La Tribune Hebdomadaire

« Il faut remettre l’usine au centre de la stratégie »

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ENTRETIEN

Le défi est à la fois technologi­que, culturel et territoria­l mais l’industrie moderne, numérique et responsabl­e n’est plus un voeu pieux, elle est réalité. Et c’est très bon pour la compétitiv­ité, explique le président de l’Alliance industrie du futur. LA TRIBUNE – En juillet 2015, naissait l’Alliance industrie du futur (AIF) que vous présidez. Quatre ans plus tard, les objectifs qui étaient fixés sont-ils atteints!? Quelles sont les priorités!?

BRUNO GRANDJEAN – Il n’y a pas que l’AIF à oeuvrer pour porter une autre image de l’industrie. Il y a un rebond de l’investisse­ment productif en France et c’est un moteur de la croissance française. La robotique également a fait un bond. Il y a eu une prise de conscience qui est visible au travers des investisse­ments réalisés. L’industrie, c’est aussi du numérique, ce n’est plus Zola, c’est du travail de haute qualificat­ion. Du côté des pouvoirs publics nous voyons des éléments de fiscalité qui nous sont favorables. La réussite du grand salon

Global Industrie est un autre élément qui prouve que les chefs d’entreprise sont plus responsabl­es, plus militants qu’avant. C’est un vrai sujet de société que de remettre l’usine au centre des préoccupat­ions. Nous avons gagné le combat culturel. Mais ce qui a été cassé en vingt ans ne peut pas être réparé en quatre ou cinq ans.

Quel est le rôle de l’indice I2DF qui a été lancé en juin dernier!?

Cet indice doit nous permettre de savoir où on en est, quelle est la progressio­n des PMI vers l’industrie du futur. C’est un indicateur de maturité numérique, présent dans les contrats État-Région qui servira à la fois aux entreprise­s pour adapter leur stratégie et leur management, mais aussi à l’orientatio­n des politiques publiques d’accompagne­ment. Nous espérons que l’Italie et l’Allemagne se rallieront à cette initiative.

Vous êtes monté au créneau – avec d’autres acteurs de l’industrie – pour défendre le rôle des centres techniques industriel­s, notamment dans leur rôle d’accompagne­ment des PMI dans les transition­s numériques et environnem­entales. Et vous avez convaincu Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances…

Les Centres techniques industriel­s étaient perçus comme l’héritage du passé alors qu’ils jouent un rôle essentiel dans le passage du laboratoir­e à l’usine. Leur financemen­t vient d’être sanctuaris­é ce qui représente un arbitrage favorable à l’industrie. Et les remet au centre du jeu. Nous avons besoin de recherche appliquée, pas uniquement de produits innovants mais également de process innovants.

Quel effet de levier peut-on espérer de Territoire­s d’industrie!?

L’échelon régional est le bon échelon, c’est le bon réglage. Il faut l’animer, le faire vivre. Jusqu’à présent on avait une approche top down. Mais les structures doivent suivre. Le critère qui démontrera la maturité, c’est lorsque les sujets de difficulté­s des entreprise­s ne seront plus traitées par Paris mais au niveau régional.

L’AIF distingue des PME innovantes et tournées vers le futur via les Vitrines de l’Industrie du futur. Ce « label » est-il une simple reconnaiss­ance ou joue-t-il un effet de levier côté business!?

Ce sont 70 entreprise­s qui ont été labellisée­s. Ce sont des entreprise­s exemplaire­s, qui tirent tout le monde vers le haut. C’est un travail de communauté, un réseau d’excellence [les entreprise­s labellisée­s constituen­t un club qui leur permet d’échanger entre elles sur des problémati­ques communes, ndlr]. C’est un peu notre Légion d’honneur.

Comment évolue l’industrie du futur en Europe!? La France est-elle compétitiv­e!?

Tous les pays ont compris que l’industrie doit être performant­e. La France est en train de réussir des choses qui inspirent. Nous sommes dans une logique de militantis­me. L’industrie du futur ce n’est pas que de la techno pure mais aussi une façon d’intégrer le collectif, les salariés… C’est une French touch appréciée. C’est une façon de sortir des stéréotype­s. La France a sa place. Nous n’avons pas à rougir.

On souligne souvent le manque de féminisati­on de la filière industriel­le. Est-ce un changement de mentalité qui doit s’opérer!?

C’est peut-être là que se situe le point de retard. Il existe un décrochage culturel qui mettra du temps à se résorber, des stéréotype­s difficiles à faire bouger. On peut souligner l’engagement et l’initiative de l’associatio­n Elles bougent qui oeuvre pour faire découvrir le métier d’ingénieure aux jeunes femmes. Oui, les métiers de l’industrie ne sont pas réservés aux hommes. L’industrie est un métier ouvert. Or, le grand public est resté cantonné à ce qu’était l’industrie dans les années 1970. C’est aussi le rôle des enseignant­s de valoriser l’industrie actuelle. Il existe de toute façon toujours un décalage entre le moment où on commence le combat et celui où cela se perçoit sur le terrain.

Chez les jeunes nous avons gagné une grande partie du combat culturel. On

L’objectif est par exemple de renforcer la connexion avec la recherche. Il faut convaincre les plus récalcitra­nts, ceux qui ont encore du mal à s’ouvrir. C’est faire que pour beaucoup d’entreprise­s, produire en France soit un choix. Il y a des filières à encore mieux valoriser, comme celle des biens d’équipement par exemple. Nous voulons mettre en valeur la capacité de la France à fabriquer des capteurs, des logiciels… Il existe un effet d’accélérati­on. C’est en ce moment que la France peut rattraper son retard. Nous avons tout pour remporter le match de la compétitiv­ité.

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Pour Bruno Grandjean, la France n’a pas seulement besoin de produits innovants, mais également de process innovants.
[DR] Les jeunes sont-ils enfin sensibles à la diversité offerte par l’industrie!? Osent-ils, comme les y incite le projet collaborat­if « Osez l’industrie!! », mené avec l’UIMM!? Pour Bruno Grandjean, la France n’a pas seulement besoin de produits innovants, mais également de process innovants.

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