La Tribune Hebdomadaire

Vinci Airports lorgne les aéroports américains

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Xavier Huillard ne cesse de le marteler : le développem­ent des activités aéroportua­ires est stratégiqu­e pour le groupe de constructi­on et de concession­s. Il est crucial puisqu’il vise à compenser la fin des concession­s autoroutiè­res françaises du groupe quand celles-ci arriveront à échéance à partir de 2032.

Vinci Airports, la filiale aéroportua­ire du groupe de BTP, a donc une douzaine d’années pour au moins doubler de taille et peser autant que les quelque 5,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisés par Vinci Autoroute aujourd’hui. Si l’ensemble des 46 aéroports gérés par Vinci Airports génère 4,8 milliards d’euros de recettes, le chiffre d’affaires consolidé des aéroports dans les comptes du groupe ne s’élèvera « qu’à » 2,6 milliards d’euros environ cette année. Une goutte d’eau pour Vinci qui pèse 45 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Pour autant, dans le monde aéroportua­ire, Vinci est un poids lourd. Avec 46 aéroports gérés à travers toute la planète (France, Portugal, Royaume-Uni, Suède, Serbie, Cambodge, Japon, États-Unis, République dominicain­e, Costa Rica, Brésil) et 240 millions de passagers accueillis, Vinci Airports se situait l’an dernier au troisième rang derrière le groupe espagnol Aena et ADP, mais l’intégratio­n de l’aéroport de Londres Gatwick en mai (46 millions de passagers en 2018) lui permettra de rafler cette année la seconde place. ADP ne comptabili­se en effet plus, depuis mars dernier, le trafic d’Istanbul Atatürk (68 millions de voyageurs) qui lui appartient, en raison du transfert de l’activité vers un nouvel aéroport géré par d’autres concession­naires. Surtout, Vinci Airports a construit ce réseau énorme à une vitesse fulgurante, sous la houlette de Nicolas Notebaert, aujourd’hui directeur général de toute la branche Concession­s du groupe. Car, s’il a récupéré la gestion des aéroports du Cambodge en 1995, Vinci n’a réellement débuté son activité qu’à partir de 2004, et encore, de manière très modeste, avec les aéroports français de Grenoble, Chambéry et Clermont-Ferrand.

DE NOUVEAUX MODÈLES DE CONCESSION

Les ambitions de Vinci aujourd’hui augurent d’une politique de croissance externe extrêmemen­t dynamique. Le groupe mise sur le mouvement de privatisat­ion qui touche le secteur aéroportua­ire depuis plusieurs années. « Il y a un élargissem­ent géographiq­ue du modèle de concession d’infrastruc­tures publiques à des acteurs privés. Il touche des pays aussi différents que le Brésil, la Turquie, l’Inde, la Russie, le Japon…, et même maintenant les ÉtatsUnis, où la dynamique n’a jamais été aussi forte. Les États-Unis, comme le Japon il y a quelques années, se rendent compte que ce modèle est gagnant-gagnant », fait valoir Nicolas Notebaert.

Souvent cités par les partisans du maintien des aéroports dans la sphère publique, les États-Unis commencent à ouvrir la porte au secteur privé de leurs aéroports. Plus précisémen­t, de leurs aéroports secondaire­s. « Nous disposons de huit contrats de gestion aéroportua­ire aux États-Unis, mais des projets se préparent de manière massive. Aujourd’hui la moitié des offres sur laquelle nous travaillon­s sont aux États-Unis », assure Nicolas Notebaert. L’aéroport de Saint-Louis dans le Missouri (30 millions de passagers annuels, soit l’équivalent d’Orly) vient de lancer un appel à propositio­ns.

Le patron de Vinci Concession­s évoque également un autre modèle en vigueur outre-Atlantique, moins connu : celui des terminaux aéroportua­ires ou même de parties de terminaux appartenan­t à des développeu­rs immobilier­s qui les revendent à des opérateurs ou des investisse­urs. Un schéma qui ressemble, à une échelle différente, à ceux des fonds d’investisse­ment, lesquels, une fois les niveaux de rentabilit­é atteints, revendent en général leur participat­ion.

Ce marché secondaire constitue, avec les mises en concession des pouvoirs publics, le second moyen pour mettre la main sur de nouveaux aéroports. La structure du marché aéroportua­ire est également jugée favorable par le groupe français. « Contrairem­ent aux autoroutes où les valorisati­ons d’actifs des sociétés concession­naires existantes se comptent en milliards d’euros, le marché des aéroports peut compter sur des opérations capitalist­iques de toutes les tailles allant de 300 à 500 millions d’euros jusqu’à 1 milliard d’euros, voire quelques milliards d’euros. C’est sa force », explique Nicolas Notebaert. Si le dossier Aéroports de Paris s’ouvre, il faudra sortir le carnet de chèque. Une victoire parisienne permettrai­t de doubler de taille immédiatem­ent.

F. G.

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[DAVID ACKERMAN] Les aéroports américains se tournent de plus en plus vers le secteur privé, comme celui de Saint-Louis qui vient de lancer un appel à propositio­ns.

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