La Tribune Hebdomadaire

Multi-compétence

Recherchée donc chère, la multi-compétence n’est accessible qu’aux grandes entreprise­s. Sauf si celui qui en est pourvu monte sa PME ou si le salarié l’acquiert en formation continue, voire avec des Mooc.

- ERICK HAEHNSEN

Une école d’ingénieurs ou un master 2 en sciences, voire en droit, un autre master en management, une école de commerce ou un MBA. Épicez le tout de solides compétence­s linguistiq­ues. Secouez, votre multi-compétence deviendra le Graal des profils à haut potentiel. Pour certains, la multi-compétence relève surtout de la volonté de s’adapter aux missions et tâches les plus diverses de l’entreprise. Pour d’autres, c’est avant tout l e moy e n le plus sûr d’être « bankable », de bétonner son employabil­ité.

« Le salarié gagne d’emblée un à trois ans d’avancement, explique Grégory Bodin, directeur associé au cabinet de recrutemen­t Aquantis Consulting. Il se protège également de l’instabilit­é du marché de l’emploi tout en faisant plus facilement son trou dans une entreprise. » Ainsi sont très recherchés les profils de directeur financiers, sortis d’une une grande école de commerce et ayant obtenu un diplôme d’expertise comptable ainsi que certificat­ions techniques sur des outils informatiq­ues (SAP, Oracle…). Sans oublier la maîtrise au moins de l’anglais. Également fort prisés, les profils de master en marketing d’écoles de commerce de rang A, complément­é d’un master « vertical », par exemple en transport et logistique. Également appréciés, les DRH provenant d’une école de commerce avec spécialité RH, agrémenté d’un master en conseil social (intéressem­ent-participat­ion, accords collectifs, transition CSE...). « Outre le niveau académique, on demande aux candidats d’être alertes, agiles et dotés d’une réelle hauteur de vue », reprend Grégory Bodin.

DIGITAL : DES RÔLES-CLÉS

On l’aura compris, la multi-compétence est solidement certifiée par des diplômes. Elle est mesurable. Une exigence incontourn­able pour certains postes. « Dans les ETI internatio­nales ou les multinatio­nales à forte dominante technique (énergie, cosmétique, finance…), on cherche par exemple des ingénieurs-MBA pour les

services achats, ventes ou marketing », constate Sébastien Brun, consultant en recrutemen­t, membre du réseau SQVT Nouvelle-Aquitaine. De même, certaines évolutions stratégiqu­es, en particulie­r la transition écologique et énergétiqu­e ou la transforma­tion digitale, imposent la multi-compétence à des rôles clé. Par exemple, en transforma­tion digitale, le Règlement européen pour la protection des données personnell­es (RGPD) réclame dans certaines organisati­ons de mettre en place un poste de responsabl­e de la protection des données ou DPO (Data Protection

Officer). « J’ai un master de droit avec une spécialisa­tion en droit du numérique ainsi qu’un master d’une école de commerce », explique Mathilde Ferriol, DPO de Vectaury, une startup spécialisé­e dans la génération de trafic en points de vente et l’analyse d’audience. Une nécessité pour être à même de gérer les contrats passés avec des fournisseu­rs comme les éditeurs d’applicat i o n s mobi l e s o u les régies publicitai­res.

Dans cet esprit, on s’arrache également les profils de juriste et d’analyste data. « En effet, l’intelligen­ce artificiel­le et la data sont en train de changer en profondeur les processus métier et les schémas organisati­onnels des entreprise­s », renchérit Aurélien Ferracci, responsabl­e recrutemen­t et marque employeur à l’After Work RH (AWRH).

« La multi-compétence reste chère. Seuls les grands groupes ou les grandes ETI peuvent se les offrir, reconnaît Sébastien Brun. Autrement, on la trouve chez les entreprene­urs qui montent leur entreprise, notamment pour fournir celle dont ils proviennen­t. » Reste que la multi-compétence n’est pas l’apanage que des étudiants fortunés capables de financer deux masters consécutif­s. « Elle s’acquiert aussi avec la formation continue et les Mooc [“Massive Open On-line Courses” pour “cours en ligne ouverts et massifs”, ndlr], notamment avec le site OpenClassr­ooms, poursuit Aurélien Ferracci. Ces certificat­ions sont reconnues et appréciées car elles témoignent de la capacité du salarié à évoluer. » Sans prendre la grosse tête.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France