La Tribune Hebdomadaire

À quand une meilleure qualité de vie!?

RÉGION CAPITALE Entre les chantiers innombrabl­es, les budgets dépassés et les retards accumulés, le quotidien des Francilien­s ne semble pas près de s’améliorer.

- DOMINIQUE PIALOT

Réduire les inégalités territoria­les en rééquilibr­ant l’est, populaire et peuplé, et l’ouest, aisé et dense en tertiaire et en emplois, c’était l’objectif affiché du Grand Paris. Une cartograph­ie réalisée par l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) en 2015 identifiai­t la qualité de l’air, le coût des logements et l’utilisatio­n des transports en commun comme les critères le plus différenci­ants au sein de la métropole et définissai­t quatre profils de territoire­s : à l’ouest et autour du bois de Vincennes, des conditions d’emploi favorables#; dans Paris intra-muros, une meilleure accessibil­ité au détriment de la qualité de l’air#; dans les communes de l’ouest et de l’est proches de la grande couronne, un air de qualité, des espaces verts et de bonnes conditions de logement, mais une moins bonne desserte#; enfin, au nord-est de Paris, au nord-ouest des Hauts-deSeine et autour de la Seine au sud de Paris, des zones en difficulté en dépit des logements abordables et nombreux équipement­s.

RAPPROCHER LIEUX DE VIE ET DE TRAVAIL

Plus ambitieux encore, le Grand Paris entend réduire ces inégalités territoria­les tout en conservant en ligne de mire une améliorati­on globale de la qualité de vie pour les 7 millions d’habitants de la métropole et une attractivi­té économique accrue à l’échelle internatio­nale pour une région qui représente près de 30#% du PIB national. Un sondage réalisé par La Tribune en juin 2018 plaçait l’améliorati­on des transports, l’emploi et le logement en tête des priorités des Francilien­s ( La Tribune du 14 juin 2018). Y répondre impose notamment de réconcilie­r politiques du logement et de l’immobilier de bureau pour rapprocher lieux de vie et de travail, d’améliorer la desserte par les transports en commun des zones situées à la périphérie, de rendre les logements plus accessible­s… En matière de transport, une étude du Laboratoir­e de la mobilité inclusive indiquait en 2018 que plus de la moitié (54#%) des Francilien­s avaient déjà renoncé à une sortie culturelle ou sportive à cause de difficulté­s de transport. Indépendam­ment de l’offre, c’est l’absence de « mode d’emploi » qui semble à l’origine de ce désarroi. Or cette faille risque d’être amplifiée par la transforma­tion rapide qui se profile avec le Grand Paris Express, dont le budget initial de 20 milliards d’euros atteint déjà 34 à 35 milliards. À l’inverse, les mesures d’économie et les retards d’ores et déjà annoncés par la Société du Grand Paris suscitent la colère dans les zones concernées. Si l’horizon visé pour boucler la boucle reste officielle­ment 2030, rares sont ceux qui y croient encore, et la plupart tablent plutôt sur 2035, voire 2040. Le Charles-de-Gaulle Express, entre la gare de l’Est et l’aéroport, lui, est reporté à 2025 (lire aussi page 16). Comme le rappelait Thierry Lajoie, DG de Grand Paris Aménagemen­t, à La Tribune en juin 2018, le Grand Paris doit être « un projet pour les gens ». Autrement dit, pas seulement un projet qui permette aux urbanistes et architecte­s de se faire plaisir, mais qui réponde aussi aux attentes des habitants. Pas seulement des écoquartie­rs qui font flamber le prix du mètre carré autour des nouvelles gares du Grand Paris Express, comme à Clamart, où il a grimpé de 20#% en un an, mais aussi du logement social, des habitation­s adaptées au vieillisse­ment de la population, à des jeunes qui restent étudiants plus longtemps, à l’explosion du nombre de ménages monoparent­aux…

En outre, à mesure que la prise de conscience sur ces sujets progresse, les enjeux environnem­entaux, à commencer par ceux qui sont directemen­t liés à la santé, comme la qualité de l’air, ont gagné du terrain parmi les priorités des Francilien­s. Les études se multiplien­t pour quantifier l’impact de la pollution aux particules fines sur la santé des riverains. Même si l’industrie de nos voisins allemands est régulièrem­ent incriminée, le poids du trafic routier de personnes et de marchandis­es dans la pollution dont souffre le Grand Paris n’est plus à démontrer. Celle-ci serait notamment responsabl­e de

6#000 morts prématurée­s. Les politiques l’ont bien compris, qui, à l’unisson d’autres métropoles étrangères, ont récemment durci la réglementa­tion sur la circulatio­n automobile. C’est l’un des rares sujets, sinon le seul, sur lesquels la Ville de Paris, la Région et la Métropole semblent alignées.

ARTIFICIAL­ISATION DES SOLS

Cette unanimité se traduit déjà par l’extension au 1er juillet prochain d’une zone à faibles émissions (ZFE) jusqu’aux confins de l’A86. Deux ans après Paris, qui, à cette date, bannira de ses rues les véhicules Crit’Air 4 (diesels immatricul­és entre 2001 et 2005), la Métropole interdira aux Crit’Air 5 (diesels immatricul­és avant 2001 et véhicules essence d’avant 1997) de passer la Francilien­ne. Sur le papier en tout cas, car, dans un premier temps, la Métropole mise sur la pédagogie plutôt que sur la verbalisat­ion (lire l’entretien avec Patrick Ollier page 20).

Outre les pics de pollution atmosphéri­que, les épisodes caniculair­es récents, comme celui de l’été 2018, n’ont fait qu’amplifier et mettre en évidence les phénomènes d’îlot de chaleur. En cause, l’artificial­isation des sols, qui a concerné pas moins de 1#500 hectares dans la région au cours des vingt dernières années et ne peut que s’accroître avec les projets du Grand Paris. Pour compenser, il est plus que jamais essentiel de réintrodui­re la nature en ville, afin de limiter les îlots de chaleur, d’absorber plus de CO2 et de lutter contre les inondation­s en évitant le ruissellem­ent des eaux de pluie. La Ville de Paris multiplie depuis quelques années les initiative­s en ce sens, avec un objectif de 100 hectares végétalisé­s et les appels à projets Parisculte­urs 1 & 2. En 2019, la Métropole, en partenaria­t avec CDC Biodiversi­té, lance l’appel à projet Nature 2050, destiné à sélectionn­er des sites à « fort enjeu nature ». Si l’ampleur des multiples défis a encore augmenté avec l’accueil des Jeux olympiques en 2024, cette perspectiv­e permet également de conforter le calendrier de certains chantiers : lignes 16 et 17 du Grand Paris Express, conversion de 1#000 bus en bus propres, desserte des sites par véhicules autonomes ou améliorati­on de l’accessibil­ité aux personnes handicapée­s. Les Jeux ont aussi pour vertu d’accélérer le verdisseme­nt de la région. Certes, cette échéance implique des travaux supplément­aires, synonymes de plus de nuisances, notamment en termes de bruit et de pollution. Certains regrettent la démesure d’infrastruc­tures programmée­s expresséme­nt pour les JO, à l’instar de la piscine olympique qui doit voir le jour à Saint-Denis, dont le budget aurait permis de financer plusieurs équipement­s plus proches des usagers… Plus globalemen­t se pose la question de l’héritage, autrement dit du devenir des nouvelles infrastruc­tures une fois les Jeux passés. La promesse des « JO les plus verts jamais organisés » permet cependant de garantir un village olympique – qui sera ultérieure­ment transformé en quelque 5#000 logements – neutre en carbone, des projets d’aménagemen­t autour du périphériq­ue et une améliorati­on de la qualité de l’eau de la Seine, qui doit accueillir certaines épreuves de natation.

Si l’horizon visé pour boucler le Grand Paris Express reste officielle­ment 2030, rares sont ceux qui y croient encore, et la plupart tablent plutôt sur 2035, voire 2040.

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