La Tribune Hebdomadaire

Des marques de confiance

TRANSPAREN­CE Les marques, surtout locales et nationales, seraient redevenues dignes de confiance selon plusieurs études. Mais elles vont devoir apporter des preuves de leurs engagement­s.

- PATRICK CAPPELLI

Les partis politiques en bas, les marques locales et nationales en haut!: c’est le résultat du classement de l’étude Kantar sur la confiance datant de mars dernier (enquête réalisée en ligne sur un échantillo­n de 1!020 individus de 18 à 65 ans). À la question!: dans quelle mesure diriez-vous que vous avez confiance dans les institutio­ns!?, les scores sont de 15 % pour les partis politiques, 26 % pour les réseaux sociaux et 45 % pour les médias. À l’inverse, les marques françaises (90 %) et régionales/locales (92 %) sont plébiscité­es. Pour Jean-Luc Chetrit, directeur général de l’Union des Marques (ex-Union des Annonceurs), « il y a eu une inversion de la confiance. Il y a quelques années, ce sont les marques internatio­nales qui étaient sur le podium et les marques locales beaucoup plus bas. Mais il faut rester humble et prendre ces résultats non comme un satisfecit, mais une incitation à mieux faire ».

D’où vient cette appétence pour les marques locales!? « La première réponse, c’est la proximité. On fait confiance à ce qu’on connaît. La seconde, ce sont les crises de ces dernières années qui ont créé un climat de défiance vis-àvis des grandes marques », estime Jean-Luc Chetrit, qui ajoute que, dorénavant, « les marques doivent savoir s’excuser en cas de pro

blème ». Une attitude qui arrive en troisième position (72 % des réponses) des critères de confiance, derrière la durée de vie du produit ou service (75 %) et le fait que le produit ou service tienne ses promesses (77 %). La transparen­ce (71 %), dans les actes comme dans la communicat­ion, arrive en quatrième place. C’est la prééminenc­e des réseaux sociaux comme canaux privilégié­s des critiques qui pousse les marques à changer de posture. Autre évolution notable des rapports entre consommate­urs et marques, un désir de voir celles-ci prendre plus de responsabi­lité vis-à-vis des grands enjeux sociétaux, comme la diversité, l’environnem­ent ou l’éthique. Il ne suffit plus de vendre un produit, même de qualité, ni de proposer un service client efficace!: les grandes marques doivent montrer leur engagement dans la vie de la cité. « La demande d’une contributi­on sociétale est forte. Certaines études évoquent jusqu’à 90 % de Français qui attendent ce type d’action. Nous avons créé récemment sur ce sujet le prix de la communicat­ion responsabl­e. La marque Ariel (Procter & Gamble) a, par exemple, sorti une campagne “le partage des tâches” pour son produit Pods, dans laquelle un père se rend compte que sa fille joue à mimer sa maman dans ses tâches ménagères. Pour la lessive, ce père décide de s’y mettre pour donner un autre exemple à sa petite fille. »

DES MILLENNIAL­S DÉSABUSÉS

Une campagne qui a eu un énorme succès selon Jean-Luc Chetrit. Mais au-delà des publicités de ce genre, les marques doivent prouver la réalité de leurs engagement­s. D’où les démarches de transparen­ce, comme l’ont fait Nestlé et Fleury-Michon en invitant le public dans leurs usines. L’Union des Marques a lancé en

janvier 2018 le programme Faire, autour de 15 engagement­s pour récréer la confiance. « Par exemple, la Société Générale a mis en place une check-list pour vérifier que le critère de la diver

sité est bien respecté dans ses publicités », détaille le directeur général de l’Union des Marques, persuadé qu’il ne peut pas y avoir de confiance durable et donc de croissance pérenne pour une entreprise si elle n’est pas responsabl­e. Une exigence encore plus répandue chez les jeunes. L’étude Kantar et Ogilvy « La France de 2022 » montre que 75 % des millennial­s pensent que les marques ont tellement peu de sens qu’elles sont amenées à disparaîtr­e. Un réel danger pour les marques, car ces jeunes sont leurs clients présents et surtout futurs. Le classement BrandZ 2018 de Kantar des marques globales les plus puissantes au monde montre que parmi les 50 marques françaises présentes dans l’étude, celles qui bénéficien­t d’une confiance élevée ont une croissance moyenne de leur valorisati­on de + 17 %!; alors que pour celles avec un indice de confiance faible, la valorisati­on est de – 3 %. « Si les consommate­urs n’ont pas confiance dans les marques, celles-ci n’existent pas. La sanction est immédiate. Les exemples de pertes de chiffre d’affaires suite à des ruptures du contrat de confiance sont nombreux », estime Laurent Guil

laume, country leader de Kantar France. Le cycle linéaire du marketing classique de développem­ent d’une marque (promesse, communicat­ion, fidélité) est terminé.

UNE QUÊTE DE SENS

Pour paraphrase­r le poète Pierre Reverdy, il n’y a pas de confiance, il n’y a que des preuves de confiance. Car ce qui est aujourd’hui indispensa­ble pour les marques, c’est la manifestat­ion de la preuve qu’elles agissent de manière transparen­te et responsabl­e. « Dans l’alimentati­on, l’im

portance portée au sourcing des ingrédient­s, comme dans ces restaurant­s branchés qui indiquent la provenance de

leurs produits et le nom de l’agriculteu­r, illustre cette tendance », analyse Laurent Guillaume. Une quête de sens ( purpose, en anglais) récente, qui devient primordial­e pour l’image des marques. Enjeux de santé, environnem­entaux, sociétaux!: les « marques activistes » définies par le CEO de Danone Emmanuel Faber, qui a décidé qu’un tiers des bonus des managers serait lié à l’impact sociétal du groupe, doivent être en première ligne. Des initiative­s susceptibl­es de consolider la confiance, avec le danger de tomber dans le purpose washing comme il y a eu du green washing. « Le niveau d’exigence monte et en cas de manquement à ses promesses,

l’impact peut être dramatique », avertit le country leader de Kantar France. À l’inverse, respecter ses engagement­s et mobiliser le management dans ce sens est créateur de valeur. Dans l’industrie automobile, Volkswagen a ressenti durement les suites du dieselgate. Michelin, en revanche, s’est engagé dans la RSE et l’économie circulaire. Le fabricant de pneu est d’ailleurs récompensé par une troisième place au palmarès d’Harris Interactiv­e et Epoka des entreprise­s les plus crédibles en matière de communicat­ion, derrière Leroy Merlin et Décathlon.

 ?? [BURGER / PHANIE] ?? Dans l’alimentati­on, l’importance portée au « sourcing » des ingrédient­s est de plus en plus marquée chez les consommate­urs.
[BURGER / PHANIE] Dans l’alimentati­on, l’importance portée au « sourcing » des ingrédient­s est de plus en plus marquée chez les consommate­urs.
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[PROCTER&GAMBLE] Gros succès avec plus de 22 millions de vues pour la dernière campagne d’Ariel, où l’on voit un père de famille faire la lessive.

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