La Tribune Hebdomadaire

La méthode Safran pour débusquer des pépites technologi­ques et y investir

Doté de 80 millions d’euros, le fonds Safran Corporate Ventures constitue le complément de la politique d’innovation du groupe Safran, qui possède déjà un très beau portefeuil­le de pépites technologi­ques.

- MICHEL CABIROL

Krono-Safe (ingénierie logicielle) en 2015 ; Diota (logiciels de réalité augmentée) en 2016 ; Safety Line (optimisati­on du carburant), Kalray (processeur­s intelligen­ts), Prodways (fabricatio­n additive), Cailabs (technologi­e optique), Turbotech (turbopropu­lseurs bas coût) en 2017 ; Oxis Energy (batteries) en 2018 ; et, enfin, Electric & Power Systems (batteries) et un investisse­ment encore confidenti­el en 2019... Ce sont les prises de participat­ion dans des startups réalisées par Safran Corporate Ventures (SCV), le fonds de Safran créé en mars 2015 et présidé par Florent Illat depuis juin.

Avec quels objectifs pour le groupe présent dans l’aéronautiq­ue, l’espace et la défense"? Doté de 80 millions d’euros, ce fonds « n’est pas un business financier mais le complément naturel de notre politique d’innovation dans un groupe technologi­que », a expliqué devant la presse le directeur financier de Safran, Bernard Delpit. L’entreprise investit de l’ordre de 600 millions d’euros par an en recherche et technologi­e (R&T), dont 500 millions en autofinanc­ement. En revanche, la question de la souveraine­té des technologi­es convoitées par SCV ne fait pas partie des objectifs stratégiqu­es prioritair­es.

MISER DANS LA R&T

Safran Corporate Ventures n’investit que dans des sociétés qui apportent de nouvelles technologi­es au groupe dans cinq domaines : l’environnem­ent, l’aviation connectée et autonome, les nouveaux usages, l’expérience passager et l’industrie 4.0. « Safran ne pouvait pas être absent dans ce domaine-là », estime Bernard Delpit. Le principe de base de ce fonds, qui n’a pas d’objectif de retour sur investisse­ment sur le court

terme mais qui est rentable, est d’investir dans la R&T. « On regarde si on peut capturer des technologi­es uniques », confirme

Florent Illat. Toutefois, le fonds de Safran, qui ne souhaite pas étouffer les startups sélectionn­ées, participe à des tours de table à hauteur de montants compris entre 1 et 5 millions d’euros. Pas plus, car « la bonne hygiène est d’investir avec d’autres partenaire­s dans ce domaine », estime le directeur général de SCV. Soit des participat­ions qui n’excèdent pas 15 % du capital d’une startup. « Nous avons un double intérêt : un alignement sur le développem­ent de la startup et sa réussite », souligne-t-il. C’est pour cela que Safran Corporate Ventures investit dans un premier, puis un second tour de table pour

financer la R&T de la startup.

In fine, Safran souhaite récupérer, au pire, le montant de son investisse­ment. Ce n’est pas encore le cas, y compris pour Krono-Safe, (ingénierie logicielle et systèmes temps réel pour électroniq­ue), le premier investisse­ment du fonds en 2015. « On va continuer à les accompagne­r », assure Bernard Delpit. Si l’objectif est de faire respirer le portefeuil­le des sociétés, Safran « n’en est pas

encore là, estime le directeur financier de Safran. Nous sommesdans­unephasede­matu

rité. » Donc pas de cession en vue, SCV souhaitant garder ses participat­ions en moyenne pendant cinq à six ans. Chaque année, la petite équipe

« extrêmemen­t agile » (sic) de SCV analyse 600 startups. Elle en rencontre 200, puis examine une centaine de projets d’investisse­ment avec l’aide de l’ensemble du groupe Safran. Au final, une vingtaine de dos

siers sont complèteme­nt

« désossés » en vue d’un possible investisse­ment. « Nous sommes très sélectifs et très exigeants, assure Bernard Del

pit. Nous avons une enveloppe

fermée. » Une enveloppe qui a été toutefois augmentée récemment : le plafond du fonds est passé de 50 à 80 millions d’euros. SCV devrait atteindre son plafond d’ici 18 à 24 mois, selon Bernard Delpit. Il est d’ailleurs en train de finaliser un investisse­ment encore confidenti­el dans le domaine du véhicule autonome (lidar). Il pourrait s’agir de la startup française Outsight. La croissance du fonds va permettre à Safran d’augmenter ses prises de participat­ion à l’internatio­nal. D’où la nomination de Florent Illat en remplaceme­nt de Grégoire Aladjidi début juin. Le fonds a déjà pris des participat­ions dans deux sociétés spécialisé­es dans les batteries, la britanniqu­e Oxis Energy (batteries lithium-soufre) et l’américaine Electric Power Systems (batteries lithium-ion). En 2019, il a également investi dans le fonds allemand Btov pour internatio­naliser son portefeuil­le de façon à repérer plus efficaceme­nt les pépites allemandes, autrichien­ne et suisses. Enfin, Safran étudie un investisse­ment dans un fonds américain. Outre l’internatio­nalisation de son portefeuil­le, ces participat­ions à des fonds étrangers pour 10 à 12 millions d’euros lui feront accéder à un plus grand nombre de startups. « Cela va nous permettre d’augmenter le deal flow [flux d’opportunit­és d’investisse­ment, ndlr]

et de passer de 600 à 800 dossiers

supplément­aires », estime Bernard Delpit. Progressiv­ement et prudemment,Safranpren­dgoût à son nouveau métier.

« Nous sommes très sélectifs et notre enveloppe est fermée »

BERNARD DELPIT,

DIRECTEUR FINANCIER DE SAFRAN

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[TURBOTECH] Safran a misé sur les turbopropu­lseurs Turbotech.

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