La Tribune Hebdomadaire

Parions sur une économie digitalisé­e

- ROBERT JULES DIRECTEUR ADJOINT DE LA RÉDACTION

Andrew McAfee est professeur au célèbre Massachuse­tts Institute of Technology (MIT) près de Boston, où il a créé le MIT Initiative on Digital Economy. Ses recherches portent sur les changement­s qu’entraîne le digital dans l’entreprise, l’économie et la société. De lui, on peut lire en français

Des Machines, des plateforme­s et des foules et Le Deuxième Âge de la machine. Travail et prospérité à l’heure de la transforma­tion numérique (parus aux éditions Odile Jacob). Son nouvel ouvrage, non traduit, a pour titre More from Less

(éd. Scribner), que l’on peut traduire par « Plus à partir de moins ». Il y développe une thèse pour le moins iconoclast­e en considéran­t qu’aujourd’hui nous savons développer la prospérité en réduisant notre impact sur les ressources de la planète, un résultat rendu possible parce que la croissance dépend de technologi­es qui dématérial­isent notre monde. En effet, contrairem­ent à la révolution industriel­le du xixe siècle dont le développem­ent absorbait de plus en plus de matières premières – minerais, métaux, engrais, forêts, énergies fossiles, terres arables… –, nos économies ont changé de paradigme avec l’informatiq­ue et le recours généralisé à l’Intelligen­ce artificiel­le (IA) dont on commence à peine à découvrir les potentiali­tés.

Grâce à la digitalisa­tion, les entreprise­s deviennent

plus efficiente­s, utilisant moins de matériaux pour produire le même volume de biens et de services. Ce phénomène s’accélère avec la concurrenc­e, les entreprise­s étant poussées à adopter plus rapidement cette dématérial­isation de leurs activités qui leur permet de rester dans la course en produisant à prix moindre. Or, pour Andrew McAfee, ce phénomène va nous mener à dépasser des « pics d’activité » pour de plus en plus de matières premières.

C’est ce qui a poussé McAfee à parier que d’ici 2029 les États-Unis consommero­nt moins d’énergie, et donc réduirons leurs émissions de CO2, que les surfaces agricoles diminueron­t, de même que l’utilisatio­n d’engrais et d’eau pour irriguer, même si le volume de récoltes sera plus important. Au niveau mondial, nous utiliseron­s en moyenne par habitant moins de fer et d’acier, d’aluminium, de nickel, du cuivre, d’or, de terres rares, de chrome, d’étain, et de tungstène, ainsi que de bois et de papier.

Avec ce pari, McAfee réitère l’initiative du biologiste et écologiste Paul Ehrlich qui avait parié 10"000 dollars en 1980 contre l’économiste Julian Simon, que les prix de cinq métaux (cuivre, chrome, nickel, étain et tungstène) augmentera­ient dans les dix ans. Les prix déclinèren­t (voir

graphique), notamment grâce à l’améliorati­on de la technologi­e et à la découverte de produits de substituti­on. Paul Ehrlich avait sous-estimé une ressource : l’ingéniosit­é humaine. McAfee y ajoute aujourd’hui la révolution digitale. n

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