La Tribune Hebdomadaire

Des élus sur la défensive à l’approche de leur congrès

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ATTENTES

Le Congrès des maires et des présidents d’intercommu­nalités, qui se tient du 19 au 21 novembre, sera l’occasion pour les élus locaux d’interpelle­r l’exécutif sur leurs revendicat­ions, comme sur les contrats de transition écologique.

À la différence de l’an dernier, où il s’était contenté de recevoir 2"000 maires à l’Élysée, le chef de l’État ouvrira, cette année, le congrès des maires, comme en 2017. Affichage politique d’Emmanuel Macron à l’approche des élections municipale­s ou améliorati­on des relations entre l’exécutif et l’Associatio­n des maires de France (AMF)"? Les deux"! Dès le lendemain de la crise des « gilets jaunes », le gouverneme­nt a en effet présenté le projet de loi Engagement et proximité, visant à redonner du lustre à la fonction d’élu local. Le texte est sur le point d’être adopté par l’Assemblée. De même que la loi 3D, en cours de préparatio­n, devrait apporter aux collectivi­tés davantage de décentrali­sation, de déconcentr­ation et de différenci­ation. Résultat : les maires ont baissé la voix. D’habitude plus virulent, André Laignel, premier vice-président (PS) de l’AMF, estime que « l’ambiance s’est détendue » et que « le ton a évolué ». « Nous ne sommes plus ces “dépensiers clientélis­tes”, mais nous sommes redevenus des maires responsabl­es », insiste le maire d’Issoudun (Indre).

UN NOUVEL ACTE DE DÉCENTRALI­SATION

Sur le fond des sujets, en revanche, le discours des élus locaux demeure le même depuis mai 2017. « Nous avons des désaccords mais pas qu’avec Emmanuel Macron, estime ainsi le président de l’associatio­n François Baroin. Nous avons des désaccords avec l’État central sur la façon de traiter les collectivi­tés locales. » Même discours du côté du secrétaire général (UDI) de l’AMF, Philippe Laurent, qui dénonce « une attitude technocrat­ique en progressio­n constante ». « Toute discussion [avec l’administra­tion et le gouverneme­nt, ndlr] commence toujours par “Combien ça coûte"? Combien ça rapporte"?” » , s’agace le maire de Sceaux. C’est donc peu dire que les élus locaux attendent beaucoup du projet de loi 3D en cours d’élaboratio­n par les services du ministère de la Cohésion des territoire­s et des Relations avec les collectivi­tés territoria­les. À l’unisson, ils espèrent davantage « de simplicité, de libertés locales et de responsabi­lités » et non d’un énième « big bang administra­tif ».

UNE STABILISAT­ION DE LA FISCALITÉ LOCALE

Les maires ne digèrent pas non plus la suppressio­n de la taxe d’habitation sur les résidences principale­s, payée par tous ceuxqui occupentun­logement quels que soient leurs revenus. Ils accusent Bercy de n’avoir eu accès à « aucune simulation [ou] étude d’impact » quant aux « conséquenc­es réelles » pour chaque commune et intercommu­nalité. Olivier Dussopt, le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, assure, au contraire, que des « simulation­s individuel­les complètes » ont été transmises. Certes les maires récupérero­nt la taxe foncière, aujourd’hui perçue par les départemen­ts, mais le fait qu’elle ne concerne que les propriétai­res signe, pour eux, « la dissolutio­n d’un lien citoyen et républicai­n extrêmemen­t important » . Depuis l’encadremen­t par le gouverneme­nt de l eurs dépenses de fonctionne­ment, décidé en 2018, les élus locaux ne rêvent, en outre, que d’une chose : inscrire l’autonomie financière et fiscale des collectivi­tés dans la Constituti­on. La formule est déjà toute trouvée : « Les collectivi­tés territoria­les s’administre­nt librement dans le cadre de"la loi. » Encore faudra-t-il que l’idée soit reprise dans le futur projet de loi de révision constituti­onnelle… déjà ajourné à l’été 2018, à la suite de l’affaire Benalla.

PRIORITÉ À LA TRANSITION VERTE

Par ailleurs, les bons résultats des écologiste­s aux élections européenne­s"ou les revendicat­ions des « gilets jaunes » l’expliquent-ils"?

Toujours est-il que la révolution verte s’invite, chaque jour davantage, dans le discours des maires. « C’est une priorité pour tous les élus locaux », assure ainsi François Baroin. « Une tendance lourde », « une affaire de long terme »… Dans la bouche des sortants ou des candidats, ces expression­s reviennent de plus en plus pour expliquer que la transition écologique sera le sujet clé du mandat 2020-2026.

À cet égard, les contrats de transition écologique (CTE), expériment­és en 2018 sur 19 territoire­s pilotes, prouvent qu’il est possible d’associer l’État, une ou des intercommu­nalités et les acteurs de terrain. Toutefois, seuls 61 de plus, portant à 80 le total de territoire­s engagés, ont rejoint cette démarche en juillet dernier. Par exemple, le Pays de Brest, qui compte 420"000 habitants, souhaite créer une plateforme de rénovation de l’habitat, mais également définir un schéma directeur des énergies renouvelab­les, développer une filière forêtbois durable, étudier les risques de submersion marine ou encore amplifier la formation des « citoyens du climat ». Le nombre de 80 intercommu­nalités impliquées reste toutefois relativeme­nt faible au regard des tâches à accomplir : développem­ent des énergies renouvelab­les, de l’efficacité énergétiqu­e, de l’économie circulaire. Et ce, malgré un accent mis sur des axes forts comme la ruralité et l’agricultur­e, la constructi­on et l’urbanisme ou la biodiversi­té. D’ailleurs, en général, les maires n’ont pas d’autre choix que la « démerde » , pour reprendre une expression du président de l’associatio­n des maires d’Île-deFrance, Stéphane Beaudet, ou de jongler entre les prêts bancaires, les subvention­s de l’État et autres financemen­ts intercommu­naux, départemen­taux voire régionaux, pour mener à bien leurs projets."

« Nous avons des désaccords avec l’État central sur la façon de traiter les collectivi­tés locales » FRANÇOIS BAROIN,

PRÉSIDENT DE L’AMF

C. A.

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[L. MARIN/AFP] Selon Olivier Dussopt, chargé de l’Action et des Comptes publics, l’effet de la fin de la taxe d’habitation a bien été planifié.

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