L’environnement en tête des préoccupations
SONDAGE Rendre la ville plus verte doit être la première des priorités d’action du futur maire, affirment les Bordelais, également soucieux des problèmes de circulation et de logement.
Le sondage d’Elabe pour La Tribune sur le climat politique à Bordeaux s’intéresse également aux domaines d’intervention prioritaires attendus parles Bordel ais ":44% d’entre eux citent la protection de l’environnement. Un chiffre considérable qui explique sans doute les 24,5 % d’intentions de vote de la liste des écologistes menée par Pierre Hurmic (EELV). C’est peut-être le seul sujet sur lequel la quasi-totalité des candidats déclarés sont d’accord : l’élection de mars et les mois qui la précéderont placeront l’environnement au coeur des débats. Le maire sortant refuse de s’inscrire dans la campagne jusqu’en janvier, mais a déjà glissé quelques pistes dans ses discours : il évoque ainsi « des réponses à apporter à notre échelle » en matière de transition énergétique avec, entre autres, l’installation prochaine d’éoliennes urbaines horizontales ou encore la poursuite des aménagements favorisant la pratique sécurisée du vélo, déjà nombreux mais pas suffisants. Dès à présent, une partie du projet d’aménagement du quartier de la Jallère, au nord de la ville, a été stoppée.
Du côté des écologistes, Pierre Hurmic a déjà annoncé que sa première décision, s’il est élu maire, serait de « déclarer Bordeaux en état d’urgence climatique. Le premier budget municipal déclinera très vite une politique de résilience. Les décisions prises jusqu’à présent sont une calamité. On ne peut pas se contenter d’une politique des petits pas, ou des petits pots. » Allusion malicieuse aux arbres en pots et aux ombrières déployés cet été place Pey-Berland par la municipalité pour protéger les passants du soleil de plomb...
Investi par LREM, Thomas Cazenave propose, lui, de doubler les espaces verts dans la ville. « Il est indispensable de transformer la ville pour l’adapter au défi du changement climatique parce qu’on a vu les limites de la ville de pierre et la nécessité d’aller vers la nature. Bordeaux n’a que 15 mètres carrés d’espaces verts par habitant contre 50 en moyenne dans les 50 plus grandes villes françaises », affirme-t-il. Candidat sans étiquette, Vincent Feltesse évoque quant à lui un « grand emprunt vert de 1 milliard d’euros » exclusivement réservé à financer des projets environnementaux. Nul doute que les idées vont continuer à fourmiller dans les prochaines semaines.
SUJETS SENSIBLES : LES BOUCHONS ET LES PRIX DE L’IMMOBILIER
La circulation figure au deuxième rang des priorités énoncées dans notre sondage. Là non plus, rien d’étonnant dans une des villes françaises les plus mal classées en matière de circulation. La dernière étude de l’institut Inrix estime qu’un Bordelais passe en moyenne 223 heures par an dans les bouchons, juste derrière Paris (237 heures). Mi-septembre encore, la vaste enquête « Impact des déplacements sur l’activité économique » menée auprès de 1"073 entreprises au printemps 2019 par la CCI Bordeaux Gironde attestait d’une dégradation très sensible de la situation depuis 2012 au détriment de l’activité économique du territoire et de ses entreprises : 49 % des entreprises girondines disaient y rencontrer des problèmes d’accessibilité et de desserte, soit un bond de 17 points en sept ans"; 89 % des entreprises girondines de plus de 100 salariés disaient être concernées par des difficultés liées aux trajets domicile-travail de leurs salariés. Les transports en commun semblent déchaîner moins de passions, malgré les nombreuses interruptions de circulation du tramway cette année. Et pourtant, ce sera un sujet structurant du prochain mandat, à la ville comme à la métropole. Le projet de métro à 1,4 milliard d’euros qui a agité Bordeaux cette année, abandonné dès la livraison de l’étude de faisabilité, aura au moins eu un mérite : celui de rappeler que la trajectoire actuelle en matière de mobilités doit trouver un nouveau souffle. « En 2030 le réseau actuel sera saturé en raison de la croissance démographique et de l’usage croissant des transports en commun au détriment de la voiture. Il faut donc anticiper », estime le maire (LR) de la ville, Nicolas Florian.LeRERmétropolitainavancedoucement. Récemment, la création d’un barreau autoroutier pour délester la rocade des poids lourds en transit international est revenue à l’ordre du jour, Vincent Feltesse avance de son côté l’idée d’un « péage urbain avec des cliquets sociaux ».
En troisième position parmi les sujets les plus cités, on retrouve le logement. Une thématique loin d’être anodine dans une ville où le prix du mètre carré a flambé et qui est devenue la deuxième plus chère de France derrière Paris, avant de repasser derrière Lyon il y a quelques semaines. En cinq ans, le prix moyen au mètre carré des appartements bordelais a grimpé de plus de 32 %"! Une progression vertigineuse qui a généré un phénomène de gentrification que peu contestent aujourd’hui, repoussant les ménages les moins fortunés aux confins de la métropole. Le manque de logements locatifs ainsi que leur prix commencent à poser des problèmes à certaines entreprises en jouant négativement sur leur attractivité. Certaines écoles supérieures ainsi que la faculté voient des étudiants renoncer, faute de réussir à trouver un point de chute. En filigrane, derrière la question immobilière se pose celle de la démographie de la métropole bordelaise. Bordeaux compte 252"000 habitants. Au dernier pointage, le prix dans l’ancien se stabilise autour de 4"500 euros le mètre carré. Son attractivité ne semble pas se démentir pour le moment. Quel est son avenir urbain"? C’est peut-être le sujet qui générera le plus d’avis divergents dans cette campagne. Le maire actuel estime que Bordeaux est équipée jusqu’au seuil des 300"000 habitants et doit continuer à construire. Tant Vincent Feltesse que les socialistes et les écologistes estiment que la politique de l’offre a montré ses limites et demandent un gel des grandes opérations urbaines, ou tout au moins un recalibrage. Thomas Cazenave veut réussir à mobiliser le parc de logements bordelais vacants, estimé autour de 10"000 unités. Au Parti socialiste comme chez les écologistes, on milite pour une expérimentation sur l’encadrement des loyers, repoussée par Nicolas Florian et Thomas Cazenave. Tous les mouvements ont proposé ces dernières semaines la création d’un office foncier solidaire capable de dissocier terrain et bâti pour faire baisser les prix. Le 7 octobre, le maire de Bordeaux annonçait que le dossier était sur les rails...
En quatrième position des thèmes prioritaires arrivent le développement économique et l’emploi. Sur ce point, c’est le socialiste Matthieu Rouveyre et son mouvement « Bordeaux maintenant » qui se sont montrés les plus clairs en appelant à « faire le deuil de l’attractivité à tout prix » . Document de 50 pages à l’appui, ils estiment que « l’attractivité bordelaise a eu plus d’effets néfastes qu’elle n’a apporté de solutions pour la population locale. On va dans le mur si on ne change pas notre modèle de développement. » La propreté et la sécurité ne sont qu’en sixième et septième positions, la fiscalité locale en neuvième position. Cela tombe bien : pour l’heure, tout le monde a listé des projets mais bien peu ont parlé de l’évolution des impôts...
« Le premier budget municipal déclinera très vite une politique de résilience. Les décisions prises jusqu’à présent sont une calamité » PIERRE HURMIC,
TÊTE DE LA LISTE DES ÉCOLOGISTES AUX MUNICIPALES