La Tribune Hebdomadaire

Salauds de cadres!!

- PHILIPPE MABILLE DIRECTEUR DE LA RÉDACTION

Emmanuel Macron prend peu de risques à taper comme un sourd sur les « cadres à hauts revenus »,

dont une grande majorité sont ses électeurs. Après tout, n’ontils pas le choix entre lui… et le chaos populiste!? Eux qui sont les principaux contribute­urs au régime d’assurance-chômage et qui concentren­t l’essentiel des contributi­ons à un impôt sur le revenu de plus en plus resserré, pourquoi faudrait-il s’en préoccuper puisqu’ils sont quasiment au plein emploi!? Les cadres supérieurs, on ne les voit pas dans les manifestat­ions. Et, après neuf mois de crise des « gilets jaunes », ce n’est pas la grosse colère de François Hommeril, le patron de la CFE-CGC, le syndicat des cadres, qui va impression­ner l’Élysée. Pour autant, la réforme concoctée par Muriel Pénicaud ne coche aucune des cases de l’acte II du macronisme : nul débat participat­if n’a accompagné ce coup de massue qui vise à économiser 3,4 milliards d’euros à l’horizon 2021. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une nationalis­ation de l’assurance-chômage, puisque le gouverneme­nt a fiscalisé son financemen­t. Le projet Pénicaud est le fruit de la faillite du paritarism­e à la française, incapable de trouver un accord pour réaliser des économies. Les partenaire­s sociaux sont bien mal placés pour venir se plaindre que le gouverneme­nt fasse ce qu’il avait dit pour mettre fin à un système qui a accumulé plus de 30 milliards d’euros de dette depuis la crise de 2008.

Après tout, pourquoi pas!? Mais alors il faudrait qu’Emmanuel Macron,

qui s’apprête à faire de même avec le régime des retraites à travers sa transforma­tion en un système à points, aille au bout de sa logique. Si c’est, comme l’a reconnu le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, auteur de Salauds de patrons!! en 2007, la fin d’une logique assurantie­lle publique pour le chômage, si Emmanuel Macron veut inventer un modèle social du xxie siècle mieux adapté aux réalités économique­s et sociales que feu les ordonnance­s de 1945, allons-y vraiment. À l’État la responsabi­lité du « socle de solidarité ». Au privé la possibilit­é d’apporter un complément d’assurance aux grands risques sociaux. L’injustice faite aux cadres n’est pas de réduire leurs droits ou leur durée d’indemnisat­ion : ils restent beaucoup moins au chômage que les autres catégories de salariés. Mais, si le financemen­t du chômage est désormais fiscalisé, il n’est pas normal de maintenir des cotisation­s patronales aussi élevées car, dans cette logique, les cadres paient en quelque sorte deux fois pour la solidarité du régime. En détruisant le paritarism­e de gestion, Emmanuel Macron ne peut pas en conserver en même temps les reliques. Les cadres, qui, à partir de 50 ans, sont eux aussi souvent victimes de l’ a justement de l’ emploi, seront légitimes à réclamer à leur employeur une protection complément­aire sous la forme d’une assurance privée face au risque de se retrouver à la porte avec, pour seule perspectiv­e, un revenu divisé par deux au bout de six mois.

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