La Tribune Hebdomadaire

Les villes face à l’urgence de la restaurati­on écologique

NATURE Après le règne du minéral, les espaces verts s’imposent dans les stratégies des villes.

-

GIULIETTA GAMBERINI « Les espaces verts sont aussi un moyen de redonner aux Français l’envie de vivre en ville »

ROLLON MOUCHEL-BLAISOT,

DIRECTEUR DU PROGRAMME ACTION COEUR DE VILLE

Le collectif d’acteurs publics et privés Cibi (Conseil internatio­nal biodiversi­té et immobilier) et l’organisati­on interprofe­ssionnelle de l’horticultu­re, de la fleurister­ie et du paysage Val’hor promettent de faire de la restaurati­on écologique l’un des enjeux de la campagne pour les élections municipale­s de 2020. Avec le soutien du programme « Cités vertes pour une Europe durable » de l’Union européenne, ils ont lancé le 5 juin un appel à une action conjointe des élus locaux et des profession­nels de la constructi­on afin de remettre la nature au centre des villes. Car après avoir été pendant des décennies le règne du minéral, « les espaces urbains doivent aussi connaître une restaurati­on écologique » , plaidait lors du lancement de la mobilisati­on Marion Waller, conseillèr­e urbanisme et attractivi­té à la Mairie de Paris.

« Assumons la capacité humaine à produire de la nature » , ajoutait-elle, en soulignant que cette option ne peut plus être négligée.

UN PROJET AUX MULTIPLES ATOUTS

Face aux problèmes environnem­entaux qui menacent la planète, « il n’y a pas de petite

écologie mais toutes les actions comptent » , estime le président de l’Observatoi­re des villes vertes Jean-Pierre Guéneau. Surtout, la restaurati­on écologique des villes semble cumuler plusieurs atouts. Elle concilie la lutte contre le réchauffem­ent climatique avec celle contre l’effondreme­nt de la biodiversi­té, note l’architecte italien Stefano Boeri, qui depuis presque une décennie travaille à l’intégratio­n de « forêts verticales » dans ses projets de renouvelle­ment urbain. Le développem­ent de la nature constitue un important rempart contre le risque d’inondation­s dans les zones urbaines les plus exposé es, précise Marie-Christine Huau, directrice du marché Grand cycle de l’eau et Gemapi chez Veolia. Et elle représente une solution contre les îlots de chaleur, rappelle Daniel Breuiller, vice-président de la métropole du Grand Paris, où 1#500 hectares de pleine terre ont été consommés

durant les vingt dernières années sur des territoire­s urbains qui ne se rafraîchis­sent plus la nuit, et sur lesquels vivent aujourd’hui 73 %

des métropolit­ains. Sans compter que « les espaces verts sont aussi un moyen de redonner aux Français l’envie de vivre en ville, et donc une réponse au phénomène de désertific­ation du centre dans de nombreuses villes moyennes » , souligne le préfet Rollon Mouchel-Blaisot, directeur du programme national Action coeur de ville.

UNE « INFRASTRUC­TURE VERTE » PRIMAIRE

Mais comment changer de cap#? La clé est, selon Jean-Marc Bouillon, président d’honneur de la Fédération française du paysage, d’arrêter de considérer la nature comme un complément voire un élément compensato­ire, et de commencer à la traiter comme une « infrastruc­ture verte » primaire, « d’une valeur comparable à celle des deux autres grands protagonis­tes de la

ville, le logement et l’activité économique » . La révolution des nouvelles mobilités, et notamment de l’autopartag­e, susceptibl­e de libérer du foncier peu adapté à ces autres besoins, est en ce sens une opportunit­é unique, souligne-t-il, après avoir justement créé un fonds de dotation destiné à permettre de s’en saisir. Car ces infrastruc­tures vertes « se pensent et se financent dans le temps », souligne le secrétaire du Cibi, Pierre Darmet. Pour l’instant, les villes qui s’engagent dans cette voie commencent par inventorie­r la faune et la flore présentes sur leur territoire, puis éventuelle­ment par mettre sur pied un plan biodiversi­té, relève une étude menée par l’Observatoi­re des villes vertes avec la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) auprès des 24 municipali­tés les plus engagées.

LA VOLONTÉ POLITIQUE, UNE CONDITION SINE QUA NON

Ces ville luttent notamment contre les espèces invasives, créent ou renforcent des continuité­s écologique­s et expériment­ent une gestion alternativ­e des eaux pluviales. Mais les plans locaux d’urbanisme (PLU) sont « encore insuffisam­ment

utilisés » pour la multiplica­tion des espaces verts à travers la végétalisa­tion des infrastruc­tures grises, et les mécanismes de mesure de l’efficacité des politiques de préservati­on de la biodiversi­té sont encore trop souvent inexistant­s, déplore Jean-Pierre Guéneau. Si la volonté politique est alors la condition sine qua non des villes vertes, les élections municipale­s invitent néanmoins à l’optimisme, puisque les citadins en demandent de plus en plus, souligne Daniel Breuiller. Le Grand Paris élabore ainsi une charte Métropole Nature fédérant autour de cet enjeu les communes métropolit­aines ainsi que d’autres acteurs publics comme privés. Elle sera signée dès juillet. n

 ?? [TRIPELON-JARRY/ ONLYFRANCE.FR] ?? Pour changer de cap, il faudrait reconnaîtr­e à la nature autant de valeur qu’au logement ou à l’activité économique.
[TRIPELON-JARRY/ ONLYFRANCE.FR] Pour changer de cap, il faudrait reconnaîtr­e à la nature autant de valeur qu’au logement ou à l’activité économique.

Newspapers in French

Newspapers from France