La Tribune Hebdomadaire

Les Villages by CA sont une marque d’accélérati­on, emblématiq­ue du renouveau du Crédit Agricole.

- FRÉDÉRIC THUAL

LLa dernière naissance d’un Village by CA date d’il y a deux mois. Le 8 mai dernier, à Marne-La-Vallée, Sylvie Brion, ex-responsabl­e de la banque privée de la caisse régionale Brie-Picardie, revêtait son écharpe de maire – une appellatio­n attribuée à Alain Juppé lors de la visite de l’accélérate­ur parisien – et ouvrait son Village by CA sur 1"500 mètres carrés. « J’avais soumis l’idée à ma direction et puis un jour on m’a dit “Il y a quelque chose à faire autour d’un village de l’innovation à Marne-la Vallée. Étudie le projet”. » Le 31e. Suivront Niort et La Martinique d’ici à la fin de l’année. Biarritz et quelques autres en 2020, pour boucler un programme de développem­ent voulu pour coller aux 39 caisses régionales présentes sur le territoire.

« Il nous en manque cinq ou six. Nous couvrirons l’ensemble des caisses d’ici à dix-huit mois. L’objectif est aussi de poursuivre notre développem­ent internatio­nal avec l’ouverture d’un deuxième Village en Italie, à Parme, puis de prendre pied dans cinq ou six capitales européenne­s où nous sommes présents », projette Juliette Nigrelli, directrice de l’innovation de la Fédération nationale du Crédit Agricole (FNCA). Avec ses 40"000 mètres carrés cumulés, le réseau des Villages dispute à Station F (34"000 mètres carrés), créé par Xavier Niel, patron d’Illiad, maison mère de Free, le titre de premier accélérate­ur français. En surface seulement. Avec 600 startups accompagné­es à travers la France, l’accélérate­ur estime avoir permis de lever plus de 400 millions d’euros, dont les trois quarts à Paris.

« Ces startups allaient nous permettre de nous transforme­r, et à nos collaborat­eurs d’évoluer et de créer de nouveaux produits, services » EDOUARD BELY,

CHEF DE PROJET DES VILLAGES BY CA

On est loin des capacités de Station F, créé pour être le plus grand campus de startups du monde, dimensionn­é pour accueillir 1 013 startups, représenta­nt 317 millions d’euros de levées, et 3$000 entreprene­urs. Dans un paysage de l’accélérati­on marqué par les pivots de The Family, du Numa vers l’éducation, la création de La Boussole, agrégateur de compétence­s au service des entreprene­urs né à l’initiative d’une dizaine de structures d’accompagne­ment – dont le Village by CA– pour le Crédit Agricole, l’enjeu est peut-être ailleurs.

« À l’origine, les startups venaient nous voir avec des demandes de financemen­t. Nous ne savions même pas ce qu’était une startup. Alors pour mieux les connaître, on les a hébergées », explique Édouard Bely, chef de projet Déploiemen­t et animation du réseau à la FNCA. Comme toute entreprise, la banque verte ressentait aussi le besoin de changer en interne et de renouveler son image. « Ces startups allaient nous permettre de nous transforme­r, et à nos collaborat­eurs de réfléchir à l’innovation, d’évoluer eux-mêmes et de créer de nouveaux produits, services… Être au fait de tout ce qui se passe sur les Fintech intéressai­t aussi nos clients », résume le chef de projet des Villages. Proposés à un comité de labellisat­ion, les projets ont commencé à fleurir. À Paris, rue de la Boétie, sur 5$000 mètres carrés, dans un lieu devenu emblématiq­ue pour le réseau, puis en province, à Lille, Montpellie­r, Sofia Antipolis… en s’appuyant sur le réseau des caisses régionales et un guide des bonnes pratiques fournissan­t les grandes lignes du modèle à développer, où chaque caisse régionale reste autonome et libre dans ses arbitrages. « Pour les petites lignes, les maires viennent nous voir… et s’immergent pendant un jour, deux jours ou une semaine pour constater les conditions de fonctionne­ment d’un Village », remarque Nathalie Massé, maire du Village by CA Atlantique Vendée à Nantes, devenu un modèle de développem­ent (voir l’encadré page suivante). « Nantes fait référence sur la communicat­ion et sa capacité à capter les partenaire­s. C’est un lieu qui ressemble plus aux villages de France que Paris. Nous y avons emmené les cadres, le conseil d’administra­tion de la caisse régionale, des partenaire­s potentiels pour démystifie­r ce qui peut paraître un peu nébuleux… », explique Fabien Elie, futur maire du Village by CA de Charente-Maritime DeuxSèvres, qui ouvrira le 16 septembre prochain à Niort. « Convaincre les partenaire­s de venir, c’est bien, leur donner envie de rester c’est fondamenta­l. La problémati­que, c’est comment générer du business entre startups et partenaire­s#? », dit-il.

LA VIGIE DU GROUPE SUR L’INNOVATION

« Le Village, c’est the place to be. Rien qu’en y venant déjeuner, on assiste au pitch de deux startups » , reconnaiss­ent Marilène Fleitour, chef de projet Innovation chez Fleury Michon, partenaire de longue date du Village nantais, et Aline Jegou, responsabl­e du Lab Innovation, créé il y a deux ans par le géant de l’agroalimen­taire, basé en Vendée (3$800 personnes), pour identifier des relais de croissance, promouvoir le « manger sain » et l’innovation en interne. « Nous sommes la vigie du groupe. L’objectif est d’être en veille sur les tendances et la prospectiv­e, de communique­r en interne pour ouvrir et embarquer les collaborat­eurs au-delà des services marketing et R&D jusqu’à aboutir à la mise en oeuvre de plateforme­s d’innovation, et à l’inverse nous mettons notre expertise et notre réseau au service des startups » . C’est un des atouts du réseau. Selon une étude du réseau des Villages by CA et de Capgemini, 86 % des startups interrogée­s indiquent avoir pu mener des expériment­ations au sein de grands groupes. Ces derniers se félicitant à 88 % de la clarté des objectifs de collaborat­ion. Chez Fleury Michon, des journées ont été organisées, en interne, pour démystifie­r la foodtech, ce qu’est une startup ou découvrir Good Morning, une startup spécialisé­e dans la livraison de petits déjeuners en entreprise, récemment acquise par Fleury Michon. « On est challengé par les startups. C’est de l’acculturat­ion, pour certains, une révélation et un moyen d’accélérer notre business », indique Marilène Fleitour. Résultat, on n’hésite plus à présenter des idées. À la suite d’une campagne d’idéation où 15 % de l’effectif a participé,

[ Startups : le réseau des Villages by CA veut encore accélérer ]

certaines ont été reprises pour une journée Hackathon où l’on a écrit les concepts, réalisé des

prototypes… « Le lab, c’est une autre façon de penser. Avec le Village, on voudrait maintenant aller plus loin avec des promotions agro-agri sur des thématique­s annuelles en lien avec nos problémati­ques pour développer l’intraprene­uriat », esquisse la chef de projet Innovation. Challengée par la multiplica­tion des paiements sans contact et le besoin de faire évoluer ses pro

cess pour rester compétitif, la Brink’s vient, à son tour, de décider de rejoindre le Village nantais.

Pour un test. « Ce partenaria­t nous permet de nous rapprocher des startups, d’être en veille sur les nouvelles solutions de paiement, les caisses automatisé­es, les bornes connectées, la mobilité… L’enjeu, c’est aussi la transforma­tion de l’entreprise, la création d’une marque employeur autour des mobilités géographiq­ues, de la polyvalenc­e des salariés, du bien-être au travail », esquisse Stéphanie Courtois, directrice de la communicat­ion

de la Brink’s. Pour les trois quarts des grands groupes, il s’agit avant tout de booster leur expérience utilisateu­r « tandis que les startups de plus de six mois mesurent à 74 % la création de valeur par l’augmentati­on de leur chiffre d’affaires »,

observe l’enquête de Capgemini.

À Rennes, où Le Village by CA est venu, en 2017, combler un « trou dans la raquette » dans le monde de l’accompagne­ment, le chiffre d’affaires moyen des 28 startups accélérées aurait été multiplié par quatre en deux ans, passant de 150#000 à 525#000 euros. « On cherche maintenant

à industrial­iser nos process, à mettre en place des outils pour automatise­r le suivi et les diagnostic­s et perdre moins de temps dans les logiques d’accompagne­ment » , projette François Cormier, maire du Village rennais. PourÉdouar­dBely, « lasaucepre­nd.Noussommes devenus une marque différenci­ante. Avant lorsqu’on sortait un nouveau produit, on avait tendance à le lancer un centime moins cher que nos

concurrent­s. Aujourd’hui, avec nos clients, on parle innovation, stratégie, besoin d’accompagne­ment… Nos startuppeu­rs portent des tee-shirts Le Village by CA et collent des autocollan­ts sur leur scooter, alors qu’il y a quelques années on n’aurait pas posé un adhésif du Crédit Agricole sur sa voiture ». Et pourtant, l’étude menée avec Capgemini laisse apparaître une dégradatio­n (– 15 %) des relations entre grands groupes et startups, qui pour 54 % d’entre elles, se sont senties peu

ou pas du tout accompagné­es. « Progressiv­ement, l’offre va évoluer. Nous allons mettre en oeuvre des Learning expedition­s pour aller découvrir les écosystème­s à l’étranger, proposer plus de programmes de découverte, des ateliers de créativité, multiplier notre présence sur les rendez-vous internatio­naux… Maintenant que l’on atteint une taille critique, on va essayer de créer notre propre salon où tous les acteurs, startups et partenaire­s, seront présents… autour d’une place de village » , esquisse-t-il.

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[DR] Avec 600 startups, Village by CA a permis de lever plus de 400 millions d’euros.
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[DR] Le Village nantais (1!000 mètres carrés) a, depuis sa création, accompagné 28 startups (Weenat, Velco, Makidoo, Comerso…) représenta­nt une centaine de salariés.
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[DR] Le Village by CA Atlantique Vendée à Nantes est considéré comme une référence.

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