La Tribune Hebdomadaire

Secouons nos habitudes

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Cela ne vous a pas échappé!: dans le collectif, dans les relations de travail, des habitudes s’installent.

Et, insidieuse­ment, elles se figent. Juan assure 90 % du temps de parole dans les réunions avec son équipe. Corinne voit défiler tout le service pour lui confier son mal-être. Alban continue de travailler en direct avec son ancienne équipe de production bien qu’il ait nommé un chef de pôle qui la manage depuis quatre mois. Au fur et à mesure qu’une relation prend forme, nous reproduiso­ns certains comporteme­nts et en excluons d’autres. Nous prenons des plis, écartant une variété d’autres possibilit­és. Quel gain d’énergie que ces automatism­es#! Ce mode « éco » conserve nos ressources pour gérer l’imprévu et la nouveauté. Mais il limite aussi notre marge de manoeuvre.

En effet, ces habitudes de travail nous empêchent de nous adapter à un contexte qui, lui, évolue. Sans oublier qu’elles ne sont pas toujours consciente­s ni choisies. Juan comprend qu’il porte les réunions d’équipe. Plus il impulse et anime, moins ses collaborat­eurs se mobilisent pour contribuer. Résultat#: frustré, Juan perd le plaisir à animer ces temps collectifs. Il est temps de changer de routine, non#? Corinne n’a jamais eu la vocation d’ouvrir un bureau des pleurs. Mais plus elle écoute, plus l’on revient se plaindre… et plus elle écoute. Elle peine à sortir de ce rôle. Comment abandonner des collaborat­eurs en souffrance#? Quant à Alban, il continuera­it bien à échanger en direct avec son ancienne équipe. C’est son N-1, Félix, chef de pôle, qui râle et voudrait qu’il perde cette manie.

Alors comment repérer quand nous basculons de la vertueuse habitude qui structure les échanges

à la routine qui les limite#? Premier indice, le rôle attribué par défaut. « C’est toujours moi / lui / elle qui… » Deuxième indice, ce rôle ou la répétition génère de la frustratio­n, de l’agacement. Troisième indice, une habitude a perdu son utilité ou son sens. La seule justificat­ion devient : « On a toujours fait comme ça. » Quatrième indice, le traintrain ou les fourmis, un besoin de changer quelque chose. Ces signes nous invitent à questionne­r nos habitudes. Nous pouvons alors repérer ce qui les entretient. En effet, elles sont souvent alimentées à plusieurs. Un peu comme des joueurs qui se renvoient la balle. Concrèteme­nt, comment changer de jeu ? On peut introduire une différence dans un geste quotidien. Faire sa réunion à l’extérieur ou sans chaise. Proposer à chacun d’écouter entièremen­t l’autre avant de répondre. Changer de position ou de place pour un regard neuf. Seconde option, s’inspirer du carnaval. Une fête qui représente depuis l’Antiquité une parenthèse créatrice#: les rôles s’inversent, les règles sociales n’ont plus cours. Expériment­er sur une journée un changement­netdansdes­habitudesa­ncrées#:« Aujourd’hui ce n’est pas moi qui vais animer le codir, vous allez vous répartir ce rôle. » Quelle première habitude collective auriez-vous envie de chahuter ainsi#? Bien sûr, mieux vaut annoncer l’innovation temporaire et sa finalité. Et s’assurer de la mettre en oeuvre sans risque. Comme quand on conduit un véhicule, débrayer de l’automatiqu­e consomme de l’énergie. Mais cela réveille notre attention et nos capacités créatives. De nouvelles connexions se créent – cérébrales et humaines#! Reste à trouver le bon équilibre pour tirer tout le bénéfice des automatism­es… et prendre l’habitude de questionne­r les routines de temps en temps.

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