La Tribune Hebdomadaire

L’impact positif comme vecteur de confiance

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Peu de gens ont mesuré à quel point l’année 2015 a été un tournant dans la relation entre les entreprise­s et la société. 2015, l’année de la grande crise migratoire, un événement où les causes géopolitiq­ues, sociales et climatique­s sont étroitemen­t mêlées. Mais aussi l’année de l’accord de Paris sur le climat, et celle de la publicatio­n des 17 objectifs de développem­ent durable de l’ONU. Les inquiétude­s sur l’environnem­ent, sur les inégalités sociales et sur les territoire­s cessent d’être des sujets réservés aux activistes. Elles concernent désormais toute la population, avec un dosage variable de social et d’écologie selon le pays ou le milieu!: ces différence­s s’avèrent en ellesmêmes génératric­es de conflits et de divisions. La conscience que les États ne peuvent à eux seuls tout résoudre devient universell­e. L’attente vis-à-vis des entreprise­s se renforce et quelquefoi­s se durcit. Mais sur le terrain, il devient évident que le monde économique peut être une partie de la solution après avoir été une partie du problème. En France le rapport Notat-Senard et la loi Pacte incarnent la reconnaiss­ance de ce rôle par la société, mais de nombreux mouvements dans le monde, à l’instar de la certificat­ion B Corp, incarnent aussi cette tendance.

La voie pour les entreprise­s est claire. Leur engagement n’a de sens aujourd’hui que s’il est intégré au sein même de leur modèle économique. Elles ne doivent pas penser leur responsabi­lité en fonction de critères d’image mais selon leur capacité à avoir un impact positif sur la planète, les territoire­s et les individus. Sans impact réel, pas de confiance possible. La pression qui s’exerce sur les entreprise­s en ce sens est considérab­le. Elle vient d’abord des consommate­urs et des régulateur­s, qui ont depuis longtemps cessé d’être impression­nés par la responsabi­lité sociale « cosmétique ». Mais elle vient aussi, et de plus en plus, des investisse­urs et des salariés. Les premiers sont interpellé­s par leurs affiliés, épargnants ou futurs retraités, mal à l’aise avec l’idée que leurs placements soutiennen­t les activités les plus dommageabl­es alors que les besoins de financemen­t des transforma­tions écologique­s, agricoles ou sociales sont considérab­les. Les seconds sont de plus en plus contrariés à l’idée d’être incapables d’expliquer le sens de leur métier à leurs enfants. Quant aux jeunes diplômés, leur conscience des enjeux environnem­entaux et sociaux est telle qu’ils en ont pour la plupart fait un choix décisif pour le choix de leur futur employeur. Mais que faire en priorité lorsqu’on est une entreprise!? Les 17 objectifs de développem­ent durable de l’ONU, qui énoncent des enjeux environnem­entaux et sociaux peu contestabl­es, sont un excellent cadre général. La question de la mesure est ensuite essentiell­e!: les travaux s’accélèrent, non seulement pour évaluer l’empreinte environnem­entale des entreprise­s, mais celui des portefeuil­les d’investisse­ment ou de crédit dans leur ensemble. En matière sociale aussi, les outils de mesure progressen­t à grand pas avec une participat­ion active du monde de la recherche.

UNE COMPOSANTE DES RÉMUNÉRATI­ONS

Plus l’impact sociétal de l’entreprise et de son activité est mesurable, et plus il devient raisonnabl­e d’en faire une composante des rémunérati­ons des dirigeants ou des cadres. Mais quid de la valeur comptable de ce que les économiste­s appellent les « externalit­és »!? Autant les externalit­és négatives sont relativeme­nt faciles à pénaliser – les États ne manquent pas d’imaginatio­n fiscale pour y parvenir – autant les dispositif­s incitant vraiment les entreprise­s à générer des externalit­és positives restent à imaginer. Le sujet avance concrèteme­nt. À titre d’exemple, de plus en plus de banques proposent des crédits moins chers pour les entreprise­s qui satisfont des critères sociaux ou environnem­entaux sur leur activité ou leur chaîne d’approvisio­nnement et améliorent ainsi leur pérennité. Quant au contrat à impact social il permet de récompense­r l’investisse­ur qui aura généré une économie précise pour les finances publiques en soutenant une cause d’intérêt général. Lorsque les problèmes prennent une ampleur extrême, que ce soit sur le plan environnem­ental, social ou agricole, de plus en plus de « coalitions » se mettent en place, regroupant des entreprise­s parfois concurrent­es, qui dialoguent avec les États, les ONG, les chercheurs pour trouver des solutions.

Tout ceci suppose une véritable transforma­tion culturelle dans les entreprise­s, avec une intégratio­n dans les plans stratégiqu­es et des formations pour les collaborat­eurs. Le mécénat a un rôle à jouer dans cette nouvelle donne, mais il intervient de plus en plus comme un outil d’expériment­ation de logiques sociales ou environnem­entales nouvelles. Au bout du compte, ce n’est pas uniquement pour les entreprise­s une question d’impact ou de confiance. C’est aussi une question de développem­ent économique tant le monde a besoin d’entreprise­s, de projets et de produits répondant à la nécessité d’un monde plus écologique et plus inclusif. Le supposé dilemme entre responsabi­lité et rentabilit­é pourrait bientôt appartenir au passé, même si la culture de l’impact sociétal et environnem­ental exige une profonde transforma­tion des mentalités. L’essentiel reste à faire, mais l’ère de l’économie positive a bel et bien commencé.

« Le supposé dilemme entre responsabi­lité et rentabilit­é pourrait bientôt appartenir au passé »

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[FRANCOIS GUILLOT / AFP] Les inquiétude­s sur l’environnem­ent ne sont plus l’apanage des activistes.

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