« Une vision dichotomique de la vérité, pétrie de certitudes, est-elle encore possible dans un monde connecté ? »
Ensuite, soyons honnêtes, dans certains projets de lutte contre cette fameuse infox, il s’agit de défendre notre vision du monde, notre appréciation des faits. Cette vision dichotomique, pétrie de certitudes, estelle encore possible dans un monde connecté, une société de la connaissance et de l’information où la dynamique des réseaux sociaux produit « des essaims informationnels perméables, orientés par nos préférences et affinités » , selon l’historien des cultures visuelles et maître de conférences André Gunthert ? Finalement, nous ne vivons pas une crise de la vérité, nous vivons une crise sur les modalités d’évaluation de la vérité. Avec l’avènement d’un monde en réseau, nous sommes face à une remise en question de la façon dont nous construisons le savoir.
Enfin, il est urgent de comprendre que l’information est contextuellement et socialement construite et qu’il est fondamental d’aider les publics à se représenter d’autres visions du monde. Sans compter que notre rapport à l’information dépend aussi de nos compétences psychosociales, de notre capacité à nous intégrer et à trouver du sens dans le monde qui nous entoure. Concrètement, cela signifie se demander qui parle, qui est l’auteur, quelle est l’intention de son message et comprendre ce que ce message nous fait vivre, voire ressentir… Peut-être devons-nous imaginer que les projets d’éducation à l’information doivent nécessairement développer chez les jeunes – et les moins jeunes, redisons-le – une capacité de projection, d’empathie, pour comprendre d’autres modes de pensée, utiliser d’autres regards. Cela nécessitera évidemment de recontextualiser l’information et de faire le point sur les intentions de ceux qui la produisent. En croisant ces différents points de vue, nous fabriquerons une pensée nuancée, complexe, articulant si cela nous est possible des idées parfois complémentaires et parfois contradictoires. Tout comme le sont évidemment les opinions dans une démocratie.