La Tribune Hebdomadaire

Climat!: le citoyencon­sommateur au rapport

- PHILIPPE MABILLE DIRECTEUR DE LA RÉDACTION

C’est une innovation institutio­nnelle dans l’air du

temps : 150 citoyens tirés au sort sont chargés, dans le cadre d’une Convention citoyenne, de proposer d’ici à début 2020 des mesures concrètes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre en France. L’idée, inspirée de la démocratie délibérati­ve, est fille de la crise des « gilets jaunes ». Ils voulaient le RIC, le référendum d’initiative citoyenne, en toute matière#: ils auront la Convention citoyenne pour le climat. L’opération est cousue de fil vert#: le gouverneme­nt voudrait-il que cette Convention fasse revenir la hausse de la taxe carbone que les « gilets jaunes » ont enrayée ? s’interroge un participan­t#.

Poser ainsi la question, c’est presque y répondre, tant il est évident qu’il n’y a pas de solution, hors d’un mécanisme fiscal agissant sur les prix de l’énergie, pour inciter les producteur­s comme les consommate­urs à changer leurs comporteme­nts. De fait, au-delà des 150 convention­nels constitués à l’image de la société française, même s’il ne s’agit pas d’un échantillo­n statistiqu­e représenta­tif au sens des règles utilisées pour les sondages, c’est bien la société civile tout entière qui est renvoyée à ses propres responsabi­lités en ce qui concerne le climat. S’il s’agit bien d’une question « existentie­lle » , comme l’a dit la nouvelle commissair­e européenne chargée de l’Énergie, si l’urgence climatique doit primer désormais sur toute autre priorité, comme l’expriment dans les rues les manifestan­ts d’Extinction Rebellion (XR), alors il est temps de passer aux actes. Le défi est immense. Les citoyens-consommate­urs sont au coeur du problème et sont en même temps la solution. On le voit dans l’agroalimen­taire, le consommac’teur a réussi à faire changer les comporteme­nts de l’industrie, au nom du « bien manger » (lire pages 18-19).

Toute la question est de faire adhérer une minorité suffisamme­nt active aux changement­s. C’est justement la thèse des activistes d’XR qui s’inspirent des travaux d’une universita­ire américaine méconnue, Joanna Macy, pionnière de l’écopsychol­ogie. Selon elle, « la bataille pour le climat ne doit pas être une confrontat­ion!; il n’y a pas d’ennemis, pas de gentils contre les méchants parce que nous sommes tous concernés par la catastroph­e climatique. Les solutions ne peuvent se trouver que tous ensemble. » Joanna

Macy prône l’entraide et souligne que « les petits gestes pour la planète ne sont pas moins importants que les grandes décisions » . Le discours fait un peu bisounours si on le compare à celui tenu par Greta

Thunberg à l’ONU, pour qui « le temps de la décrois

sance est venu » et qui plaide pour des mesures beaucoup plus radicales, comme l’interdicti­on de l’avion. Au début de la crise des « gilets jaunes », Emmanuel Macron avait enfermé le débat dans une opposition presque insoluble entre la fin du monde et la fin du mois. Le rôle de la Convention citoyenne pour le climat est de résoudre cette équation en proposant des mesures fortes et courageuse­s dont le mérite sera de ne pas descendre d’en haut, mais d’être élaborées par l’intelligen­ce collective de citoyens placés en situation de décideurs, à l’abri, on le suppose en tout cas, des lobbies. Que sommes-nous prêts individuel­lement et collective­ment à accepter comme contrainte­s pour sauver la Terre du réchauffem­ent climatique#? Comment le faire en conciliant l’écologie et l’économie, la croissance et la planète, l’emploi et la qualité de vie#? Soyons réalistes#: il est plus que probable que la montagne accouchera d’une souris… verte.

C’est bien la société civile tout entière qui est renvoyée à ses propres responsabi­lités.

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