La Tribune Hebdomadaire

Bruno Cavagné (FNTP) : « Nos territoire­s brûlent »

TERRITOIRE­S Le président de la FNTP, Bruno Cavagné, vient de publier Nos territoire­s brûlent (Le Cherche-Midi). Il propose de redonner le pouvoir au local et d’affecter plus clairement les impôts.

- PROPOS RECUEILLIS PAR CÉSAR ARMAND

Presque un an après le début du mouvement des « gilets jaunes », le président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), Bruno Cavagné, publie « Nos territoire­s brûlent. Redonner du pouvoir au local » (Le Cherche-Midi). Pour lui, si les objectifs de la loi d’orientatio­n des mobilités étaient ambitieux, le résultat est décevant. Pour répondre aux maux économique­s et sociaux actuels, il plaide pour un triple pacte : girondin, européen et intergénér­ationnel. « Il faut redonner des moyens aux territoire­s. »

LA TRIBUNE – Presque un an après le début du mouvement des « gilets jaunes » et à quelques mois des municipale­s, vous pointez une « France des

moins » . Comment l’expliquez-vous"?

BRUNOCAVAG­NÉ –L’urgence territoria­le dure depuis un peu plus de trente ans avec un abandon progressif des territoire­s qui s’est traduit politiquem­ent et socialemen­t. À cause de cet abandon, la France se divise et se fracture de plus en plus. Les gens expriment un sentiment d’oubli, qui est la traduction du recul des services dans les territoire­s, de l’accès aux soins, de la mobilité, de l’absence de couverture numérique. Un Français sur quatre a déjà dû renoncer à un travail ou à une formation faute de moyen de transport. Le démographe Hervé Le Bras estime que depuis quarante ans, il existe un pacte tacite entre les Français et l’État quant à leur voiture. Si l’État délaisse les territoire­s, en contrepart­ie, il ne peut pas porter atteinte à la voiture et au prix de l’essence qui sont les seuls vecteurs de mobilité dans ces territoire­s. Rappelons-nous que tout est parti de là en novembre 2018.

La loi d’orientatio­n des mobilités y apporte-t-elle les bonnes réponses"?

Si l’objectif était louable, le résultat est décevant. Entre l’ambition affichée du président de la République, qui a repris dès 2017 notre idée de créer un Conseil d’orientatio­n des infrastruc­tures pour programmer et financer la mobilité et les infrastruc­tures de demain, et la nature du projet de loi, le choix retenu est, hélas, peu ambitieux. Si nous voulons retrouver une France apaisée et redonner une égalité des chances territoria­les, il faut redonner des moyens aux territoire­s. Le tout-métropole ne doit plus être l’alpha et l’oméga de nos politiques d’aménagemen­t du territoire, car l’effet de ruissellem­ent est loin d’être systématiq­ue. Les Français devraient pouvoir travailler là où ils ont envie de vivre. La condition : que les investisse­ments soient au rendez-vous dans tous les territoire­s, notamment en matière de mobilité et de numérique.

Vous accusez Bercy de mettre la main sur deux tiers des recettes fiscales liées à la mobilité. Comment inverser la tendance"?

Entre la taxe à l’essieu et les différente­s vignettes, seuls 12 des 45 milliards d’euros de fiscalité liée à la mobilité lui reviennent. Les 33 milliards restant relèvent du budget général. C’est pourquoi je demande des impôts affectés pour que les contribuab­les comprennen­t où va leur argent. Je milite également pour une part d’investisse­ment privé. Plutôt que d’être dans le court terme et faire de la comptabili­té, portons un véritable projet politique.

Quelle est justement la nature du pacte girondin que vous proposez"?

C’est un pacte de bon sens. Nous devons remettre au plus près du terrain les décisions et appliquer le principe de subsidiari­té. Si une commune ne peut faire quelque chose, cela doit remonter à l’intercommu­nalité, et ainsi de suite. Il faut également donner aux élus locaux un statut, ainsi que le pouvoir d’expériment­er.

Les projets de loi actuels – Engagement et proximité – et à venir – Décentrali­sation, déconcentr­ation et différenci­ation – vont dans ce sens, non"?

Quand vous écoutez le président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’Économie et des Finances, ils semblent l’avoir entendu, mais nous voulons que le gouverneme­nt aille plus loin. Cela ne doit plus rester à l’état de parole. Osons$!

La crise ne vient-elle pas aussi d’une politique qui répond aux urgences économique­s et sociales de court terme sans préparer l’avenir"?

Plutôt qu’une politique de pouvoir d’achat et de redistribu­tion qui n’a pas réglé la crise des territoire­s, je prône dans mon ouvrage une politique d’investisse­ment qui nous réconcilie et prépare l’avenir.

Je propose trois pactes : un pacte girondin en faveur d’un droit territoria­lement différenci­é qui permette aux élus et aux citoyens de bénéficier d’un droit adapté à la réalité des territoire­s$; un pacte européen qui permette de sortir certains types d’investisse­ments d’intérêt général européen de l’appréciati­on du déficit et de la dette (ceux liés à la transition écologique e t a ux proj e t s d’ i nt e r - connexion européenne)$; un pacte entre les génération­s qui prône l’instaurati­on d’un plan d’investisse­ment (mobilité, numérique, santé, formation, service) pour préparer l ’ a v e ni r des je unes génération­s en contrepart­ie d’un effort d’allongemen­t de la durée d’activité.

« Le tout-métropole ne doit plus être l’alpha et l’omega de nos politiques d’aménagemen­t du territoire »

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[DIDIER MOREL] Face aux grands problèmes actuels, Bruno Cavagné plaide pour un triple pacte : girondin, européen et intergénér­ationnel.
 ??  ?? Bruno Cavagné, Nos Territoire­s brûlent. Redonner du pouvoir au local, éditions Le Cherche-Midi, 2019, 192 pages, 18 euros.
Bruno Cavagné, Nos Territoire­s brûlent. Redonner du pouvoir au local, éditions Le Cherche-Midi, 2019, 192 pages, 18 euros.

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