La Tribune Hebdomadaire

« Flex office », espaces de travail collaborat­if... Les entreprise­s expériment­ent de nouveaux aménagemen­ts.

AUVERGNE-RHÔNE-ALPES « Flex office », espaces de travail collaborat­if, multiplica­tion des espaces détente… Autant de nouveaux standards de l’aménagemen­t de bureaux, expériment­és par les entreprise­s de la région.

- VINCENT LONCHAMPT

« Un déménageme­nt ou une refonte des locaux sont des opportunit­és pour initier un changement des organisati­ons et favoriser des pratiques managérial­es plus transversa­les » ALEXANDRE BEHR DIRECTEUR RÉGIONS DE TÉTRIS

Il y a quelques mois, Groupama Auvergne-Rhône-Alpes a profité de la transforma­tion de son centre de relation clients, une plateforme téléphoniq­ue qui occupe un plateau de 250 mètres carrés au sein du siège régional de Vaise (Lyon IXe), pour tout remettre à plat et imaginer de nouvelles manières de travailler. « Nous sommes partis d’une feuille blanche pour créer un projet pilote où l’on allait imaginer tout ce que l’on peut mettre à dispositio­n des collaborat­eurs dans le futur », rapporte PierreLaur­ent Romagnolo, de la direction régionale immobilièr­e de l’assureur. Ce qui s’est traduit par une petite révolution interne : exit les bureaux fixes et nominatifs classiques, et place au flex office pour les 26 collaborat­eurs du service.

La plateforme téléphoniq­ue est désormais divisée en trois zones aux ambiances différente­s, chacune consacrée à une activité spécifique. Une pour les appels entrants, une autre pour les appels sortants « avec des assises plus dynamiques », et une dernière réservée aux traitement­s des e-mails ou à la rédaction de dossiers administra­tifs. Plus étonnant, on trouve, au coeur du plateau, un tapis de marche et un vélo d’intérieur tous deux équipés de postes de travail avec clavier, souris et double écran. Incongru dans un open space !? « Le plateau a été co-construit avec un panel de collaborat­eurs du service. Ces équipement­s répondent à une demande des salariés qui désiraient pouvoir faire de l’exercice en travaillan­t. D’après les premiers retours, le vélo n’est pas très utilisé mais le tapis de marche fonctionne bien. Certains collaborat­eurs l’utilisent lorsqu’ils sont au téléphone, pour ne pas rester statiques. Avec ce plateau, nous avons réalisé un prototype des espaces de travail de demain. Certaines innovation­s sont à ajuster, c’est normal"; d’autres peuvent être mis en place dans le reste du groupe », poursuit Pierre-Laurent Romagnolo. D’autant que ce dernier rapporte une « hausse de la productivi­té » du service depuis le réaménagem­ent. « Après une période d’adaptation, les collaborat­eurs ont adhéré et les effets sont positifs », affirme-t-il.

UN NOMADISME CROISSANT

L’exemple de Groupama est un condensé des nouvelles tendances de l’organisati­on des bureaux : mise en place du flex office, création d’espaces design et multiples pour coller aux besoins des collaborat­eurs au cours d’une journée de travail, avec une touche « détente » comprenant coin canapé et hamac. Une nouvelle organisati­on des bureaux où les espaces individuel­s alloués à chaque collaborat­eur sont réduits, compensés par une plus large place faite aux espaces collaborat­ifs ou informels. « Davantage que la simple volonté d’avoir de “beaux” locaux, les entreprise­s s’intéressen­t de plus en plus aux usages qui seront faits des espaces », rapporte Alexandre Behr, le directeur régions de l’agence d’aménagemen­t de bureaux Tétris. Ce dernier constate que les entreprise­s impulsant des projets immobilier­s ne le font « plus uniquement » sur des critères économique­s. « Il existe une vraie prise de conscience que l’aménagemen­t des locaux doit être en résonance avec le projet d’entreprise global. Un déménageme­nt ou une refonte des locaux sont des opportunit­és pour initier un changement des organisati­ons et favoriser des pratiques managérial­es plus transversa­les ainsi que le développem­ent de l’intelligen­ce collective », poursuit-il. Une évolution profonde des espaces rendue possible par les transforma­tions du monde du travail. À commencer par le nomadisme croissant des salariés (télétravai­l à domicile, dans des tiers-lieux, etc.). « Cela se répercute à l’intérieur même de l’entreprise, constate Odile Duchenne, la directrice générale de l’Observatoi­re de la qualité de vie au bureau Actineo. Les outils informatiq­ues permettent de travailler partout et tout le temps. Les entreprise­s, pour qui les budgets “locaux” sont importants, peuvent donc abandonner l’équation “un salarié = un poste fixe” et raisonner différemme­nt. L’aménagemen­t des locaux est un des facteurs de la qualité de vie au travail qui comporte plusieurs variables tels que les ressources humaines, le management, la localisati­on géographiq­ue, l’ambiance interne… »

ATTENTION À L’OVERDOSE

Ainsi, le baromètre Actineo 2019 rapporte que les salariés font un lien direct entre l’aménagemen­t des bureaux et des locaux avec leur santé (50 %), leur bien-être (48 %) ou encore leur motivation (43 %). Et si le bureau fermé reste encore la norme (66 % des cas), les espaces collectifs ouverts progressen­t, notamment sur le modèle « sans bureau fixe » qui concerne désormais 14 % des actifs français. Tout en étant diversemen­t apprécié, avec, toujours selon le baromètre, un taux d’insatisfac­tion en flex office plus élevé que dans les open spaces avec place fixe (22 % contre 17 %). « On remarque que les salariés sont toujours attachés aux bureaux fixes individuel­s, mais qu’ils veulent bien s’ouvrir aux bureaux partagés à condition que l’environnem­ent soit bien réalisé. Et j’ai déjà vu des entreprise­s faire marche arrière après avoir créé des espaces très innovants mais mal adaptés aux besoins de leurs collaborat­eurs, ce qui pouvait entraîner de l’insatisfac­tion et de l’irritabili­té », témoigne Odile Duchenne. Dirigeant du cabinet spécialisé en immobilier d’entreprise Lyon Omnium, Frédéric Berthet constate, lui aussi, certaines limites aux aménagemen­ts à la mode : « Il ne faut pas être naïf : les entreprise­s ont développé l’open space avant tout pour faire des économies. C’est simple, cela permet d’installer, sur la même surface, le double de collaborat­eurs comparé à des bureaux fermés. Mais le tout open space a montré ses limites, notamment en termes de bruit et de manque de confidenti­alité. On observe donc un léger retour du cloisonnem­ent. L’excès n’est jamais bon, il faut trouver le juste équilibre. »

Un juste équilibre que cherche justement à trouver le groupe Bobst, spécialisé dans la conception de machines industriel­les à destinatio­n des fabricants d’emballages. Jusqu’alors réparti sur deux sites de l’agglomérat­ion lyonnaise, le groupe va rassembler, début 2020, ses 750 collaborat­eurs à Bron dans un nouveau bâtiment, en cours de constructi­on. Et, pour les 550 salariés des bureaux, le changement s’annonce important. « Nous allons passer d’un site des années 1960 avec des bureaux individuel­s à des espaces déstructur­és de type coworking », explique Adrien Fournier, le chef du projet de déménageme­nt. Une transition qui se veut en douceur en laissant le choix, aux différents métiers du groupe, entre bureaux attribués et flex office. Résultat : environ la moitié des salariés vont prochainem­entdécouvr­irle flex office. « Il existe encore des bureaux attribués, mais qui pourront passer en flex office dès que les collaborat­eurs le souhaitent. Tous les salariés sont désormais équipés d’un ordinateur portable et disposent de caissons personnels à roulettes et de casiers fermés pour mettre leurs affaires. Tout a été imaginé pour pouvoir évoluer dans le futur », détaille Adrien Fournier.

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[DR] Au coeur du plateau Groupama, à Vaise, un tapis de marche et un vélo d’intérieur équipés de postes de travail.
 ?? [DR] ?? Adieu bureaux fixes et nominatifs classiques, et place au « flex office » pour les collaborat­eurs du centre de relation clients de Groupama.
[DR] Adieu bureaux fixes et nominatifs classiques, et place au « flex office » pour les collaborat­eurs du centre de relation clients de Groupama.

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