport n’est pas une thématique majeure au pays des Lumières, mais il en faut plus pour la décourager. « Si tout le monde ne fait pas de sport, tout le monde a quelque chose à en dire. Je suis optimiste. C’est un musée populaire et vivant, qui plus est, dans l’air du temps. » Aux esprits chagrins qui en doutent, du fait de son éloignemen­t de la capitale, elle rétorque : « Si Paris est le centre de la France, Nice est le centre de l’Europe. » Un atout qu’il s’agira d’exploiter, encouragé par la prochaine arrivée du tramway qui placera le musée à cinq minutes de l’aéroport et à moins de trente minutes du coeur de ville niçois. Dans l’immédiat, il convient de préparer la Coupe du monde féminine de football pour laquelle des exposition­s itinérante­s seront organisées cet été dans les neuf villes hôtes de la compétitio­n. À cet égard, « l’actualité nous porte et nous oblige ». Établissem­ent public d’administra­tion, placé sous la tutelle du ministère des Sports, le musée dispose d’une enveloppe budgétaire annuelle de 3 millions d’euros, définie selon un contrat d’objectifs et de performanc­e (COP), qui fixe le cap pour les cinq ans à venir. Un peu à la manière d’une entreprise. « C’est passionnan­t à faire et c’est un excellent outil de management. Si tous les musées adoptaient cette méthode de travail, cela donnerait à certains conservate­urs un peu plus de peps. » Ce dont, assurément, elle ne manque pas !

« Si Paris est le centre de la France, Nice est le centre de l’Europe » MARIE GRASSE, DIRECTRICE DU MUSÉE NATIONAL DU SPORT

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