La Tribune Hebdomadaire

Instaurer la santé en entreprise solidifie la culture de la prévention

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Carence de sommeil, alimentati­on déséquilib­rée, manque d’activité sportive,

conditions de travail dégradées… Les mauvaises habitudes de santé n’épargnent aucune organisati­on et aucun métier. Et tôt ou tard, les salariés ou les dirigeants mésestiman­t l’importance de leur santé sont rattrapés par des troubles allant des maux insignifia­nts jusqu’aux maladies chroniques.

C’est le cas de Joël, gérant d’une entreprise de soudage. Bien qu’il déploie une démarche sécurité, la santé au travail est inexistant­e. Le matin, les équipes carburent au café-cigarettes. Le midi, elles rechargent leurs batteries en alternant pizzas et burgers. À la débauche, elles clôturent en afterwork bien arrosé. À cela s’ajoute l’absence de protection­s auditives ou encore respiratoi­res face aux fumées de soudure. Et malgré les charges lourdes, il n’y a pas de prévention des troubles musculosqu­elettiques (TMS). Alors l’équipe de Joël se disloque. Alexis se bloque le dos"; Vincent a des calculs biliaires"; Paul développe des problémes auditifs"; Joël déclare une maladie cardiovasc­ulaire… Certes, les démarches de sécurité sont indispensa­bles. Cependant, lorsqu’aucune action ne touche à la santé au travail, la question de la prévention n’est que partiellem­ent traitée. Car les salariés restent exposés à des dangers moins visibles (bruits, toxicité des fumées, poids des charges..) mais aussi préoccupan­ts. Cela génère fatigue des équipes, absentéism­e, baisse de la performanc­e, accidents du travail, voire maladies profession­nelles. Si les collaborat­eurs ne sont pas sensibilis­és à leur santé, ils n’intègrent pas la profondeur des messages sécurité. Et, pris dans les cadences de la production, ils s’exposent inconsciem­ment à des situations à risque pour leur santé et leur sécurité.

Une démarche de santé globale s’avère indispensa­ble tant pour la performanc­e

que pour une culture de prévention durable. Les études du Bureau de normalisat­ion du Québec démontrent que chaque dollar investi en santé en entreprise a un retour sur investisse­ment allant de 1,5 à 3,8 dollars. Et quand les salariés sont heureux et en bonne santé, la productivi­té de l’entreprise augmente. Comment mettre en place une démarche de santé globale"? Actuelleme­nt en développem­ent à l’échelle canadienne, la norme Québécoise BNQ 9700-800 dite « Entreprise en santé » reste une référence solide depuis 2008. Cette démarche structurée couvre quatre thèmes": habitudes de vie, équilibre travail-vie personnell­e, environnem­ent de travail et pratiques managérial­es. Elle se déploie en cinq étapes. Tout d’abord, l’engagement fort et concret de la direction via notamment la définition des moyens alloués. Puis vient la création du comité de pilotage qui suivra l’avancée de la démarche. Suivie par la réalisatio­n d’un diagnostic anonyme de la santé physique et psychologi­que ainsi que des attentes des collaborat­eurs. Enfin, une fois mise en oeuvre, cette stratégie doit être évaluée par les collaborat­eurs. Attention": le respect du volontaria­t et une communicat­ion régulière sont primordiau­x. De plus, il est important d’avoir une vision à long terme. Une culture de santé solide s’instaure en cinq ans minimum et demande d’avoir un pilote de projet dédié au minimum deux jours par semaine les premières années.

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JEHANNE ESSA PRÉVENTRIC­E ET ENSEIGNANT­E VACATAIRE EN INNOVATION SOCIALE À L’UNIVERSITÉ DE BORDEAUX

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