La région fait le plein d’investissements
DÉVELOPPEMENT Les acteurs néo-aquitains, privés comme publics, investissent massivement dans le renouvellement ou la création d’infrastructures touristiques, culturelles et de divertissement, en particulier à Bordeaux Métropole. Au risque d’une saturation
Lancer une mystérieuse « attraction de rupture » en 2020 : c’est l’objectif du Futuroscope, à Poitiers (Vienne), qui investit entre 13 et 15 millions d’euros par an dans l’amélioration de son offre. Pour y arriver, le parc d’attractions (1,85 million d’entrées, 102 millions d’euros de chiffre d’affaires
en 2018) veut encore muscler son jeu : « Pour densifier nos capacités d’accueil, proposer des attractions phares et toujours à la pointe et limiter le temps d’attente des visiteurs, nos prochains investissements devraient tourner autour de
20 millions d’euros », assure ainsi Rodolphe Bouin, le président du directoire. Bénéficiant désormais indirectement de la LGV Tours-Bordeaux, le parc Walibi Sud-Ouest, près d’Agen (Lot-et-Garonne) a, lui aussi, renforcé son offre avec l’ouverture l’été dernier de son parc aquatique Aqualand tout neuf pour 17 millions d’euros et, cet été, d’une tour de 50 mètres de haut pour près de 1,5 million d’euros. Les deux parcs ont attiré 350#000 visiteurs l’an dernier, pour 8 millions d’euros de chiffre d’affaires. Toujours en Lot-et-Garonne, c’est une toute nouvelle infrastructure qui sortira de terre au printemps 2021 avec la création du Center Parcs des Landes de Gascogne par le groupe Pierre & Vacances, avec le concours des collectivités locales. 400 cottages et un parc aquatique s’étaleront sur 90 hectares pour un investissement total de 188 millions d’euros, dont 37,50 millions d’euros de fonds publics, et 300 emplois directs à la clef. Objectif : attirer 330#000 visiteurs par an. Sur la côte, en Charente-Maritime, le village des Boucholeurs, ravagé par la tempête Xynthia en 2010, a fait peau neuve après des années de travaux et près de 14 million d’euros de travaux de protection frontale, d’ouvrage hydraulique et de réhabilitation. À Limoges, la mairie vient de lancer une étude pour déménager l’aquarium dans des locaux plus vastes et en faire « un nouvel équipement de découvertes aquatiques à dimension régionale, voire nationale » parce que le site actuel de 800 mètres carrés affiche complet et refuse des visiteurs. D’autres projets fleurissent encore du côté de l’Arsenal des mers, à Rochefort (Charente-Maritime), du lac de Vassivière (Creuse-Haute-Vienne) ou encore de vastes complexes de vagues artificielles pour surfer toute l’année à Castets (Landes) en 2020 et à Lacanau (Gironde) en 2021.
HUIT PROJETS À BORDEAUX
Mais c’est bien Bordeaux Métropole qui affiche une concentration inédite de nouveaux projets touristiques et culturels. Après la Cité du vin en 2016, le Muséum d’histoire naturelle a rouvert ses portes au printemps 2019 après dix ans d’absence, devançant le Musée Mer Marine et la Méca (Maison de l’économie créative et de la culture de Nouvelle-Aquitaine), tous deux inaugurés en juin. Suivront les Bassins des Lumières, à la Base sous-marine, au printemps 2020, puis le projet Tarmaq et son parc à thème autour de l’aéronautique, à Mérignac, pas avant 2022. Date à laquelle, l’aquarium de 6#000 mètres carrés porté par Norbert Fradin sur la rive droite de Bordeaux, au sein de l’opération foncière Euratlantique, devrait aussi avoir vu le jour… en face du projet de musée top secret prévu par l’Établissement public d’aménagement, rive gauche, dans les murs de la halle Gattebourse. Malgré une progression de 5 % sur un an, à 6,1 millions de nuitées, les touristes de passage à Bordeaux Métropole seront-ils suffisamment nombreux pour permettre à ce fourmillement d’infrastructures d’atteindre l’équilibre économique#? D’autant que le modèle du « city break » , week-end de deux à cinq jours dans une grande ville en plein expansion, ne permet pas à un visi
teur d’aller partout, en particulier en cas de détour par Saint-Émilion ou la dune du Pilat#! « À Bordeaux, il y a beaucoup de projets dans les tuyaux mais la ville draine un fort tourisme urbain tout au long de l’année » , relativise Sandrine Derville, la vice-présidente du conseil
régional chargée du tourisme. « Les études économiques demandées aux porteurs de projets que nous accompagnons à Bordeaux ou ailleurs ne mentionnent pas d’alertes sur le modèle économique » , rassure-t-elle. Le promoteur bordelais Norbert Fradin, qui porte à la fois le Musée Mer
Marine et le futur aquarium, se montre même
enthousiaste : « Il est important que Bordeaux puisse proposer une offre culturelle suffisamment dense et variée pour être attractive face à la concurrence des autres villes européennes. Cette multiplication des projets créera une énergie et un appel d’air susceptibles de convaincre les touristes de venir. » Le mécène, qui gère plusieurs châteaux en Charente, souligne également que
« l’intérêt des touristes et des habitants pour le patrimoine historique, quel qu’il soit, ne se dément pas parce que l’immersion passe aussi par la réalité des choses »
UN RISQUE D’EMBALLEMENT
Attention néanmoins au risque de coquille vide et de naufrage financier, à l’instar de la Cité de l’Océan, à Biarritz (Pyrénées Atlantiques), qui a rencontré une exploitation lourdement déficitaire de 2011 à 2015, avec 1,76 million d’euros de pertes cumulées. Si l’activité de l’aquarium semble en passe d’équilibrer celle du musée, la facture pour les contribuables biarrots s’élève à 39 millions d’euros, selon la chambre régionale des comptes. Le risque d’emballement touristique reste donc bien réel. « En ce qui concerne les parcs d’attractions, la demande du public français est en forte croissance et je crois qu’il y a de la place pour tout le monde, à condition d’être vigilant à la différenciation de l’offre proposée et à l’expérience de chaque visiteur » , complète Benoît Baylocq, le directeur marketing du parc Walibi. « Il y a une complémentarité entre ces propositions, notre parc dans la Vienne est à une heure du Futuroscope et cela fonctionne très bien. D’autant que la capacité d’attraction touristique et démographique de la Nouvelle-Aquitaine n’est plus à démontrer » , vante-t-on également chez Center Parcs Pierre & Vacances.