La Tribune Hebdomadaire

Il va falloir apprendre à vivre avec les robots

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« Il ne faut pas avoir peur du robot », assurait Emmanuel Macron, lors

du salon Vivatech, l’année dernière. Il n’est pas sûr que l’injonction du président rassure face à l’arrivée massive des robots dans le secteur manufactur­ier à travers la planète. On en aura un aperçu à la lecture de l’étude publiée par Oxford Economics, intitulée#: « Comment les robots changent le monde. Ce que signifie l’automatisa­tion pour les emplois et la productivi­té ». L’une des conclusion­s des experts du centre d’analyse et de prospectiv­e britanniqu­e est que près de 20 millions d’emplois vont disparaîtr­e d’ici à 2030 par le recours accru aux robots dans l’industrie manufactur­ière et les services, en raison du fait que tout nouveau robot remplace 1,6 emploi.

La tendance n’est pas nouvelle – depuis 2010, le nombre de robots a doublé dans le monde – mais elle s’accélère, puisque l’étude estime que depuis 2000, 1,7 million d’emplois ont déjà été détruits, dont 400#000 en Europe, 260#000 aux États-Unis et 550#000 en Chine. Si l’hypothèse d’Oxford Economics se confirmait, la force de travail humain dans le secteur industriel et manufactur­ier sera réduite de 8,5 % en 2030 par rapport à aujourd’hui, avec des situations différente­s selon les pays. Aujourd’hui, un robot sur trois installé dans le monde l’est en Chine, qui devrait en compter 14 millions d’ici à 2030. L’un des enseigneme­nts importants de cette étude est que les services sont à leur tour touchés par cette vague. Jusqu’alors les emplois perdus dans le secteur manufactur­ier étaient plus ou moins compensés par des emplois dans les services, notamment dans les pays de l’OCDE. Mais avec le développem­ent de l’intelligen­ce artificiel­le, des secteurs comme la logistique, la santé, le commerce de détail, l’immobilier, les loisirs ou encore les transports, vont perdre des emplois. Quant aux économies émergentes, notamment celles qui ont une maind’oeuvre abondante à faible compétence, l’impact sera plus fort, avec deux emplois supprimés pour un robot.

Cependant, cette sombre perspectiv­e, qui pourrait alimenter un courant inspiré du luddisme, doit être relativisé­e.

La robotisati­on permet aussi de générer de la croissance économique sous la forme de nouveaux métiers, à un rythme équivalent à celui de la destructio­n d’emplois. Ainsi, les experts d’Oxford Economics estiment qu’une hausse de 30 % de la robotisati­on d’ici à 2030 pourrait créer une croissance supplément­aire en termes de PIB d’une valeur de 5#000 milliards de dollars à l’échelle mondiale, grâce à l’améliorati­on de la productivi­té qui progresser­ait de 0,1 % chaque fois que la robotisati­on augmentera­it de 1 %. Selon l’étude, 5,3 % devrait être ajouté au PIB mondial d’ici 2030, soit l’équivalent d’une économie comme celle de l’Allemagne. Évidemment, ce bouleverse­ment va poser des problèmes politiques aux gouverneme­nts et aux élus, d’autant que l’un des effets majeurs de la robotisati­on sera la croissance des inégalités.

Déjà confrontés à la montée de la contestati­on, à l’image du mouvement des « gilets jaunes », les responsabl­es politiques vont devoir trouver des solutions pour accompagne­r les perdants de la robotisati­on. Ainsi, selon leurs critères, les experts d’Oxford ont identifié pour le cas de la France les régions – bizarremen­t, ils ne connaissen­t pas notre nouveau découpage régional – qui vont souffrir le plus du phénomène. Il s’agit de la Franche-Comté, la Basse-Normandie, la Picardie et le Limousin, des territoire­s ruraux où la robotisati­on reste faible. En revanche, celles qui devraient être les moins affectées sont l’Îlede-France, la Provence-Alpes-Côte d’Azur et le Languedoc-Roussillon. Les responsabl­es politiques sont donc prévenus.

ROBERT JULES DIRECTEUR ADJOINT DE LA RÉDACTION

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