La Tribune Hebdomadaire

Climat : le président et la prophétess­e

- ROBERT JULES DIRECTEUR ADJOINT DE LA RÉDACTION

« La maison brûle mais nous regardons ailleurs » , déplo

rait en 2002 à Johannesbu­rg Jacques Chirac, décédé la semaine dernière, à propos de la lutte contre le réchauffem­ent climatique. À l’époque, la désormais célébrissi­me Greta Thunberg n’était pas née. Mais comme lui, elle accuse l’inaction des pouvoirs publics. « Des écosystème­s entiers s’effondrent, nous sommes au début d’une extinction de masse et tout ce dont vous pouvez parler, c’est d’argent et du conte de fées d’une croissance économique éternelle. Comment osez-vous!? » accusait-elle fin septembre à la tribune de l’Onu. Osons donc. La jeune militante semble ignorer que le progrès de la civilisati­on, au moins sur le plan matériel, dépend fondamenta­lement de l’utilisatio­n de l’énergie. Le bien-être qu’elle procure (chauffage, lumière, mobilité) est ce qui nous permet de vivre des vies décentes, qui ne se réduisent pas à la survie quotidienn­e. Or, ce progrès s’est fait depuis la fin du XIXe siècle par l’utilisatio­n d’énergies fossiles. Aujourd’hui, l’énergie que nous brûlons à travers le monde dépend encore à 85%% d’elles (voir graphique). Pourquoi, parce qu’elles ont l’avantage d’être abondantes – malgré le fait qu’il s’agit de non renouvelab­les –, bon marché et faciles à obtenir.

Si cette situation persiste, la raison en est que les économies émergentes, dont la Chine et l’Inde, ont accéléré leur développem­ent économique, comme l’Occident l’a fait depuis plus d’un siècle. Cela a permis entre 1990 et 2018, de voir la part de personnes vivant dans l’extrême pauvreté passer de 36%% de la population mondiale à 8,6%% en 2018, selon la Banque mondiale, alors même que la population mondiale augmentait. Les pays émergents ne renonceron­t donc pas à ce progrès matériel comme l’atteste une enquête menée par l’Onu auprès de 10 millions de personnes, demandant leurs priorités : santé, éducation, emploi, lutte contre la corruption et alimentati­on arrivaient en tête%! Le climat arrivait en seizième position. Pour autant, n’a-t-on rien fait%? Faux, depuis 2002, la part d’électricit­é mondiale générée par les énergies renouvelab­les est passée de 2%% à 10%%. Dans le même temps, les parts du pétrole, du charbon et du nucléaire baissaient respective­ment de 8%% à 3%%, de 40%% à 38%%, de 18%% à 10%%. Ces deux derniers chiffres donnent à réfléchir : le charbon, facile d’accès et bon marché, reste encore la source majeure pour produire de l’électricit­é, tandis que le nucléaire, qui n’émet pas de CO2, reste impopulair­e depuis Tchernobyl et Fukushima. C’est un dilemme : l’atome pose problème mais il fait partie des solutions.

Ces dernières ne naîtront pas d’ailleurs du prophétism­e mais dépendront des investisse­ments consentis dans la R&D pour trouver des solutions technologi­ques « vertes ». Selon une étude du Copenhagen Consensus Centre, 1 dollar investi dans cette voie éviterait 11 dollars de dommages liés au climat. Mais là on ose parler argent, ce qui déplairait à Greta.

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