La Tribune Hebdomadaire

Quand le Nice Jazz Festival participe à la conquête de l’espace urbain

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NICE Née il y a plus de soixante-dix ans, la manifestat­ion est devenue, depuis la reprise en régie par la ville, l’un des rendez-vous estivaux les plus en vus de la Côte d’Azur. S’y côtoient des styles de musique variés, au coeur de ville. LAURENCE BOTTERO

Qui sait vraiment que le tout premier festival de jazz ne s’est pas tenu à La Nouvelle Orléans ni même aux ÉtatsUnis mais à… Nice. C’était en 1948 et les vedettes n’étaient autres que Louis Armstrong, accompagné de son groupe, The All Stars, et Django Reinhardt – excusez du peu. Et c’est au coeur de la ville, sur la scène de l’opéra, que le tout premier événement consacré au jazz a fait entendre ses premières notes. Certes, il s’est passé du temps avant que se tienne la seconde édition. En 1971, le festival retrouve les quartiers du centre-ville en s’installant au Théâtre de Verdure et dans le Jardin-Albert Ier, face à la mer Méditerran­ée. L’affiche est tout aussi séduisante que vingttrois ans plus tôt, puisqu’elle annonce Ella Fitzgerald, Stéphane Grappelli, Dizzy Gillespie, T-Bone Walker… Pourtant, deux ans plus tard et rebaptisé Grande Parade de Jazz, l’événement prend de la hauteur, au propre, en investissa­nt les arènes de Cimiez, en dehors du coeur de la ville. C’est là que, pendant dixneuf ans, les vestiges romains vont vibrer aux sons des orchestres et des musiciens. Couru, l’événement change de nouveau de nom en 1994, pour devenir Nice Jazz Festival. Un premier pivot, dirait-on si on parlait de startups, puisque l’événement s’ouvre alors à des courants musicaux divers. Mais le grand virage a lieu en 2011, lorsque Christian Estrosi, maire de la ville, décide de reprendre les rênes en optant pour la régie directe. Et de rendre à la manifestat­ion son cadre d’origine, c’est-à-dire celui du jardin Albert Ier et du Théâtre de Verdure. Un retour aux sources qui n’est pas anodin. Car, à partir de là, le festival prend de l’envergure. La fréquentat­ion atteint 38#000 personnes en 2013. Mais surtout, Nice Jazz Festival va participer à la reconquête de l’espace. En investissa­nt la promenade du Paillon, cette coulée verte voulue par Christian Estrosi en remplaceme­nt des verrues urbaines que constituai­ent la gare routière et le parc auto attenant, Nice Jazz Festival a contribué à ce que le paysage urbain soit réoccupé par les Niçois. La programmat­ion joue évidemment un rôle. Le choix de Jamie Cullum comme parrain de l’édition 2015, où se sont aussi retrouvés The Roots, Kool and the Gang ou Cerrone, a fait grimper en flèche le nombre de spectateur­s, qui atteint 60#000 personnes. Annulé en 2016 après l’attentat, le 14 juillet, sur la promenade des Anglais, le « festival de jazz », comme l’appellent toujours les autochtone­s, souffle ses soixante-dix bougies en 2018, et 40#000 personnes répondent présentes pour fêter cet anniversai­re.

À Nice, en ce début juillet, on est forcément dans les starting-blocks pour la 71e édition, qui s’annonce toujours éclectique, afin d’attirer tous les publics. De Black Eyes Peas à Bigflo & Oli, peu importe le grand écart : ce qui compte, c’est d’être attractif. Et la recette fonctionne clairement. Nice Jazz Festival, c’est 215 concerts entre 2011 et 2018, donnés par 2#400 artistes. Quarante corps de métier mobilisés pour 17#550 heures de montage. Parce qu’on est à Nice et que Nice est une smart city qui s’assume, un programme local de prévention des déchets a été mis en place par la Métropole Nice Côte d’Azur. Il intègre la distributi­on de cendriers de poche et de gobelets réutilisab­les faisant l’objet d’une caution d’un euro. Lequel, du coup, devient un objet souvenir pour qui souhaite le conserver, tout en permettant de réduire les déchets au sol. Bref, un tout qui a permis de renouer avec les racines, d’animer le coeur de ville historique et de reconquéri­r l’espace en lui donnant un côté plein air. La musique ne fait pas qu’adoucir les moeurs.

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[CLÉMENT MATHIEU] 40!000 spectateur­s étaient au rendez-vous pour souffler les 70 bougies du festival en 2018.

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