La Tribune Hebdomadaire

Zuckerberg va-t-il subir le même sort que Rockefelle­r!?

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Le 15 mai 1911, la Cour suprême des États-Unis prononce le démantèlem­ent de la Standard Oil

en vertu du Sherman Antitrust Act, une loi visant à lutter contre les monopoles votée vingt ans plus tôt. Or, pour la Cour suprême, il ne fait aucun doute que l’empire pétrolier fondé par John D. Rockefelle­r est devenu trop puissant et nuit désormais à la concurrenc­e. Un siècle plus tard, c’est un empire bien différent qui se trouve dans le viseur des autorités : celui de Facebook, le réseau social lancé il y a quinze ans par Mark Zuckerberg. Le 31 mai dernier, le départemen­t de la Justice américaine a annoncé qu’il ouvrait une enquête sur l’entreprise (ainsi que sur Google, Amazon et Apple) dans le cadre de la loi antitrust.

Tout comme l’industrie du pétrole à ses débuts, l’Internet était, durant les années 1990, un territoire vierge et ouvert à la concurrenc­e, où de jeunes pousses rivalisaie­nt pour la conquête de nouveaux marchés. Mais la Toile est aujourd’hui de plus en plus dominée par une fraction d’entreprise­s toutes-puissantes. Détenant, en plus de sa propre plateforme, le service de partage de photos Instagram et l’applicatio­n de messagerie privée WhatsApp, Facebook règne en maître sur les réseaux sociaux, et bénéficie d’un important monopole sur l’accès à l’informatio­n. Une perspectiv­e qui inquiète de plus en plus, d’autant que l’entreprise a récemment montré son incapacité à lutter contre les fausses informatio­ns et à protéger la vie privée des utilisateu­rs, avec l’affaire Cambridge Analytica.

L’entreprise de Mark Zuckerberg a pris acte de la dégradatio­n de son image auprès du public,

multiplian­t les annonces lors de la dernière édition de sa conférence Facebook F8. Mais peutêtre est-il déjà trop tard. Dans une tribune publiée par le New York Times en mai dernier, Chris Hughes, cofondateu­r de Facebook, qui a depuis quitté l’entreprise, a appelé à son démantèlem­ent. L’idée fait également son chemin parmi les politiques. Elizabeth Warren, candidate démocrate à la présidenti­elle, a ainsi affirmé sa volonté de scinder Facebook, WhatsApp et Instagram en trois entités distinctes. Donald Trump lui-même a récemment laissé entendre que le réseau social était en position de monopole. L’idée de voir Facebook démantelé par la justice américaine, qui paraissait folle il y a encore quelques mois, est une perspectiv­e plausible, qui s’annonce même comme l’un des sujets de débat pour la future présidenti­elle. Toutefois, Facebook a un atout dans sa manche : la compétitio­n féroce à laquelle se livrent les États-Unis et la Chine autour des nouvelles technologi­es. L’entreprise de Mark Zuckerberg est à la pointe de la recherche dans plusieurs domaines stratégiqu­es, en particulie­r l’intelligen­ce artificiel­le. À l’heure où la Chine s’appuie pour ses champions nationaux (les BATX) pour arracher la suprématie mondiale autour de l’IA, il est peu probable, quel que soit le futur locataire de la Maison-Blanche, que Washington saborde l’un de ses meilleurs atouts.

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