[ Municipales 2020 À Bordeaux, un match plus serré que prévu ]
« Tous les candidats se prétendront “plus écolo que moi tu meurs”. Mais les gens préféreront l’original à la copie » PIERRE HURMIC,
TÊTE DE LISTE ÉCOLOGISTE
assuré la fidélité, en vertu d’une histoire locale commune entre les deux mouvements. Avec cette coalition, Nicolas Florian est crédité de 31,5 à 32,5 %, selon l’une ou l’autre des hypothèses testées dans notre sondage. Entré en politique à 26 ans en tant que conseiller municipal de Villenave-d’Ornon, dans la métropole bordelaise, ce titulaire d’une maîtrise en droit des affaires, qui se destinait à devenir avocat, a exercé des mandats de conseiller régional, de conseiller départemental, de secrétaire départemental de l’UMP puis des Républicains de 2002 à 2018. Proche de Valérie Pécresse, chargé de communication du promoteur immobilier Pichet entre 2008 et 2013, élu depuis 2014 à la mairie de Bordeaux, il revendique à la fois l’héritage d’Alain Juppé mais aussi un ton personnel qu’il souhaite impulser et qu’il va lui falloir rendre lisible d’ici à mars prochain. Le timing sera court puisque Nicolas Florian ne compte présenter son projet et son équipe qu’en janvier.
LES VERTS FONT UNE PERCÉE
En deuxième position, la liste des écologistes menée par Pierre Hurmic réalise une véritable percée avec 24,5 % des intentions de vote. Actuel conseiller municipal d’opposition et conseiller métropolitain Europe Écologie-Les Verts (EELV), l’avocat de 64 ans y croit fort, après avoir réussi à rassembler derrière lui toutes les nuances écologistes (EELV, Cap 21, Génération Écologie...). « Nous sommes aujourd’hui la deuxième force politique locale – en témoigne le bon score des écologistes lors des dernières élections européennes à Bordeaux. Nous autres, nous prêchions dans le désert depuis longtemps. Mais le désert avance et nous sommes de mieux en mieux entendus. Nous n’avons jamais été aussi légitimes », estimait Pierre Hurmic lors de l’officialisation de sa candidature le 26 septembre. Certain que la question environnementale tiendra une place centrale dans les prochaines élections, il est convaincu que « tous les candidats se prétendront “plus écolo que moi tu meurs”. Mais les gens préféreront l’original à la copie. » Sa notoriété en revanche reste faible$: 71 % des Bordelais sondés disent ne pas le connaître.
Le Parti socialiste sera-t-il un allié des écologistes$? A priori, oui. Testée dans le sondage, une candidature de l’élu socialiste d’opposition Matthieu Rouveyre, vice-président du conseil départemental de la Gironde, récolte un petit 5,5 % des intentions de vote. La direction nationale du PS souhaite à tout prix éviter une guerre interne qui éreinterait la base locale dans le cadre d’une campagne d’investiture. Matthieu Rouveyre et Emmanuelle Ajon, elle aussi conseillère municipale et vice-présidente du Département, ont donc été missionnés pour établir un accord avec les écologistes. Les militants locaux du PS l’ont accepté. Les deux camps reconnaissent volontiers qu’il y a des connexions entre leurs idées. Reste à décider quel serait le degré de « radicalité » d’un programme commun centré sur l’urgence climatique. Conscient de sa force, Pierre Hurmic veut imposer ses conditions$: « Il serait inconcevable qu’à Bordeaux on n’ait pas une liste tirée par un ou une écologiste. » L’hypothèse d’une liste soutenue par EELV et le Parti socialiste menée par Pierre Hurmic est créditée de 30,5 % des intentions de vote, avec un report de voix mécanique des soutiens socialistes. Ce qui place ce ticket très près derrière le maire sortant Nicolas Florian, à 32,5 % dans cette hypothèse$! Face à cette menace, la droite et le Modem ont déjà leurs angles d’attaque$: « Pierre Hurmic est au conseil municipal depuis 1995, Nicolas Florian depuis 2014. La radicalité des écologistes va faire peur au segment d’électeurs qui va des socialistes aux centristes » , juge ainsi un élu de premier plan de la majorité municipale. « Le pouvoir use, le non-pouvoir n’use pas » , répond de lui-même Pierre Hurmic.
THOMAS CAZENAVE, 3e À LA TRAÎNE
Investi par La République en marche, Thomas Cazenave est crédité de 11,5 à 13 % des intentions de vote dans notre sondage La Tribune- Elabe. En troisième position, l’actuel délégué interministériel à la transformation publique auprès du P r e mi e r mi n i s t r e , Édouard Philippe, est né et a grandi à Bordeaux mais ses divers opposants se sont empressés de lui coller une étiquette de parachuté qu’il combat depuis. Directeur général adjoint de Pôle emploi de 2011 à 2016, cet inspecteur des finances a ensuite rallié le cabinet d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, puis a pris le poste de secrétaire général adjoint de l’Élysée sous François Hollande. À Bordeaux, il va devoir prouver, y compris dans les rangs des sympathisants du président de la République, qu’il se distingue réellement de ce que proposera Nicolas Florian$: « Cette liste n’est pas le premier choix des électeurs d’Emmanuel Macron du premier tour de la présidentielle#: 38 % (dans les deux hypothèses) d’entre eux se dirigent vers la liste de Nicolas Florian, contre 30 %/27 % vers la liste LREM. De plus, 19 % des électeurs d’Emmanuel Macron expriment l’intention de voter pour la liste écologiste, et jusqu’à 25 % d’entre eux dans l’hypothèse d’union EELV/PS », relève Elabe. Distancé pour le moment, Thomas Cazenave est dans la position du « faiseur de roi »$: s’il rallie Nicolas Florian dans les prochains mois, ce dernier abordera le premier tour dans une position nettement plus favorable. « On a plus de points communs que de différences avec En Marche, mais, à Bordeaux comme ailleurs, c’est compliqué de lutter contre les égos et les entourages », assène un élu de la majorité locale. « Il y a une grande porosité intellectuelle et idéologique entre ces deux candidats. Il vaudrait mieux un bon accord avant le premier tour qu’un mauvais au second. » Pour autant, chez les Marcheurs, il n’est pas du tout question de jeter l’éponge. Ce sondage est une photo à l’instant T du rapport de force$: les militants estiment qu’il reste du temps pour refaire ce retard. Il faudra sans doute attendre la fin de l’année pour y voir plus clair$: si les sondages ne s’améliorent pas, LREM pourrait se
rallier à Nicolas Florian pour éviter tout risque de basculement de la ville à gauche. Mais d’autres échos, à Bordeaux, expliquent que Thomas Cazenave est allé trop loin dans la campagne pour s’en retirer avant le premier tour.
VINCENT FELTESSE
POUR UNE NOUVELLE BATAILLE
Vincent Feltesse concentre quant à lui entre 9 et 9,5 % des intentions de vote. Derrière Nicolas Florian, c’est lui qui capitalise sur la meilleure notoriété et la meilleure image auprès des sondés. Aujourd’hui magistrat financier à la Cour des comptes, conseiller municipal d’opposition et conseiller régional, il a présidé la Communauté urbaine de Bordeaux de 2007 à 2014, avant qu’elle mue en métropole, été député de 2012 à 2014 avant de partir à l’Élysée en tant que conseiller de François Hollande, alors président de la République. Surpris par « l’intensité de la
défaite » au premier tour en 2014 avec un maigre 22,58 % des voix face à Alain Juppé, il dit avoir tiré des leçons de cet échec et a depuis quitté le Parti socialiste. À la tête d’une liste sans étiquette, Vincent Feltesse prend bien soin d’inscrire sa candidature dans le contexte de la Métropole, qu’il brigue également. Ses premières propositions évoquent un moratoire sur les grandes opérations urbaines et une politique environnementale musclée pour peser sur les comportements des habitants. De quoi imaginer des connexions avec les écologistes#? Peut-être, mais pour l’instant, chacun avance de son côté. L’addition de trois blocs assez proches menés par Pierre Hurmic, Vincent Feltesse et les socialistes tutoie les 40 % d’intentions de vote, alors qu’un attelage Nicolas Florian-Thomas Cazenave serait à 44 %.
Testée également, une liste soutenue par La France insoumise, menée par Loïc Prud’homme, récolte 6 % des intentions de vote. Depuis, le député de la Gironde a annoncé qu’il ne serait pas candidat. Le flou perdure encore sur les intentions de La France insoumise à Bordeaux. Le mouvement ne paraît pas vouloir participer à des alliances politiques et pourrait soit présenter un candidat soit soutenir une personnalité non encartée. Candidat du Rassemblement national, Bruno Paluteau se situe sensiblement au même niveau, entre 5 et 6 % selon les hypothèses. Chirurgien-dentiste, l’actuel conseiller municipal de Bègles et conseiller régional a commencé sa campagne dès le mois de juin et ambitionne de dépasser les 10 % au premier tour en mars 2020. Enfin, une liste d’extrême gauche est évaluée à 3,5 % des intentions de vote selon ce sondage La Tribune- Elabe. Le candidat sans étiquette Pascal Jarty oscille entre 1 et 1,5 %. Figure du monde associatif bordelais, le chef de file de Servir Bordeaux a été pendant trente ans directeur du Centre d’information jeunesse Aquitaine. Deux fois conseiller municipal sous Chaban-Delmas, il a aussi figuré sur la liste du socialiste Alain Rousset en 2008.