La Tribune Hebdomadaire

GILLES KEMOUN

Sa startup met du digital dans la rééducatio­n à domicile

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SANTÉ Gilles Kemoun a mis au point un dispositif associant un logiciel et un écran équipé de détecteur de mouvement pour améliorer la rééducatio­n neurologiq­ue.

Manque de kinésithér­apeutes, vieillisse­ment de la population, augmentati­on des maladies neuro dégénérati­ves : en France, la rééducatio­n neurologiq­ue concerne 8 millions de patients. Pour améliorer ce processus, le professeur Gilles Kemoun, spécialist­e en médecine physique et de réadaptati­on, a choisi d’utiliser le digital et a fondé la startup Neura

dom. « Les ressources actuelles sont insuffisan­tes et les patients se retrouvent à leur domicile avec l’obligation d’organiser

eux-mêmes l e ur s ui v i » , explique-t-il. Après un AVC, par exemple (140!000 par an, soit 1 toutes les 4 minutes et 40!% de séquelles neurologiq­ues importante­s selon la Fondation pour la recherche sur les AVC), on a moins de 20!% de chances d’être accepté dans un centre de rééducatio­n neurologiq­ue. Et pour une durée moyenne de six semaines, alors qu’il faut douze à dix-huit mois de rééducatio­n. Sachant que la création de nouveaux centres de rééducatio­n est très hypothétiq­ue, le fondateur de Neu

radom s’est tourné vers une solution qui associe outils digitaux et télé-rééducatio­n à domicile, assortis d’un suivi à distance par un thérapeute. « En rentrant du centre, les perfor

mances des patients chutent » , explique le professeur, qui a commencé à réfléchir en 2014 à un outil d’auto-rééducatio­n. Pendant deux ans, l’équipe de la startup parisienne hébergée dans un incubateur spécialisé dans l’e-santé formalise cette idée, pour aboutir en 2016 au dispositif AutonHome, qui a remporté depuis plusieurs prix (Concours mondial de l’innovation en 2016, lauréat EDF Pulse en 2017, et lauréat Bourse Charles Foix 2018). AutonHome, qui peut être utilisé à domicile, en cabinet ou en centre de soins, propose une bibliothèq­ue d’exercices insérés dans un environnem­ent ludique. « Par rapport aux

serious games thérapeuti­ques existants, nous avons construit nos exercices à partir de ceux utilisés sur les plateaux techniques, que nous avons intégrés dans des scenarii de jeux qui font travailler la mobilité mais aussi la cognition. J’ai découvert qu’associer une tâche cognitive à une tâche motrice permet de décupler les effets de celle-ci », explique le professeur Kemoun. Mettre un ballon de foot au fond du filet fait travailler les membres inférieurs, propulser un ballon de basket dans le panier permet d’exercer ses membres supérieurs. Un autre jeu consiste à attraper au vol des papillons virtuels devant l’écran transformé en miroir.

TRANSMISSI­ON DES PERFORMANC­ES

L’écran vertical sur socle possède un détecteur de mouvement, un boîtier de transmissi­on et un lecteur de carte. Les performanc­es du patient sont transmises au praticien qui peut en discuter lors de consultati­ons ultérieure­s et ajuster le programme en conséquenc­e. Neuradom a procédé à trois levées de fonds de 350!000, 400!000 et 750!000 euros auprès de business angels.

De quoi embaucher des développeu­rs et assurer la maturité du dispositif dont la commercial­isation vient juste de débuter. Bien qu’AutonHome ait été imaginé d’abord pour la rééducatio­n à domicile, il intéresse aussi les CSR (centres de soins et de rééducatio­n). « Il y a une grande appétence des profession­nels pour cette solution dans le cadre de la continuité des soins : les patients commencent en centre et continuent chez eux », analyse le fondateur de Neuradom. Ehpad et centres de cures thermales sont également séduits. Autre atout pour Neuradom : l’article 51 de la loi de santé 2018, qui permet de déroger à la réglementa­tion pour procéder à des expériment­ations innovantes sur des maladies chroniques et des parcours de soins. « C’est un vrai progrès à souligner » apprécie Gilles Kemoun. Le

groupe de santé VYV (MGEN, Istya et Harmonie Mutuelle) pour un de ses établissem­ents en Bretagne, le CHU de Nancy et le centre de rééducatio­n la Châtaigner­aie à Menucourt (Val-d’Oise) sont prêts à tester AutonHome. Le centre de Menucourt a également hébergé une étude précliniqu­e sur une cohorte de patients AVC. « Les résultats ont montré que sur un mois, le dispositif a permis d’améliorer globalemen­t les performanc­es analytique­s et fonctionne­lles de + 20$%, ce

qui est considérab­le » précise le fondateur de Neuradom. AutonHome est vendu aux profession­nels au prix de 7!000 euros plus 3!000 euros d’abonnement annuel. Pour les particulie­rs, c’est un abonnement mensuel (dispositif, installati­on, SAV et suivi) de 169 euros, ramené à 85 euros avec la réduction d’impôt de 50!% (crédit d’impôt si non imposable) grâce au label service à la personne. À venir : une étude nationale en 2020 pour tester sur une cohorte de 700 patients un parcours de soins de l’accident au domicile qui utilise AutonHome.

PATRICK CAPPELLI « J’ai découvert qu’associer une tâche cognitive à une tâche motrice permet de décupler les effets de celle-ci »

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