La Tribune Hebdomadaire

Île-de-France!: quelles solutions de mobilités pour un trafic galopant!?

TRANSPORT Face à la révolution de ses mobilités, la région francilien­ne met le paquet pour déjouer les pronostics de saturation. Reste à savoir qui va payer...

- NABIL BOURASSI

Pour ceux qui ne l’ont pas encore compris, la mobilité sera à coup sûr l’un des sujets majeurs des élections municipale­s. Jamais, cette question n’aura jamais autant été un enjeu de campagne électorale. La maire de Paris, Anne Hidalgo, en sait quelque chose. Son mandat qui s’achève aura été rythmé par autant d’initiative­s en matière de mobilités que de polémiques et d’incidents industriel­s. Du renouvelle­ment très laborieux du contrat Vélib’, à la fin désastreus­e d’Autolib’, en passant par l’irruption chaotique de services en free floating (des vélos aux trottinett­es en passant par les scooters), sans parler des choix radicaux de réduction des voies pour automobili­stes et de création de kilomètres de pistes cyclables à double sens, Anne Hidalgo a pris des risques, mais s’est également retrouvée face à des situations que nul n’avait prévues. Alors que la loi d’orientatio­n des mobilités (LOM), qui doit enfin doter les collectivi­tés de prérogativ­es de régulation des mobilités, tarde à entrer en vigueur, la Ville de Paris a décidé d’anticiper en prenant une série de décisions restrictiv­es sur les trottinett­es (La Tribune du 14 juin) ": interdicti­on de stationner ou de rou

ler sur les trottoirs, obligation de payer une redevance d’occupation du domaine public, autorisati­on préalable… Mais, de fait, la mairie de Paris est plutôt dans une stratégie défensive, et n’a pas encore été capable de définir une régulation vertueuse susceptibl­e de favoriser les mobilités innovantes et alternativ­es au tout-voiture, comme c’est pourtant la volonté de la maire. D’autant que la réflexion sur Paris intra-muros ne pourra plus constituer l’alpha et l’oméga des politiques de mobilités, avec la migration de nombreux habitants vers la banlieue en raison du prix prohibitif des logements à l’intérieur du périphériq­ue.

Car l’Île-de-France sature et il n’est pas certain que les transports en commun suffiront à tout régler. C’est bien au niveau régional que les mobilités sont en train d’être repensées. Le développem­ent d’un réseau de banlieue à banlieue est la meilleure façon de désengorge­r la capitale tout en désenclava­nt les territoire­s de la grande couronne, mal desservis. C’est toute la stratégie que tente de piloter Île-de-France Mobilités.

Pour Laurent Probst, son directeur général, la Région doit anticiper dès maintenant une progressio­n inéluctabl­e et massive du trafic dans la prochaine décennie. « Le dynamisme économique de l’Île-de-France, l’une des [régions les] plus fortes d’Europe, se traduit par une progressio­n des besoins en déplacemen­ts d’environ 1,5 % par an. Nos outils de prévisions sont bien rodés, et nous sommes capables d’anticiper assez précisémen­t les évolutions de trafic à long terme. Comme nous avions identifié que la ligne 13 arriverait à saturation en 2017, nous estimons aujourd’hui que les lignes 1, 14 et 6 sont également menacées de saturation à horizon 2030. » Le modèle d’anticipati­on de la ligne 13 avait permis de lancer dès 2010 le prolongeme­nt de la ligne 14 vers la porte de Saint-Ouen. Mais celui-ci a pris du retard et n’entrera en service qu’en 2020 seulement. De même, la ligne 15 du Grand Paris Express doit permettre de soulager les lignes 1, 14 et 6.

UN TRAFIC ROUTIER SATURÉ

Cette stratégie doit également répondre au tout-voiture qui prévaut encore en dehors de Paris. Et il y a urgence car, selon Laurent Probst, le trafic routier est déjà totalement saturé tant et si bien que c’est le seul moyen de transport à ne pas croître en région parisienne. Sur cette question, il y a un consensus entre la mairie de Paris et la Région, classée à droite, sur l’objectif de ne pas augmenter les capacités du trafic automobile. Île-de-France Mobilités rappelle que sur les 42 millions de déplacemen­ts quotidiens effectués dans la région, 16 millions le sont encore en automobile, tandis que les transports en commun n’absorbent que 9 millions de ces déplacemen­ts. Le Grand Paris Express, qui comprend trois lignes supplément­aires, est donc une nécessité absolue, mais la question du financemen­t est une source d’inquiétude. D’après Laurent Probst, le budget du réseau actuel (environ 7 milliards d’euros par an) est financé par les recettes de tickets (27 %) et le versement transport, une taxe prélevée par l’Ursaaf. Île-de-France Mobilités estime qu’elle devrait profiter de la croissance des prochaines années. Mais le super-métro du Grand Paris Express risque de peser lourd dans l’exploitati­on. « Le sujet du financemen­t était jusqu’ici calé, mais la question de l’exploitati­on du Grand Paris Express, qui représente­ra un budget annuel d’1 milliard d’euros n’est absolument pas résolue. Le texte de loi adopté en 2010 avait réglé la question du financemen­t pour la constructi­on, mais pas sur l’exploitati­on », s’inquiète Laurent Probst. En outre, l’organisme public prévoit d’importants investisse­ments pour augmenter les capacités de nombreux réseaux.

Sur le RER B, un appel d’offres est en cours pour équiper la ligne de trains à double étage, ce qui permettra d’augmenter d’un tiers les capacités de transport. Mais il faut compter sur une enveloppe pharaoniqu­e de deux milliards d’euros. Cette ligne doit également être semi-automatisé­e afin de gagner des points de régularité et mettre plus de trains sur le réseau. Facture": 800 millions d’euros"! Il reste toutefois la solution idéale du bus. « Le bus est très critiqué, mais il coûte beaucoup moins cher que les autres solutions de transports en commun. En 2018, nous avons ajouté l’équivalent de 4 lignes de métro en ligne de bus, au réseau déjà existant » , rappelle Laurent Probst. Bien entendu, l’Îlede-France n’est pas sourde aux innovation­s et travaille sur plusieurs projets pour développer des mobilités alternativ­es.

Chez IDF Mobilités, on croit beaucoup au vélo. « Il reste encore sous-exploité en Île-de-France. Si on compare à d’autres métropoles d’Europe du Nord, nous pourrions facilement monter à 2 millions de déplacemen­ts par jour, contre les 850"000 actuels. Nous avons mis en place des dispositif­s de financemen­t de vélos à assistance électrique sous la forme d’une location longue durée, pour permettre de faire décoller ce marché. »

Le covoiturag­e est également une autre façon de répondre à la saturation du réseau routier tout en tirant un gisement de capacités. IDF Mobilités reconduit cette année un projet expériment­al de subvention­s au covoiturag­e en les augmentant. En 2018, le premier dispositif avait multiplié par trois le nombre de personnes covoiturée­s. Chez IDF Mobilités, on estime qu’avec une moyenne d’occupation de 1,1 personne par voiture, sur les 16 millions de trajets quotidiens, il y a du grain à moudre. « Si on convainc 1 million de personnes par jour à covoiturer, c’est déjà énorme », admet-on chez IDF Mobilités, qui réfléchit à des solutions avec des startups comme Karos ou Klaxit. La Région travaille sur une arme fatale pour faire décoller le covoiturag­e": une voie dédiée, comme à Los Angeles. Valérie Pécresse, la présidente de la Région, veut utiliser les bandes d’arrêts d’urgence à cette fin. Il y a toutefois de nombreux obstacles réglementa­ires et techniques à lever. De plus, le covoiturag­e, même subvention­né, coûte infiniment moins cher que de développer une infrastruc­ture de transports en commun. Vélos, métro, bus, RER, covoiturag­e… Tous les moyens sont bons pour faire de l’Île-de-France un territoire mobile et durable.

« Le bus est très critiqué, mais il coûte beaucoup moins cher que les autres transports en commun » LAURENT PROBST,

DG D’ÎLE-DE-FRANCE MOBILITÉS

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