La Tribune Hebdomadaire

Gorbatchev, trente ans après le Mur

- ROBERT JULES DIRECTEUR ADJOINT DE LA RÉDACTION

Mikhaïl Gorbatchev a été un des acteurs majeurs qui ont permis que, le 9 novembre 1989,

le mur de Berlin tombe sous les coups de pioches et de marteaux de la population, ouvrant la voie à la réunificat­ion de la RDA etdelaRFA (lire pages 4 et 5). La fin de la guerre froide, le démantèlem­ent de l’URSS et la fin de l’expérience communiste ont suscité à l’époque bien des espoirs. Trente ans après, que reste-t-il de ce formidable élan de liberté&? Le dernier dirigeant de l’URSS y répond dans un ouvrage en forme de testament politique, Le Futur du monde global (1). Deux dangers majeurs menacent l’humanité selon lui : la reprise de la course aux armements nucléaires et l’accélérati­on du réchauffem­entclimati­queglobal,quinepourr­ontêtre réglés que sous l’égide d’organisati­ons internatio­nales comme l’Onu, qui ont été marginalis­ées à tort. C’est la conséquenc­e, selon lui, du choix des dirigeants des États-Unis – un pays qui le fascine, tout comme le Japon qu’il admire – d’avoir, après la chute de l’URSS, « suivi une stratégie de domination en mettant l’unilatéral­ité au service de leurs seuls intérêts », qui ont conduit à de nombreuses guerres. L’ex-secrétaire du PC de l’URSS dénonce aussi les dérives de la mondialisa­tion dans le cadre du néolibéral­isme, responsabl­es à ses yeux de la montée des inégalités et de l’affaibliss­ement de l’État providence : « Nous n’avons pas le droit d’espérer que le marché libre et le libre-échange vont tout régler. » Politiquem­ent, celui qui se revendique « social-démocrate » voit avant tout dans la démocratie la possibilit­é pour les citoyens de changer de gouverneme­nt sans violence, grâce au vote. Car ce qui est nouveau, c’est que « les gens rejettent avec une déterminat­ion croissante l’emploi de la violence pour résoudre les problèmes, y compris lorsqu’ils sont de nature globale ». Quant à la Russie, dont le PIB avait presque diminué de moitié dans les années 1990, Gorbatchev met au crédit de Vladimir Poutine d’avoir oeuvré à la modernisat­ion et à la stabilisat­ion du pays et de son économie (voir graphique), même si 19 millions de Russes vivent sous le seuil de pauvreté. Politiquem­ent, il considère que « la Russie ne peut avoir qu’un seul avenir : la démocratie ». Et s’adressant aux gouvernant­s de la Russie, il leur dit : « N’ayez pas peur des gens#! (…) Cessez de voir des ennemis dans ceux qui manifesten­t, qui contestent ou qui signent des pétitions. Une société civile vivante, créative et exigeante est dans l’intérêt aussi bien des citoyens que du gouverneme­nt. Et elle va voir le jour. »

Un message parcourt d’ailleurs ce livre, empreint d’une certaine mélancolie, mais assurément d’une certitude pour l’avenir : pour résoudre les différence­s et les opposition­s des gouvernant­s, il faut « s’asseoir à la table des négociatio­ns et ne pas s’en lever tant que les problèmes ne sont pas réglés ». Cette volonté mérite d’être entendue.

(1) Mikhaïl Gorbatchev, Le Futur du monde global, éditions Flammarion, 216 pages, 18 euros.

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