CELUI PAR QUI TOUT A COMMENCÉ
directeur scientifique du Mila, l’institut québécois d’intelligence artificielle, qu’il a fondé en 1993. Il dirige aussi la recherche de l’Institut de valorisation des données (Ivado) de Montréal. « Exceptionnel », « brillant », « indispensable » ... ce sont les étudiants qu’il supervise – 65 actuellement à l’université de Montréal – et ses collègues chercheurs du monde entier – jusqu’au député et mathématicien Cédric Villani, qui le prend régulièrement en exemple – qui parlent le mieux de Yoshua Bengio. « Sans lui, la communauté IA à Montréal n’existerait pas. Beaucoup de jeunes chercheurs choisissent Montréal plutôt que d’autres hubs de recherche prestigieux car ils veulent absolument travailler avec Yoshua », affirme Sasha Luccioni, chercheuse en post-doctorat au Mila, l’institut québécois d’intelligence artificielle. Né en 1964 à Paris, le colauréat 2019 du prix Turing, ou « Nobel de l’informatique », avec ses deux anciens collègues de labo, le Français Yann Le Cun et le Canadien Geoffrey Hinton, est l’ingrédient phare de la recette du succès de Montréal dans l’IA. Dès les années 1990, le chercheur s’intéresse à une vieille branche de l’intelligence artificielle délaissée par la communauté scientifique#: l’apprentissage profond ou deep learning. Inspirée du cerveau humain avec ses réseaux de neurones, cette méthode vise à apprendre aux machines à apprendre par ellesmêmes, à partir d’un grand volume de données. Dans les années 2000, seul l’Institut canadien de recherches avancées, le Cifar, nourri partiellement d’argent public, accepte de financer les recherches du trio. Le pari se révèle payant#: avec l’explosion du big data au début des années 2010, les algorithmes de deep learning disposent enfin d’un volume suffisant de données pour prouver leur efficacité et même leur supériorité sur les anciennes méthodes d’apprentissage. C’est le jackpot#: alors que Yann Le Cun est débauché par Facebook en 2013 et que Geoffrey Hinton cède à Google Brain en 2016, Yoshua Bengio reste fidèle au monde universitaire. Son ambition#: transformer Montréal en hub mondial de l’apprentissage profond. Attirées par la concentration exceptionnelle de cerveaux autour de Yoshua Bengio et dans les autres universités prestigieuses de la ville (McGill, où le chercheur a étudié, l’université de Montréal ou encore Polytechnique), de nombreuses entreprises ont ouvert ces dernières années leur laboratoire de recherche en IA à Montréal, de Google à Microsoft en passant par Facebook, Samsung, Panasonic ou Thales. « Depuis trois ans, le nombre de candidatures pour rejoindre le Mila augmente de façon exponentielle » , raconte Sasha Luccioni. Plus de 1#000 dossiers ont été déposés l’an dernier, provenant du monde entier, pour seulement une centaine de places. Dans les couloirs du Mila, on appelle ça « l’effet Yoshua » .
S.R