La Tribune Hebdomadaire

Les serres de tomates XXL veulent continuer de grossir

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BESSIÈRES

À une trentaine de kilomètres au nord de Toulouse, ces serres hors-sol produisent près de 6!000 tonnes de tomates par an sur 10 hectares. Leur gérant envisage de doubler la surface cultivée d’ici à 2025.

C’est un projet qui a fait couler beaucoup d’encre depuis son lancement. Gilles Briffaud, agriculteu­r à la tête de 360 hectares de plantation­s de fruits et légumes en convention­nel dans le SudOuest, a eu l’idée d’utiliser la chaleur émise par le brûlage des déchets de l’incinérate­ur de Bessières, à 30 kilomètres au nord de Toulouse, pour chauffer des serres hors-sol. Une première unité de trois hectares est construite en 2015. Les plants de tomates sont installés sur de la laine de roche, et une pompe d’irrigation leur fournit une eau où les salariés ont injecté les nutriments nécessaire­s au développem­ent du légume. Le procédé s’attire l’ire des écologiste­s. « On veut nous faire consommer des tomates sans goût et sans saveur dissimulée­s sous de la peinture verte », tempête alors José Bosé. Le député européen va jusqu’à faire des serres de Bessières les cousines végétales de la ferme des 1$000 vaches. Quatre ans plus tard, deux serres supplément­aires portent la surface de production totale à 10 hectares, après 16,5 millions d’euros d’investisse­ments. Gilles Briffaud défend son modèle : « On n’est ni dans l’agricultur­e convention­nelle, ni dans la petite exploitati­on, je fais de l’agricultur­e technologi­que. »

CAPTEURS DE TEMPÉRATUR­E ET ÉCRANS THERMIQUES

Sur son ordinateur, un tableau de bord lui fournit en temps réel des données précises sur les plants de tomates. « Ce matin, la températur­e dans les serres varie entre 18 et 19,6 °C. La températur­e idéale, c’est 23-24 °C. Sur le toit de la serre, nous avons une station météo et, grâce à un contrat avec Météo France, nous recevons des prévisions à 6 et à 12 heures. Nous mesurons tout": la températur­e, la luminosité, l’hygrométri­e, l’humidité, le taux de CO2, etc. », détaille-t-il. Le toit des serres est équipé d’écrans thermiques chargés de garder la chaleur accumulée dans la journée et de la rejeter, si besoin, pendant la nuit. Des écrans d’ombrage sont installés l’été pour limiter les rayonnemen­ts solaires. « Une plante supporte facilement les 40 °C. Ce qui la tue, ce sont les rayonnemen­ts du soleil, les UV. Ce système d’écran d’ombre éclate la lumière et rend possible une tolérance à la chaleur. Quand il fait 40 °C dehors, nous arrivons à maintenir la serre à 32-33 °C. Nous obligeons aussi les plantes à prendre de l’eau pour les faire transpirer et créer du froid », poursuit l’agriculteu­r. Même en hors-sol, les tomates ne sont pas à l’abri des aléas climatique­s. Outre la canicule, la récolte peut être perturbée par le manque de lumière, comme au printemps dernier dans le Sud-Ouest. Mais Gilles Briffaud s’interdit l’usage de lumière artificiel­le, une pratique courante dans les serres hors-sol de Belgique et des PaysBas. « Cela irait contre le cours de l’histoire. Le but n’est pas de produire à tout prix hors saison. Je produis d’avril à décembre. Bien sûr, on s’affranchit du climat extérieur, pour autant je n’ai pas l’impression de faire une tomate artificiel­le », estime le gérant. Si la culture hors-sol l’empêche de revendique­r le label bio, les tomates de Bessières ne sont exposées à aucun pesticide de synthèse : « Nous utilisons uniquement des produits autorisés en culture biologique pour lutter contre le mildiou et la pourriture. Pour tous les parasites, comme le moucheron ou l’araignée, nous introduiso­ns des guêpes, qui sont des prédateurs élevés dans la serre. Des bourdons sont utilisés pour la pollinisat­ion, leur nombre est adapté en fonction du nombre de fleurs visitées. » Ce qui permet à Gilles Briffaud d’afficher sur ses production­s l’indication « produit sans traitement, protection biologique intégrale ». Une fois récoltées, les tomates sont entraînées sur des chariots vers un hall de conditionn­ement réfrigéré, équipé notamment de caméras capables de trier les tomates en 16 gradations de couleur différente­s.

PRODUCTION DE MASSE, RENDEMENT MAXIMAL

« On n’est ni dans l’agricultur­e convention­nelle ni dans la petite exploitati­on, je fais de l’agricultur­e technologi­que » GILLES BRIFFAUD,

EXPLOITANT DES SERRES DE BESSIÈRES

Les serres de Bessières produisent aujourd’hui 6$000 tonnes de tomates par an sur dix hectares. « Cela fait 60 kilogramme­s au mètre carré, alors que vous atteignez 42 kilogramme­s en serre traditionn­elle et à peine 8 kilogramme­s en pleine terre », glisse Gilles Briffaud. Un rendement maximal et une production de masse qui permettent à la marque Ô Toulouse d’être présente dans tous les supermarch­és de la région. « Un petit agriculteu­r ne pourra pas avoir une production suffisante pour être vendu en supermarch­é. Même avec ma production, c’est juste. Nos produits sont vendus à 60 % en Midi-Pyrénées, dont 90 % en grandes et moyennes surfaces. Nous avons des accords auprès d’une centrale Leclerc, Intermarch­é et Casino. Les 10 % restants sont acheminés vers le Marché d’intérêt national (Min) de Toulouse. » Avec des tomates vendues à 1,50 euro le kilo fin août, le fondateur des serres de Bessières ne se dit pas en concurrenc­e avec les tomates hors-sol venues d’autres pays européens et dont les prix sont encore plus bas, mais plutôt avec les serres françaises hors-sol comme Savéol, Océane ou Rougeline. Le dirigeant prévoit un chiffre d’affaires de 6,1 millions d’euros en 2019, pour une activité qui emploie à plein temps 12 salariés et une centaine de saisonnier­s six mois de l’année. L’exploitant projette de doubler la surface cultivée entre 2021 et 2025, en plantant salades, fraises et champignon­s.

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