La Tribune Hebdomadaire

Travailler tue… de moins en moins

- ROBERT JULES DIRECTEUR ADJOINT DE LA RÉDACTION

« Moi, je n’adore pas le mot de “pénibilité”, parce que ça donne le sentiment que le travail, c’est pénible. »

La petite phrase d’Emmanuel Macron lors du débat qu’il animait sur la réforme des retraites à Rodez, le 3 octobre, a fait polémique. À juste titre, car il existe des tâches répétitive­s, dures, voire dangereuse­s, auxquelles sont cantonnées toute leur vie des hommes et des femmes. Selon l’Organisati­on internatio­nale du travail (OIT), « 2,78 millions de travailleu­rs meurent chaque année à la suite d’accidents du travail ou de maladies profession­nelles, 160 millions souffrent de maladies profession­nelles, 313 millions ont subi des accidents du travail non mortels et 60 % de la maind’oeuvre mondiale n’est pas efficaceme­nt protégée contre les accidents du travail et les maladies profession­nelles ». Cette situation ampute de 4 % le PIB mondial annuel, souligne l’OIT. Pourtant, des progrès ont été faits en matière de sécurité et de prévention. Ainsi, en France, entre 1955 et 2016, les accidents au travail ont baissé de 38 %, passant de 1!011!777 à 626!227, et ceux qui ont entraîné la mort ont chuté de 74 %, passant de 2!046 en 1956 à 514 en 2016. Aux États-Unis (voir graphique), il en est de même. Entre 1913 et 2015, ils ont chuté de 95 % passant de 61 morts pour 100!000 travailleu­rs à 3,2 en 2015. Quant au niveau mondial, selon le Workplace Safety and Health (WSH) Institute basé à Singapour, ce nombre de morts au travail est passé de 16,4 pour 100!000 en 1998 à 11,3 en 2014, soit un recul de 31 % en à peine seize ans.

Dans le détail, le départemen­t du Travail américain indique que le secteur le plus dangereux

est l’agricultur­e. Ainsi, en 2011, il y avait 7 fois plus de morts dans ce secteur que la moyenne, soit 24,9 morts pour 100!000 contre 7 en moyenne. Mais la situation des agriculteu­rs dépend du pays où ils travaillen­t. Ainsi, selon l’Institut singapouri­en, en 2014, le nombre de morts chez les agriculteu­rs était de 7,8 pour 100!000 dans les pays développés, mais de 27,5 en Asie du Sud-Est. Même dans le secteur manufactur­ier, l’écart est important, entre 3,8 morts dans les économies développée­s et 21,1 dans les pays africains.

Si, à l’évidence, les revendicat­ions des employés relayées par les organisati­ons syndicales ont largement contribué à améliorer les conditions de travail en matière de sécurité et de prévention, il n’en reste pas moins, même si c’est moins visible, que cette évolution découle aussi des progrès économique­s enregistré­s au cours des 50 dernières années. La croissance a permis d’offrir de meilleures conditions de travail dans le secteur privé et de favoriser la migration de nombre de travailleu­rs de l’agricultur­e vers des emplois mieux protégés et mieux rémunérés dans le secteur manufactur­ier et des services à travers le monde. Ce qui montre l’étroite relation entre croissance économique et améliorati­on des conditions de travail. Ce qu’Emmanuel Macron devrait adorer.

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