La Tribune Hebdomadaire

Pourquoi la France et le Canada misent sur l’IA éthique

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RIPOSTE

Alors que la bataille autour de l’intelligen­ce artificiel­le se concentre surtout entre les États-Unis et la Chine, les « petits » pays que sont la France et le Canada tentent de se distinguer en misant sur une IA éthique et inclusive. Une stratégie à la fois morale et économique, alors qu’un premier consensus scientifiq­ue sur les enjeux de l’IA est espéré pour le prochain sommet du G7, cet été en France.

David contre Goliath dans l’intelligen­ce artificiel­le, ça donne quoi!? Ce n’est pas parce que la Chine et les États-Unis ont préempté, à coups de milliards de dollars, la bataille de l’intelligen­ce artificiel­le, que les « petits » pays comme la France et le Canada, qui ne peuvent clairement pas suivre, doivent déposer les armes. « Le plus beau dans l’innovation, c’est qu’elle est multiforme et qu’elle peut venir de partout si on est malin », aimait répéter Mounir Mahjoubi, l’ancien secrétaire d’État au Numérique français. Or, ni les ÉtatsUnis ni la Chine ne considèren­t l’IA éthique, c’est-à-dire inclusive et responsabl­e, comme un enjeu stratégiqu­e majeur pour répondre aux défis sociétaux du xxie siècle comme la transition écologique, l’emploi à l’heure de l’automatisa­tion ou l’inclusion sociale. Il y a donc une opportunit­é à saisir. La riposte se joue sur le terrain des valeurs et en plusieurs étapes. En juin 2018, le président français Emmanuel Macron et le Premier Ministre canadien Justin Trudeau ont signé la Déclaratio­n franco-canadienne sur l’intelligen­ce artificiel­le. Ce texte référence pose un cadre éthique au développem­ent de l’IA, en affirmant qu’elle doit être « centrée sur l’humain et axée et sur le respect des droits de la personne, l’inclusion, la diversité, l’innovation et la croissance économique ».

En décembre 2018, les deux pays sont allés plus loin en créant le G2IA, un groupe internatio­nal d’experts, présenté comme « le Giec de l’intelligen­ce artificiel­le ». Son but : « soutenir et guider l’adoption responsabl­e de l’intelligen­ce artificiel­le », notamment pour inspirer les régulateur­s qui seront chargés d’encadrer les usages. Bien que le G2IA soit une initiative franco-canadienne, son objectif est de convaincre le maximum de pays de s’engager pour une IA responsabl­e, notamment les membres du G7. Si le Japon s’est montré intéressé, les États-Unis n’ont pas réagi, même si certaines entreprise­s et scientifiq­ues américains ont manifesté leur intérêt pour contribuer à cette réflexion. En marge du prochain sommet du G7, qui se tiendra à l’été 2019 à Biarritz, la France et le Canada organisero­nt donc une grande conférence mon

Une IA « centrée sur l’humain et axée et sur le respect des droits de la personne, l’inclusion, la diversité, l’innovation et la croissance »

LES OBJECTIFS DE LA DÉCLARATIO­N FRANCOCANA­DIENNE SUR L'INTELLIGEN­CE ARTIFICIEL­LE

diale, qui visera à « établir un premier consensus scientifiq­ue sur les enjeux de l’intelligen­ce artificiel­le ». Pour la France et le Canada, miser sur l’éthique pourrait être un calcul payant et leur offrir de nouvelles opportunit­és économique­s. Les données étant le pétrole du xxie siècle, leur propriété et leur usage soulèvent des enjeux de souveraine­té : il y aura donc un grand besoin de services indépendan­ts et éthiques, dans de nombreux secteurs, pour ne pas dépendre du duopole américano-chinois, espèrent les deux pays. Il faut donc trouver comment capitalise­r sur des atouts réels – des cerveaux, des valeurs –, pour se démarquerm­algrédesma­rgesdemano­euvre financière­s réduites.

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 ?? [S. KILPATRICK/AP] ?? Emmanuel Macron et Justin Trudeau veulent faire de l'initiative du G2IA lancée en 2018 un véritable « Giec de l'intelligen­ce artificiel­le ».
[S. KILPATRICK/AP] Emmanuel Macron et Justin Trudeau veulent faire de l'initiative du G2IA lancée en 2018 un véritable « Giec de l'intelligen­ce artificiel­le ».

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