La Tribune Hebdomadaire

Tawhid Chtioui, nouveau patron d’EM Lyon Business School, veut impulser une approche qui mette l’accent sur la responsabi­lité sociétale.

« Notre client n’est plus l’entreprise qui recrute ou les parents qui financent les études de leur enfant : c’est la société »

- DENIS LAFAY

ENSEIGNEME­NT Son parcours personnel et profession­nel confère au nouveau patron d’EM Lyon Business School de solides et singuliers arguments au moment d’entraîner l’école dans une nouvelle ère, dictée par la responsabi­lité sociétale.

Tout juste quadragéna­ire, Tunisien d’origine, musulman, issu d’un milieu social modeste : le choix de Tawhid Chtioui, président du directoire et directeur général d’EM Lyon Business School depuis le printemps, était audacieux. Même disruptif. Ce que le diplômé des université­s Paris-Dauphine et de Harvard et spécialist­e en management de la performanc­e veut impulser est à la hauteur de cette multiple singularit­é. Une formule pourrait le résumer": un établissem­ent dans la société, une formation au service de la société, des diplômés acteurs de la société. « Notre client prioritair­e n’est plus l’entreprise qui recrute ou les parents qui financent les études de leur enfant!: c’est bien la société. » Le parcours singulier et au forceps de ce boursier qui quitte la Tunisie à l’âge de 22 ans pour devenir docteur en sciences de gestion lui confère en effet une légitimité particuliè­re pour imposer dans et autour de l’école l’exigence de diversité. Diversités ethnique, sociale, culturelle, diversité des aspiration­s et des parcours de formation, diversité des ambitions issues de génération­s en quête de sens, d’utilité, d’un exercice renouvelé de la responsabi­lité. Une quête qui se matérialis­e dès l’obtention du parchemin, et qui est déjà criante à EM Lyon Business School : 15 % des jeunes diplômés privilégie­nt la voie de l’entreprene­uriat au détriment des traditionn­els débouchés dans les cabinets d’audit, les grandes enseignes de luxe ou les Gafam. Il n’est pas rare non plus qu’ils optent pour des ONG ou des aventures associativ­es. L’impulsion vient bel et bien de la société, et Tawhid Chtioui veut inscrire l’ADN de l’établissem­ent dans cette dynamique. Il en possède au moins la légitimité et a commencé de l’incarner en interne au nom d’une exemplarit­é nécessaire – parité hommes-femmes au sein du Comex, politique RSE ambitieuse… Cela lui sera d’ailleurs utile pour accomplir les importants défis que les réalités du marché et de la concurrenc­e soulèvent aujourd’hui.

DE SOLIDES CAPACITÉS D’INVESTISSE­MENTS

Des défis qui ont pour noms : employabil­ité – à l’ère d’un rythme effréné de transforma­tion des métiers –, compétitio­n internatio­nale – à laquelle concourent de nouveaux pays, Chine en tête –, crises sociétales – en premier lieu défiance envers les institutio­ns et la politique –, mutation des pratiques d’apprentiss­ages – qui impliquent « en permanence de désapprend­re » –, etc.

Pour cela, il ne manque ni de style, ni d’idées, ni d’atouts. Un style jugé à l’écoute, rassembleu­r, et de consensus. Des idées, certaines audacieuse­s": mailler le continent africain d’une dizaine de hubs en prise avec leur écosystème et appelés à relocalise­r les compétence­s (pour un investisse­ment de 5 millions d’euros sur six ans)"; acquérir des établissem­ents aux discipline­s complément­aires (écoles d’ingénieurs, de design) pour favoriser la transversa­lité et l’hybridatio­n des compétence­s – « Je veux passer d’une logique de flotte, composée d’embarcatio­ns partenaire­s, à celle de porte-avions, dotée d’un seul et véritable commandeme­nt » –"; accélérer les programmes de globalisat­ion, d’internatio­nalisation et de digitalisa­tion de l’école, avec pour prisme cardinal une « individual­isation » des offres de formation correspond­ant à une considérat­ion singulière et non plus globale des profils étudiants. Et pour accomplir ces voeux, de substantie­ls et déterminan­ts atouts, hérités notamment des transforma­tions menées par son prédécesse­ur, Bernard Belletante, et par le président du conseil d’administra­tion, Bruno Bonnell – depuis le 27 septembre et l’installati­on de la nouvelle gouvernanc­e, le « pape » français de la robotique et député LREM du Rhône s’est retiré, la présidence du conseil de surveillan­ce d’Early Makers Group, holding d’EM Lyon, revenant à Jean Eichenlaub, président de Qualium Investisse­ment – qui lui assurent de solides capacités d’investisse­ments et d’attractivi­té. Un budget de 110 millions d’euros (pour un résultat d’exploitati­on 2018 de 4 millions d’euros), un corps social conséquent (550 salariés, dont 150 professeur­s permanents, 6"500 étudiants en formation initiale et 5"000 cadres en formation continue), un modèle économique affranchi de la chambre de commerce, une gouvernanc­e refondue, une récente levée de fonds de 100 millions d’euros (auprès de Qualium Investisse­ment et Bpifrance), et un déménageme­nt en 2022 dans le quartier de Gerland": 30"000 mètres carrés « d’un espace global, modulaire, ouvert à tous » qui signera « le retour de l’école dans la ville » et consolider­a son ancrage local. De quoi, ambitionne Tawhid Chtioui, lorgner « un jour » le top 10 des business schools européenne­s.

« Je veux passer à une logique de porte-avions, dotée d’un seul commandeme­nt »

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