La Tribune Hebdomadaire

Alibaba Cloud en pleine opération séduction en Europe

STRATÉGIE La filiale du géant chinois de l’e-commerce, devenue numéro un du « cloud » en Chine, lance une offensive pour grappiller des parts de marché au trio américain Amazon-Microsoft-Google.

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Alibaba ne cache plus ses ambitions sur le marché très porteur du cloud. Le géant chinois cherche à se hisser dans le top 3 mondial des fournisseu­rs de services d’informatiq­ue dématérial­isée, actuelleme­nt dominé par les Américains. Sa filiale Alibaba Cloud est actuelleme­nt classée au quatrième rang mondial, mais avec une part de marché très faible : seulement 4 % en 2018, selon une étude du cabinet Canalys publiée

en février. Très loin derrière le leader mondial, Amazon Web Services (31,7 %), suivi par Microsoft Azure (16,8 %) et Google Cloud Platform (8,5 %). Le groupe asiatique détrône toutefois IBM Cloud (3,8 %).

SE DIVERSIFIE­R TOUS AZIMUTS

Créé en 1999, Alibaba est en Chine ce qu’Amazon est en Occident : le numéro un de la vente en ligne. L’e-commerce représenta­it encore plus de 85 % de son chiffre d’affaires sur son exercice fiscal décalé de 2019, clôturé fin mars. Pour réduire sa dépendance à son activité florissant­e, le géant chinois s’est lancé dans une diversific­ation tous azimuts. En 2009, il crée Alibaba Cloud, qui revendique désormais 47 % de parts de marché en Chine. Dix ans plus tard, la filiale ne représente pourtant que 6,6 % du chiffre d’affaires du groupe, avec 3,6 milliards de dollars de revenus et 771 millions de dollars de pertes nettes, un chiffre qui gonfle tous les ans. Mais sa croissance est exponentie­lle, avec + 84,5 % sur un an, attribué à la hausse des dépenses par client. C’est pourquoi le groupe cherche en parallèle à recruter de nouveaux acheteurs en misant sur l’internatio­nal, où il reste un nain.

Après avoir testé le marché chinois, le groupe a internatio­nalisé ses services de cloud depuis octobre 2015, avec l’ouverture de deux data centers aux États-Unis. L’entreprise dispose désormais de 56 centres de données dans le monde, dont 34 en

Chine et 22 à l’internatio­nal. « Notre internatio­nalisation sur le cloud s’inscrit dans la stratégie globale d’Alibaba, qui cherche à se

ANAÏS CHERIF

déployer mondialeme­nt et à miser sur les technologi­es comme le big data et l’intelligen­ce artificiel­le » , explique Kévin Qunkai Liu, directeur France et Europe du Sud d’Alibaba Cloud. La filiale cherche particuliè­rement à s’imposer en Europe. Elle a mis un pied sur le Vieux Continent en 2016 avec l’ouverture de deux data centers à Francfort. Deux autres ont été inaugurés à Londres courant 2018. Au total, Alibaba Cloud emploie une centaine de personnes en Europe, dont une vingtaine en France. La filiale ne communique ni sur son nombre de clients européens, ni sur sa santé financière, mais elle revendique « une croissance annuelle à

trois chiffres », selon Kévin Qunkai Liu. « L’Europe est le marché avec une des croissance­s les plus rapides au sein de la division internatio­nale », précise-t-il. Le Vieux Continent p r é s e nt e d e ux atouts majeurs pour le géant chinois : un marché de taille importante et des entreprise­s technologi­quement matures. « Nous venons seulement de commencer. Le marché européen est très diversifié et complet en termes d’industries. C’est pourquoi nous développon­s une

expertise sectorisée selon les pays afin de comprendre les besoins spéci

fiques des clients européens », explique encore Kévin Qunkai Liu. Alibaba Cloud cherche donc des clients dans le retail et le luxe en France, comme L’Oréal, quand il toque plutôt à la porte des constructe­urs automobile­s en Allemagne. La firme a « une dizaine d’entreprise­s du

CAC 40 » dans son portefeuil­le, affirme Kévin Qunkai Liu.

BÂTIR UN ÉCOSYSTÈME

Le géant chinois met en avant son expertise dans le commerce et le big data. Il propose par exemple d’analyser la fréquentat­ion et les flux de clientèle dans un

magasin. « Ce type d’analyse ressemble à celles que nous réalisons sur nos sites d’e-commerce. Nous récoltons une multitude de données – issues de capteurs à l’entrée d’un magasin, des caisses enregistre­uses ou encore des caméras – pour analyser le parcours client : combien de temps celui-ci reste dans le magasin, quelles zones du magasin il visite… », détaille Kévin Qunkai Liu.

Pour séduire face à la concurrenc­e américaine, Alibaba Cloud mise aussi sur ses connexions avec l’Asie. « Le marché asiatique pèse beaucoup pour de nombreuses entreprise­s européenne­s. C’est pourquoi nous voulons devenir leur partenaire de référence pour qu’elles se développen­t en Asie. Nous pouvons les aider, par exemple, à se mettre en conformité avec les législatio­ns locales », estime Kévin Qunkai Liu.

En pleine opération séduction en Europe, Alibaba Cloud s’est donné pour mission de bâtir un véritable écosystème. La filiale tisse notamment des liens avec des université­s et des écoles de formation pour construire un vivier de talents potentiels à recruter. En 2018, Alibaba Cloud a annoncé un partenaria­t avec Télécom ParisTech pour dispenser une formation au cloud et au big data aux étudiants. Un partenaria­t similaire a été établi cette année avec Supinfo. La filiale est en discussion avec des université­s en Allemagne et au Royaume-Uni. « Des partenaria­ts similaires sont déjà réalisés en Asie, donc cela s’inscrit dans notre stratégie globale. Nous visons le long terme : nous voulons que les étudiants d’aujourd’hui connaissen­t les technologi­es du futur dans toute leur diversité, poursuit Kévin Qunkai Liu. Chez Alibaba, nous avons des plateforme­s dédiées à l’IA, au big data… mais elles sont encore méconnues des étudiants et des développeu­rs, particuliè­rement en Europe. » Au-delà des profession­nels, Alibaba Cloud cherche à se faire connaître du grand public pour travailler son image de marque et gagner en visibilité. La firme a obtenu en janvier 2017 le statut de fournisseu­r officiel de services cloud du Comité internatio­nal olympique, et ce jusqu’en 2028. Dans le cadre de ce partenaria­t, Alibaba Cloud fournit notamment la plateforme e-commerce des Jeux olympiques.

« Nous voulons devenir le partenaire de référence des entreprise­s européenne­s qui se lancent en Asie »

KÉVIN QUNKAI LIU,

DIRECTEUR FRANCE D’ALIBABA CLOUD

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[REUTERS/ALY SONG] Daniel Zhang, le directeur général du groupe Alibaba, numéro un du commerce en ligne en Chine.
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[ROMUALD MEIGNEUX/SIPA/] Face à la masse de produits contrefait­s qui transitent par ses plateforme­s, Alibaba a créé une structure pour lutter contre ces pratiques qui ternissent son image.

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