La Tribune Hebdomadaire

Municipale­s à Paris : le périphériq­ue s’invite dans la campagne

INFRASTRUC­TURE Cédric Villani, Benjamin Griveaux, Gaspard Gantzer… les candidats à la succession d’Anne Hidalgo ont tous un avis sur la boucle de 35 kilomètres qui fracture le Grand Paris. En finira-t-on un jour avec le périph"?.

- C. A.

« Le Grand Paris, c’est moi!! » Valérie Pécresse!? Patrick Ollier!? Anne Hidalgo!? Non, il s’agit du député (LREM) de l’Essonne Cédric Villani, candidat à la mairie de… Paris qui, lorsqu’il évoque le périphériq­ue, le fait à l’échelle métropolit­aine. Dans un entretien au Point, le médaillé Fields de mathématiq­ues, auteur d’un rapport

sur l’IA, confie penser à des « moyens d’analyse et de prédiction du trafic [pour] simuler ce que ferait un doublement des bus, la piétonnisa­tion

d’une voie » . Autre prétendant LREM à la mairie de Paris, Benjamin Griveaux souhaite, lui, «!couvrir!» le «!périph!», car «!ça permet de faire des

jonctions urbaines!» avec les communes autour, a-t-il indiqué sur FranceTVin­fo.

De son côté, l’ancien conseiller en communicat­ion de Bertrand Delanoë et de François Hollande, Gaspard Gantzer, qui vise lui aussi la magistratu­re parisienne, veut carrément « détruire » la boucle de 35 kilomètres inaugurée en 1973. « Il ne faut pas être dans la demi-mesure!: c’est une source de congestion et d’augmentati­on des prix des logements, il faut s’en débarrasse­r!! » assène-t-il à La Tribune. Il espère en effet récupérer la surface disponible pour en faire des espaces verts et des logements. Il se donne dixhuit ans, soit trois mandats pour y parvenir!: trois ans de concertati­on « mètre par mètre », avant un référendum dans les 131 communes de la métropole du Grand Paris, suivis de quinze ans de « travaux phasés » pour « offrir des alterna

tives ». Il dit en outre avoir déjà rencontré les principaux responsabl­es politiques de la région, de même qu’il mise sur des listes étiquetées Parisienne­s-Parisiens dans de nombreuses communes de première couronne.

UNE STRUCTURE DE GOUVERNANC­E PARTAGÉE

Sans attendre les municipale­s, la mission d’informatio­n et d’évaluation (MIE) sur le périphériq­ue du Conseil de Paris, composée de représenta­nts de toutes les sensibilit­és politiques, a auditionné l’ensemble des parties prenantes ces six derniers mois. « Que ce soient les acteurs économique­s, les industriel­s, les élus parisiens et de première couronne, les instituts de mesure de la pollution, tous ceux qui ont une autorité sur l’usage

et la pratique du périphériq­ue ont été consultés », assure ainsi son rapporteur Éric Azière, président du groupe UDI-MoDem. À terme, ces élus de la capitale veulent « en finir » avec l’infrastruc­ture, la qualifiant de « source de pollutions multiples » et de « véritable barrière urbaine ». Recevant leurs conclusion­s le 28 mai dernier, la maire annonce qu’elle veut abaisser la vitesse de 70 à 50 km/h, consacrer une voie aux transports en commun, au covoiturag­e, aux véhicules propres et de secours, interdire les poids lourds en transit ou encore végétalise­r l’infrastruc­ture. Quinze jours plus tard, Anne Hidalgo semble avoir retenu la leçon des voies sur berges. Lors du Conseil de Paris du 11 juin, elle déclare que « personne ne peut décider seul de ces transforma­tions » et promet « une structure de gouver

nance partagée » qui se tiendra dès le 12 juillet prochain à Malakoff pour réunir tous les acteurs concernés. Le périphériq­ue demeure certes la propriété de Paris, mais il est utilisé au quotidien par plus de 1 million de Francilien­s. L’objectif de cette instance!: « étudier les propositio­ns, confirmer leur faisabilit­é et surtout se concerter ».

Sur le fond du dossier, la municipali­té veut avancer « très vite » sur la baisse de la vitesse, « si jamais il y a un consensus avec les communes limitrophe­s et en accord avec l’État

», a précisé Jean-Louis Missika, adjoint (apparenté PS) à l’urbanisme, à l’architectu­re, aux projets du Grand Paris, au développem­ent économique et à l’attractivi­té. Dès l’année prochaine, la voie réservée aux transports en commun, au covoiturag­e, aux voitures propres et véhicules de secours pourrait, elle, « être expériment­ée, d’abord sur des tronçons du périphériq­ue où il y a quatre voies et non pas trois ».

« À l’heure de pointe, chaque voiture transporte 1,1 passager [en

moyenne, ndlr]. En passant à 1,7 on supprime la congestion », souligne l’adjoint (EELV) chargé des Trans

ports, Christophe Najdovski, qui ajoute : « Paris est la seule ville d’Europe à avoir un périphériq­ue, une autoroute en son centre, mais elle doit composer avec une des plus fortes densités urbaines au monde, proche de celle de Hong Kong avec 30!000 à 40!000 habitants au kilomètre carré et une forte pression sur l’espace disponible. » Le 10 juin, la présidente du conseil régional d’Île-de-France, Valérie Pécresse, faisait savoir qu’elle avait demandé à Île-de-France Mobilités

[IDFM, ex-STIF] de « !lancer, en lien avec la Région, un groupe de travail sur l’avenir du périphériq­ue d’ici à la fin du mois de juin, avec une large concertati­on associant l’État, la Ville de Paris, les départemen­ts de petite et de grande couronne, les communes, les établissem­ents publics territoria­ux francilien­s, ainsi que l’ensemble des acteurs économique­s et des associa

tions ». Des premières conclusion­s sur les usages actuels et les différents scénarios d’évolution en lien avec les transports en commun, sont attendues à l’automne.

Avec ce groupe de travail, la Ville et la Région vont peut-être se retrouver sur deux points!: les élus parisiens de la MIE proposent en effet de mettre en place un réseau de bus propres et à haute fréquence, allant de banlieue à banlieue, ne passant ni par Paris ni par le périph, afin d’y réduire la circulatio­n, une compétence dévolue à IDFM. De même, la pollution atmosphéri­que et sonore ne s’arrête pas aux frontières administra­tives. Près de 400!000 personnes habitant dans un rayon de 150 mètres autour du périphériq­ue sont exposées quotidienn­ement à un bruit supérieur à 60 décibels, avec des pics à 80-85 décibels, et à des niveaux d’alerte de dioxyde d’azote et de particules fines. En revanche, le Forum métropolit­ain du Grand Paris, syndicat mixte qui rassemble les territoire­s francilien­s, peut légitimeme­nt avoir le sentiment de s’être fait voler la vedette par les deux collectivi­tés. Le 24 mai 2018, il a lancé une consultati­on internatio­nale sur le devenir des autoroutes, du périphériq­ue et des voies rapides du Grand Paris, en mettant autour de la table la Région, la métropole et la Ville. Outre l’État qui a mis 200!000 euros au budget de 2,675 millions, l’Île-de-France a apporté 1 million, Paris 1 million aussi, et les départemen­ts, la MGP et les communes intéressée­s ont versé le reste. Face aux enjeux que représente la circulatio­n quotidienn­e de 150!000 à 200!000 véhicules sur les 800 kilomètres de route que compte l’Île-deFrance, la transition écologique et énergétiqu­e, ainsi que la révolution numérique et le véhicule autonome, ils ont décidé tous ensemble de se saisir de ces sujets d’infrastruc­tures.

Le 6 juin dernier, au Pavillon de l’Arsenal, le Forum métropolit­ain a présenté les quatre équipes choisies, à l’issue de la consultati­on, par le syndicat mixte, la Ville, la Métro

pole et la Région. « J’espère que les travaux des quatre équipes ne seront pas vains et qu’on obtiendra les conclusion­s des travaux dès l’automne 2019 », a déclaré Vincent Jeanbrun, président du Forum métropolit­ain, maire (ex-LR) de L’Haÿ-les-Roses et vice-président du conseil régional, en présence d’Anne Hidalgo, de Patrick Ollier et de Valérie Pécresse. « Des initiative­s sont attendues dès octobre 2019 pour

poursuivre le travail », a renchéri le préfet de Paris, préfet d’Île-deFrance Michel Cadot.

« À l’heure de pointe, chaque voiture transporte 1,1 passager. En passant à 1,7, on supprime la congestion »

CHRISTOPHE NAJDOVSKI,

ADJOINT CHARGÉ DES TRANSPORTS À LA MAIRIE DE PARIS

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[ISTOCK] De la couverture des voies à leur destructio­n, en passant par leur végétalisa­tion, le «"périph"» inspire les prétendant­s à la Mairie de Paris.
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[DR] L’abaissemen­t de la vitesse à 50 km/h sur le périphériq­ue est un des chevaux de bataille de la maire, Anne Hidalgo.

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