ET LES AUTRES ALTERNATIVES ?
artificielle, qui permettent de mieux connaître les parcelles, de détecter les mauvaises herbes à un stade précoce et de les cibler d’une manière beaucoup plus précise. Si ces innovations doivent encore être perfectionnées avant de pouvoir être déployées à grande échelle, « un travail commun, réunissant digital, biologie, robotique et agro-équipementiers, recèle un grand potentiel », souligne Christian Huyghe. Toutes les alternatives citées voient d’ailleurs leur impact et leur viabilité économique démultipliés à condition d’être employées mais aussi conçues ensemble, dans le cadre d’« une réflexion à l’échelle du système de culture », estime l’Inra.
Mais se passer du glyphosate, comme des autres produits phytosanitaires, demande aussi une remise en cause du modèle économique épousé par l’agriculture. « En réduisant le temps de travail dans le champ, la diffusion du glyphosate a accompagné la transition française vers des exploitations plus grandes et homogènes, assurant des économies d’échelle et répondant à la demande des consommateurs de produits peu chers et standardisés », analyse Christian Huyghe. « Si cette molécule est devenue un symbole, c’est justement parce qu’elle est un très bon indicateur de l’industrialisation de l’agriculture » , abonde Arnaud Gauffier. Aujourd’hui donc, « les principaux blocages [à son abandon] peuvent (...) résulter de notre trajectoire agricole ayant conduit à des exploitations de grande taille ayant peu recours à la main-d’oeuvre, à la spécialisation des territoires qui limite les utilisations alternatives des terres et favorise la sélection d’une flore adventice difficile, à des standards de marché et de cahiers des charges », reconnaît l’Inra, pour qui « l’analyse des transitions doit également intégrer ces dimensions structurelles ».
DES COÛTS SUPPORTÉS PAR TOUTE LA CHAÎNE DE VALEUR
Et si l’élimination des mauvaises herbes a sans doute permis de multiplier les rendements, « nouveaumodèle économique » ne signifie pas forcément « baisse des revenus pour les agriculteurs », estime Arnaud Gauffier, pour qui la France ne peut de toute façon pas être compétitive sur les marchés agricoles mondiaux#: les revenus des céréaliers français sont d’ailleurs en berne depuis plusieurs années. Sans compter que le marché des produits sans pesticides s’envole et que, dans une autre étude de 2017, l’Inra concluait « qu’une réduction significative de l’usage de pesticides est possible sans dégrader, à l’échelle de l’exploitation agricole, les performances productive et économique, à condition d’adaptations conséquentes des pratiques agricoles » .
Une telle transformation ne se fera toutefois pas sans coûts, qui devront être supportés par l’ensemble de la chaîne de valeur voire de la société, conviennent l’ensemble des acteurs. Les céréaliers à eux seuls évaluent à 950 millions d’euros le surcoût global auquel ils seraient confrontés en cas de suppression totale du glyphosate, Au-delà des réponses mécaniques et agronomiques, d’autres alternatives au glyphosate existent ou sont explorées, que l’Inra estime toutefois non souhaitables en France ou encore trop balbutiantes. Ainsi, l’utilisation d’autres herbicides homologués a été écartée par l’Inra pour deux raisons, explique Christian Huyghe : leur toxicologie est souvent supérieure à celle du glyphosate, et leurs effets sur l’industrialisation de l’agriculture sont exactement les mêmes. Ils pourraient néanmoins être utilisés de manière « ciblée » , « pendant une période de transition », dans des situations d’échec des autres solutions. Quant à l’emploi de bioherbicides (herbicides d’origine biologique), un acide gras, l’acide pélargonique, est déjà homologué pour certains usages. Mais par rapport au glyphosate, il présente deux inconvénients majeurs : il ne détruit que la partie de la plante avec laquelle il entre en contact et est beaucoup plus cher.
Alors que l’amélioration génétique des plantes destinée à accroître leur tolérance aux herbicides (notamment au Roundup de Monsanto) est déjà une réalité depuis belle lurette outre-Atlantique, la possibilité d’une modification génétique leur permettant d’empêcher la prolifération des mauvaises herbes semble encore relever de la science-fiction. En revanche, une voie de recherche intéressante s’ouvre tout juste, observe Christian Huygh : la caractérisation de microbiotes du sol empêchant certaines plantes de se développer.
G.G.
n